La généalogie, outil prosélyte
Les mormons ne sont pas classés parmi les sectes, mais ils font l'objet en France de la surveillance des associations.

Par STÉPHANE LAGARDE

Le mardi 22 aout 2000


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10 millions d'adeptes, 31 000 en France

Joseph Smith, le prophète fondateur de l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours, a publié le Livre de Mormon en 1830, quinze ans après avoir eu la vision d'un ange près de Palmyra, dans l'Etat de New York. Les mormons sont aujourd'hui dix millions dans le monde, précisément: 10 354 241.

Le berceau de leur communauté reste la ville de Salt Lake City, fondée en 1847 par des mormons et siège de sa bibliothèque généalogique mondiale, animée par la Genealogical Society of Utah. L'Eglise compte 4 940 000 fidèles aux Etats-Unis, et dispose de 57 853 missionnaires répartis dans le monde.

La France est peu évangélisée puisqu'elle ne compte que 31 000 mormons répertoriés, dont 528 jeunes enrôlés à l'étranger. Grâce à son entreprise de microfilmage, l'Eglise a néanmoins ouvert 60 bibliothèques généalogiques en France.

Les mormons? «Une secte religieuse moitié judaïque, moitié chrétienne, qui admet la polygamie et la théocratie.» C'est par cette formule lapidaire qu'Emile Littré définissait les mormons dans son Dictionnaire de la langue française en 1873. Mais les temps changent. La polygamie a été officiellement abandonnée. La poignée de fidèles rassemblés en 1830 par celui qui allait devenir leur prophète vivant, Joseph Smith, a tant et si bien converti d'âmes qu'ils sont aujourd'hui plus de 10 millions dans 164 pays. Bien que répertoriée par certains ouvrages sur les sectes (notamment le Dictionnaire des sectes, éditions Milan), l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours ne figure pas sur la liste noire du rapport parlementaire de 1995 consacré aux sectes en France.

Dépendance. Cette absence est d'ailleurs devenue un argument de prosélytisme du coté des mormons. «Comment aurait-il pu en être autrement?», s'interroge l'un des sites Internet qui vantent les mérites de l'Eglise. Et de citer les accords passés par les mormons avec l'Etat français. «Comment admettre que depuis presque quatre décennies la France se serait placée sous la dépendance d'une secte pour la conservation et l'exploitation de ce qu'elle a de plus cher: son patrimoine historique et culturel?»

L'an dernier, réagissant à des déclarations américaines, Alain Vivien, le président de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, avait mis les mormons à l'index. «Aux Etats-Unis, les libertés sont folles, avait-il déclaré. Au nom du premier amendement de la Constitution américaine, qui interdit de légiférer en matière religieuse, on peut dire et faire n'importe quoi, y compris pratiquer la polygamie comme certains mormons.» La Mission de lutte contre les sectes avait précisé par la suite qu'Alain Vivien visait «des dissidents mormons de l'Utah» restés adeptes de la polygamie. Bien qu'elle n'ait fait réaliser aucune enquête sur les mormons, en l'absence de plaintes de fidèles, la Mission de lutte contre les sectes estime aujourd'hui que l'Eglise (31 000 membres déclarés en France) est «un groupe religieux qui ne pose pas de problèmes en France».

«Aberrations.» Les disciples de l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours n'en demeurent pas moins observés d'un œil soupçonneux par les organismes antisectes comme l'Association de défense des familles et de l'individu (Adfi). Pour Robert Limb, spécialiste des groupements «pseudo-protestants» à l'Adfi, «il est peu utile de vouloir classer cette Eglise dans les sectes ou les non-sectes». Selon lui, la doctrine mormone tient de la «supercherie intellectuelle», car elle repose en partie sur des «aberrations» - les mormons faisant par exemple naître Jésus-Christ à Jérusalem. L'antenne lilloise de l'Adfi s'est penchée sur l'entreprise de microfilmage de l'Eglise. «Le risque est grand que la généalogie ne devienne un instrument majeur de prosélytisme des mormons», estime René Delporte, de l'Adfi-Lille. Les associations des généalogistes amenées à consulter les archives de Salt Lake City s'obligent régulièrement en retour à rédiger des textes en faveur des mormons.


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