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Montpellier, qui a grandi si vite

LE MONDE | 22.02.01 | 13h35
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MONTPELLIERde notre correspondant

Cette ville a tout pour séduire : un potentiel de recherche et un environnement universitaire réputé, une médecine de pointe, des festivals dont la renommée n'est plus à faire. Montpellier, qui accusait un certain retard en matière d'équipements, s'est dotée d'une grande bibliothèque, d'un tramway et d'un complexe de loisirs en cours de réalisation. Dès le mois de février, les terrasses des cafés sont baignées de soleil. Sur la place de la Comédie se croisent congressistes pressés, jolies femmes et jeunes des quartiers.

Cette cité dynamique n'a plus rien de commun avec ce qu'elle était il y a une quarantaine d'années lorsque ses voisines Nîmes et Béziers espéraient encore lui ravir son titre de capitale du Languedoc. « La ville dormait, il ne s'y bâtissait plus rien. Elle faisait partie de ce qu'on appelait, avant-guerre, les villes mortes du golfe du Lion », se souvient l'écrivain occitan Max Rouquette. Pour le géographe Roger Brunet, « c'était une ville médiocre, un peu soumise aux professeurs de la faculté de médecine ». Il aura fallu l'arrivée, dans les années 1960, des rapatriés d'Afrique du Nord et du géant américain IBM pour que la cité bourgeoise et altière se métamorphose, sous l'impulsion des deux seuls maires qu'elle a connus depuis : le giscardien François Delmas et le bouillant socialiste Georges Frêche.

Le premier a développé la ville à l'ouest en planifiant dans l'urgence des nouvelles arrivées la construction des hautes tours de la Paillade, prévues pour héberger 40 000 habitants, banlieue dans la ville. Le second, à partir de 1977, a délibérément mis le cap à l'est, direction la mer : création du monumental quartier d'Antigone, prolongé aujourd'hui par le quartier de Richter et demain par Port-Marianne, à deux pas d'Odysseum, complexe naissant de loisirs et de commerces. Depuis 1962, Montpellier a doublé sa population. Dans les dix ans qui viennent, son agglomération devrait accueillir 70 000 nouveaux arrivants.

La croissance de la capitale languedocienne ne présente pas que des avantages : inadéquation du marché de l'emploi, essentiellement tourné vers les métiers du tertiaire, embouteillages aux portes de la ville, mitage du paysage. Pour l'urbaniste Alain Marguerit, Montpellier présente tous les aspects d'une ville nouvelle, « même si elle ne s'annonce pas comme cela ». « La ville a changé de contenu social, mais elle s'est élargie à partir d'un centre qui n'était pas très grand, alors que d'autres villes comme Toulouse ou Nice ont crû sur une base ancienne beaucoup plus large, de l'ordre de  300 000 habitants », explique Roger Brunet.

A Montpellier, l'expansion est d'autant plus déroutante que les nouveaux quartiers reposent sur une ville à qui il manque déjà, selon Dominique Rousseau, professeur de droit public, « l'épaisseur que donne le temps ». « La ville, créée en 985, reste relativement jeune », dit-il. Par ailleurs, si  l'on compare Montpellier à Nîmes, Béziers ou Perpignan, on cherchera en vain un quelconque particularisme local, susceptible de fonder un sentiment de commune appartenance.

La tradition taurine qui enflamme les villages environnants, côté est, n'a jamais franchi les portes de la ville, et le tambourin est resté cantonné dans les villages situés à l'ouest. « Même au niveau de la cuisine, il n'y a rien de marquant », poursuit Dominique Rousseau. Montpellier, contrairement à ce que l'on peut croire parfois, n'est pas vraiment non plus une fille de la Méditerranée, dont les plages se situent à moins d'un quart d'heure en voiture. « C'est une ville des terres qui a toujours été tournée vers l'arrière-pays avec le négoce du vin, souligne Roger Brunet. Au début du siècle, le littoral n'était qu'un marécage, infesté de moustiques. Le petit train de Palavas, c'était du folklore. La mer n'intéresse les Montpelliérains, à travers l'achat de résidences secondaires, que depuis une dizaine d'années. »

L'urbanisation récente, confiée à des architectes prestigieux, aurait pu contribuer à faciliter l'émergence d'une identité locale. Ce n'est pas vraiment le cas. La ville offre parfois l'impression de n'être qu'un immense décor de théâtre, un catalogue d'architectes sans lien apparent. « Un bel emballage », déclare Gérard Borras, le président de la chambre de commerce et d'industrie. Pour Alain Marguerit, « on a assisté à une juxtaposition d'opérations ponctuelles, sans réflexion sur les valeurs, sur ce qui fonde ce territoire du Languedoc, entre mer et Cévennes ».

Ce paysagiste peste notamment contre Antigone, le quartier dessiné à l'entrée est de la ville par l'architecte catalan Ricardo Bofill : « Les premiers appartements qui ont été construits n'ont ni terrasses ni volets. Il y a une inadéquation entre la forme et les usages urbains. Là aussi, cela manque de réflexion sur les valeurs. »

Est-ce pour ces raisons que Montpellier est si difficile à saisir ? Aujourd'hui, seul un habitant sur quatre est originaire de la ville. Poser la question de ce qui définit un Montpelliérain provoque généralement l'embarras. Les Nîmois ou les Bitterois sont associés à des idées reçues plus ou moins fondées, ce n'est pas le cas pour les Montpelliérains, ou alors cela tient à la personnalité haute en couleurs de Georges Frêche, qui s'est totalement identifié à sa ville. « Il y a une autre chose d'étrange, indique Dominique Rousseau. Les gens sont en général heureux de vivre à Montpellier, ils s'y sentent bien, parce que le cadre de vie est agréable et que l'image qu'elle renvoie à l'extérieur est valorisante. Mais lorsqu'ils partent, ils n'ont pas vraiment de regret. On ressent comme une difficulté à s'attacher à cette ville. »

Une association tente d'incarner l'esprit de la ville, les Barons de Caravètes, du nom d'un patricien qui, en 1273, vendit son château aux consuls de Montpellier. Depuis, le titre se perpétue même si les critères d'admission ont été assouplis. Pour devenir « baron », il suffit d'être né à Montpellier de parents nés à Montpellier. Il y a encore peu, seuls les fils aînés pouvant justifier de trois générations successives de Montpelliérains étaient tolérés. Président des Barons de Caravètes, Philippe Saurel confirme le déficit identitaire de la ville : « Hormis notre association, il n'existe aucune autre tradition à Montpellier. C'est peut-être pour cela que les gens ont du mal à s'approprier la ville. »

Pour ce conseiller municipal socialiste, il y a peut-être une explication : « Montpellier a toujours été une ville de passage, de melting-pot, une ville qui par son passé universitaire, qui remonte au XIIe siècle, a reçu de nombreux peuples. Elle a été mi-catholique, mi-protestante. Au Moyen Age, elle a accueilli une importante communauté juive et cela s'est toujours bien passé. »

« Le Montpelliérain type n'existe pas, c'est vrai, il n'y a pas d'histoire commune,précise le bâtonnier Jacques Martin, rapatrié d'Algérie installé à Montpellier depuis 1965. Mais cette tradition d'ouverture et de tolérance fait qu'il n'y a pas de heurts entre les communautés, les gens sont contents d'y vivre. » A écouter ces deux conseillers municipaux sortants, on comprend que Montpellier se construit sans imposer de modèle. Ce qui pour Dominique Rousseau peut présenter un avantage, car « la ville n'est pas ankylosée et peut prodigieusement aller de l'avant ». On comprend aussi pourquoi Georges Frêche, après avoir beaucoup bâti, place dans cette campagne électorale un nouveau mot en tête de son vocabulaire politique : la convivialité.

Richard Benguigui


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