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Aux dernières Fêtes de l'Internet, les start-up
paradaient. Aujourd'hui, pour la quatrième édition, alors que les
tenants de la nouvelle économie ont plutôt mis leur souris en berne,
fêter l'Internet, c'est revenir aux sources, explorer cette nouvelle
société en réseau issue des nouvelles technologies. Nouvelles,
d'ailleurs, il ne faut pas exagérer, elles ne le sont pas tant que
ça. Si la transformation de l'image et du son en codes informatiques
n'est pratiquée tous azimut que depuis les années 80, le premier
ordinateur date de 1948. Et si les grandes entreprises se battent
maintenant pour acquérir un bout de réseau par-ci, par-là, la
disparition du monopole des télécoms a déjà une quinzaine d'années,
lorsque, après la chute du Mur, les Etats-Unis ont réduit leurs
efforts militaires et forcé leurs industries de pointe à se
reconvertir à l'informatique et à la microélectronique civiles.
Quant à Internet qui ressemble maintenant à la panacée de la
modernité bon teint, c'est un vieillard informatique plus que
trentenaire que bon nombre d'ingénieurs estimaient périmé au début
des années 90. Seulement, par le fait du hasard, toutes ces
technologies qui évoluaient gentiment dans leur coin se sont
rencontrées sur un terrain propice. Tout le monde le sait, les
grandes tendances socioculturelles des pays développés traduisent un
besoin d'autonomie, une recherche de sens après la chute des
idéologies, un goût des réseaux entremêlés et éphémères, en dehors
des fonctionnements traditionnels (travail, classe sociale), et
institutionnels (partis, syndicats, religion)...
Du coup, il y a cinq ou six ans, tout s'est accéléré.
Les prophéties des cybernéticiens en général et de Robert Wiener en
particulier, vieilles, elles aussi, d'un demi-siècle, puis revues
par Mac Luhan, sont ainsi totalement entrées dans la réalité :
l'espace social est un espace communiquant.
C'est vrai, on est encore très loin du média
universel, seul 6 % de la population mondiale utilise Internet.
Pourtant, sans cette extraordinaire conjonction, vous n'enverriez
pas d'un clic la photo du petit dernier à votre famille du bout du
monde, vous n'auriez pas accès aux manuscrits du XVe siècle stockés
à la BNF, vous n'iriez pas discuter rugby avec un inconnu des
antipodes, José Bové n'aurait pas eu la reconnaissance
internationale que l'on sait, vous n'auriez pas découvert que
l'Opéra d'Eureka Springs, petite ville inconnue du fin fond de
l'Arkansas, programmait Madame Butterfly en juillet...
Oui, mais voilà : qu'est-ce tout ça
va changer ? Comment ce fonctionnement en réseau peut-il
modifier les rapports sociaux, le militantisme, l'éducation, la
notion d'Etat ? Allez, risquons-nous : est-ce que ça va
nous amener à réinventer l'exercice de la démocratie ? Nous
amener, oui, car si on n'est pas actif, on est fichu. La preuve sur
le terrain où quelques webzines s'agitent déjà sur la Toile pour que
les internautes soient réellement citoyens. La preuve aussi avec
Alain Busson, universitaire et délégué général de l'Observatoire des
télécommunications dans la ville, pour qui ces nouvelles donnes
permettront peut-être à la société de devenir
adulte. |