Le
réseau de résistances
Les portraits des internautes
créateurs de sites citoyens
Meryem
Marzouki Le Net marchand
nous menace
Erwan
Cario A bas les
friconautes
Joëlle
Palmieri Le point com des
femmes
Alain
Busson Le retour du
politique par le web
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Ne vous y trompez pas : ce n'est pas parce que le
site s'appelle Les Chroniques du menteur que tout n'y est que
mensonge. Pas du tout. Il faut juste y voir un hommage à Boris Vian,
à qui ce titre a été emprunté. Au départ, ces chroniques de Pierre
Lazuly circulent par e-mail vers quelques copains. Car
l'informaticien qui se dissimule derrière ce pseudo, pour garder sa
liberté vis-à-vis de son employeur, adore faire partager ses coups
d'humeur. Ecrits d'une plume alerte, avec un style incisif et un
humour corrosif, ses billets ont avant tout pour cible la nouvelle
économie, qui transforme le Net qu'il adore en marché de dupes.
Pierre Lazuly, en effet, n'aime pas le libéralisme galopant, rêve
d'un réseau citoyen où l'autopublication des uns et des autres
permet de se connaître, de se comprendre, de créer une «vraie
société sociale». Bientôt il se laisse convaincre de dépasser le
petit cercle d'amis. Ainsi naît, en 1998, ce site où il n'hésite pas
à combattre les «entourloupeurs» et les «faiseurs de
faux-semblants», les «plagieurs», les médias otages du
tam-tam et tous ceux qui refusent de regarder les choses en face.
Sans publicité, grâce uniquement au
bouche-à-oreille électronique, ses chroniques deviennent célèbres
sur le Net et sont aujourd'hui envoyées à quelque 6 000 abonnés via
la liste de diffusion gratuite, tandis que le site reçoit tous les
jours la visite d'un millier de curieux. Rançon de la gloire :
«Depuis deux ou trois mois, j'ai atteint un trop grand nombre de
lecteurs pour que mes textes soient diffusés sans la relecture d'un
oeil extérieur. Je demande donc l'avis de quatre ou cinq personnes
avant de les publier. Et, si j'ai un doute juridique, je fais appel
à un copain juriste.»
Il faut dire
que l'ami Pierre n'y va pas avec le dos du clavier. Et c'est tant
mieux. Les billets, aujourd'hui, sont parfois devenus de véritables
enquêtes, dont les start-up, mais pas seulement, font les frais.
Prenez Multimania, par exemple. En un mois de mars 2000 euphorique,
la société va s'introduire en bourse. Elle annonce «1 100 %
d'augmentation du chiffre d'affaires» en à peine une année. Le
chiffre ne laisse pas Pierre Lazuly indifférent : dans un
article qui a fait date, joliment intitulé «Un déficit en forte
croissance», il prend soin de remettre à l'heure les pendules.com,
en s'appuyant sur le bon sens et sur une note de la COB, ce qui lui
permet de faire parler autrement les chiffres... Un an plus tôt, il
avait été le premier à dénoncer les travers du group buying
sur Internet, alias l'achat groupé, qui aujourd'hui compte ses
morts.
Avec L'Ornitho d'Erwan Cario et
Le Scarabée d'Arno, Les Chroniques du menteur forment alors un «tir
de barrage» contre la nouvelle économie. «Quand on parle de
sujets type Kosovo, ça n'apparaît pas comme légitime», se
souvient Pierre Lazuly. En revanche, on nous a pris au sérieux
quand on a traité d'Internet, parce qu'on savait de quoi on
parlait.» Effectivement, il sait de quoi il parle : non
seulement il fait partie du Minirezo, groupement informel de
webmestres indépendants, mais il a monté avec son camarade Arno Le
Portail des copains qui, comme son nom l'indique, regroupe des sites
amis, loin des «gros» portails généralistes. «Il fallait donner
aux internautes un point d'entrée unique aux différents webzines
indépendants.» Automatiquement mis à jour au quotidien grâce à
un logiciel robot créé par Pierre Lazuly, le site ouvre sur un
espace non commercial, constitué d'une centaine de ressources du web
indépendant. Ce Portail des copains va bientôt céder sa place à
L'Autre Portail, histoire d'être moins restrictif, et plus
fédérateur. Et d'arriver à plus de 10 000 lecteurs par jour,
«parce que si on n'arrive pas à partager nos idées avec des
milliers d'internautes, alors c'est
raté.». |