Alzheimer: l'espoir est dans un vaccin
400 malades sont volontaires pour le tester.

Par SANDRINE CABUT

Le lundi 17 septembre 2001

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La pilule antitabac est arrivée

Sur le front de l'antitabagisme, c'est une petite révolution: un médicament, le Zyban, délivré sur ordonnance aux fumeurs repentis, sera disponible aujourd'hui dans toutes les pharmacies. Le Zyban fait partie des antidépresseurs et les chercheurs ont constaté que, chez certains fumeurs, la nicotine agissait comme antidépresseur. Cette nouvelle pilule antitabac connaît un énorme succès aux Etats-Unis, où elle est utilisée depuis deux ans. Selon les études, le taux de succès serait de 30 % après trois mois, soit le double de celui atteint avec les substituts nicotiniques. La boîte de 60 comprimés de Zyban, suffisante pour un traitement de sept à neuf semaines, coûte 557 F (84,91 euros), non remboursés par la Sécurité sociale. L'Agence française des produits de santé (Afssaps) met en garde contre «un risque de survenue de convulsions et un risque potentiel d'abus ou de dépendance rare mais non exceptionnel». Elle souligne plusieurs contre-indications et rappelle que le Zyban peut, comme tout médicament, entraîner des effets secondaires. L'Afssaps recommande «de commencer le traitement avant l'arrêt effectif du tabac, ce dernier devant être effectué de préférence au cours de la deuxième semaine de traitement. En l'absence d'efficacité à la septième semaine, il n'y a pas lieu de poursuivre le traitement».



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Peut-on prévenir ou au moins retarder l'apparition de la maladie d'Alzheimer? Les chercheurs veulent y croire: pour la première fois, un vaccin va être testé chez environ 400 malades souffrant de démence sénile précoce. Une approche thérapeutique qui, pour la première fois, cherche à agir directement sur les causes de la maladie et pas seulement sur ses symptômes. La campagne internationale d'essais devrait démarrer avant la fin du mois aux Etats-Unis et dans plusieurs pays d'Europe, dont l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, la Suisse et la France, où plus d'une centaine de patients ont été sélectionnés. Objectifs? Confirmer la bonne tolérance de ce vaccin développé par les laboratoires Elan et Wyeth; voir s'il induit la formation d'anticorps; enfin - même si ce n'est pas le principal but à ce stade -, évaluer s'il améliore les signes d'une maladie pas trop évoluée.

«L'idée est d'immuniser contre des protéines (nommées bêta-amyloïdes, ndlr) pas très anormales en elles-mêmes, mais qui s'accumulent en plaques au cours de la maladie, explique le Pr Jean-Marc Orgogozo (CHU de Bordeaux), l'un des investigateurs. Si les protéines sont neutralisées par des anticorps, cela devrait empêcher la formation des plaques.» Ces plaques cérébrales, dites amyloïdes, sont, au côté des destructions de neurones, l'une des signatures de la maladie d'Alzheimer. Une maladie redoutable et de plus en plus fréquente, qui touche actuellement 450 000 personnes en France, pour la plupart âgées de plus de 65 ans.

Souris. Dans un premier temps, le vaccin, appelé AN-1792, a été testé par des équipes américaines chez des souris préalablement rendues sensibles à la maladie par des manipulations génétiques. Dans plusieurs expériences (publiées l'an dernier dans la prestigieuse revue Nature), les injections ont fait régresser les plaques chez les animaux ayant déjà déclaré la maladie ou prévenu leur apparition lorsqu'elles étaient réalisées avant les premiers symptômes. Mieux, le comportement de souris malades s'est trouvé amélioré, notamment leur mémoire spatiale.

Fort de ces résultats, le laboratoire a conduit les premiers essais chez l'homme, chez une centaine de volontaires non malades: le vaccin a été bien toléré et a induit la formation d'anticorps contre la substance amyloïde dans environ un quart des cas.

La nouvelle phase de l'étude, qui va débuter ces jours-ci, concerne, cette fois, des personnes qui ont déjà déclaré la maladie et présentent une atteinte «minime à modérée». La France est l'un des plus gros investigateurs, avec une dizaine de sites dont Paris, Bordeaux, Lille, Toulouse et Montpellier. «Les malades recevront trois ou quatre injections intramusculaires sur une durée de six mois. Ensuite, la poursuite du traitement dépendra de leur réponse», précise-t-on au laboratoire Wyeth, qui gère l'étude en Europe. Examens cliniques, prélèvements sanguins et de liquide céphalo-rachidien pour doser les anticorps, IRM (imagerie par résonance magnétique) pour juger de l'évolution des plaques... Les volontaires seront examinés régulièrement, pendant douze à quinze mois. Quant aux résultats, ils ne seront pas connus avant deux à trois ans. Les spécialistes ont envie d'y croire. «Lors des précédents essais de médicaments, nous savions d'emblée que l'effet ne serait que partiel. Là, on peut espérer un effet curatif», note le Pr Orgogozo. Qui tempère toutefois son enthousiasme... «Attention, poursuit-il. D'abord, il faut se souvenir que la souris n'est qu'un modèle, dont on n'est pas sûr qu'il soit fiable. Ensuite, il n'est pas certain que les plaques amyloïdes soient la bonne cible, car on ne connaît pas très bien la relation entre leur présence et les symptômes. Enfin, il faut confirmer que le vaccin n'est pas toxique.»

Des réserves partagées par le Pr Françoise Forette (hôpital Broca à Paris), qui coordonne l'étude en France. «Il ne faut pas donner de faux espoirs aux malades, nous ne sommes sûrs de rien», martèle-t-elle. Et d'ajouter: «Même si le vaccin agit sur les plaques, il ne va pas faire repousser les neurones.» Autrement dit, il risque, de toute façon, d'être inefficace lorsque la maladie est très évoluée.

«Aventure». Malgré toutes ces incertitudes et limites, les investigateurs ont fait face à un afflux de volontaires et tous les candidats ont déjà été recrutés. «C'est maintenant une aventure que nous allons partager avec nos patients», synthétise Françoise Forette. Si elle finit bien, le vaccin pourra alors être testé chez des personnes présentant un déficit très léger, voire préventivement.


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