La création de l'IAB

    Envoyer un message électronique à n'importe quel utilisateur ayant un boîte à lettres e-mail sur un des ordinateurs de l'Internet est possible car les ordinateurs hôtes de l'émetteur et du destinataire savent reconnaître et traiter un message e-mail et les routeurs intermédiaires savent transférer les paquets qui leur sont confiés.

    Cette connaissance commune est basée sur deux principes simples : d'une part, des protocoles sont définis précisémment pour le routage et pour la messagerie, d'autres part les règles sont publiées, accessibles et n'appartiennent à personne.

    Du temps d'Arpanet, c'est l'InterNetwork Working Group qui se chargeait de mettre au point les protocoles et de les communiquer au public, dont les ingénieurs chargés de les mettre en oeuvre sur leurs ordinateurs.

    Lorsque le réseau Internet fut créé, cette mission revint à l'Internet Configuration Control Board. Ce comité devint en 1983 une association indépendante : l'Internet Activities Board (IAB). Durant dix ans, cette association qui comprenaient les pionners de l'Internet dont Vint Cerf, Bob Kahn, ~Jon Postel et Dave Clark, eu a coeur de concevoir et de promouvoir les protocoles de base du réseau. Parmi ces protocoles, on trouvait bien entendu IP et TCP mais également User Datagram Protocol (UDP) un protocole voisin mais plus simple que TCP, File Transfert Protocol (FTP) destiné au transfert de fichiers complets d'un point à un autre, SMTP et POP pour la messagerie électronique, TELNET pour l'utilisation des ordinateurs à distance ainsi que beaucoup d'autres.

L'IETF, l'IRTF et les RFC

    L'IAB passa son temps à coordonner le développement des standards et à décider les administrateurs de réseaux de les utiliser pour se connecter à l'Internet.

    L'IAB coordonna aussi le travail de l'IANA pour l'attribution des adresses, des noms de domaines et des conventions numériques de toute nature. L'IAB créa l'Internet Engineering Task Force (IETF) et l'Internet Research Task Force (IRTF) dont les rôles étaient respectivement de mettre au point les propositions de standard et d'effectuer les recherches à long terme sur le devenir du réseau.

    Tout ce qui devait être connu de la communauté était publié sous la forme de Request For Comments (RFC). Lorsqu'un groupe de travail mettait au point quelque chose de potentiellement intéressant pour les utilisateurs, il écrivait ses recommandations dans un RFC. L'IAB se chargeait de publier les RFC et les NIC (Network Information Center, organismes de l'Isoc qui attribuent les adresses) les stockaient pour qu'ils soient accessibles par n'importe qui depuis l'Internet.

    Toute organisation ou toute personne désirant produire un programme ou un matériel destiné à fonctionner sur le réseau Internet pouvait suivre les recommandations données dans les RFC. Au bout du compte, certains RFC connaissaient le succès en étant mis en oeuvre, d'autres mourraient sans avoir connu la gloire, de nouveaux RFC étaient produits. Ce mode de fonctionnement exemplaire d'une démocratie créative et responsable est digne d'être relevé.

    L'IAB était garante que les recommandations proposées étaient compatibles avec les solutions déjà proposées et mises en oeuvre.

L'IESG et l'IRSG

    N'importe qui pouvait, et peut encore aujourd'hui, travailler au sein de l'IAB, de l'IETF ou de l'IRTF. L'IETF a rapidement prit du poids dans l'organisation. Un grand nombre d'ingénieurs ont réfléchi sur des sujets divers et produit un travail bénévole conséquent dont le résultat s'apprécie par l'existance et la force de l'Internet. C'est d'ailleurs cette ouverture qui fit la puissance de l'Internet. D'autres comités ont été créés pour piloter les différents groupes de l'IETF et de l'IRTF car l'IAB n'aurait pu y suffire. Ce furent les steering groups (l'IESG et l'IRSG). L'IAB devint le fer de lance de l'Internet et fut renommée en 1992, l'Internet Architecture Board, modification qui dispensa de la création d'un nouveau sigle mais qui changea largement son rôle. Chargée auparavant de vérifier et d'approuver les RFC produits par l'IETF, elle pris la mission de superviser l'ensemble des comités pour que leurs travaux soient cohérents. Le rôle d'approbateur des RFC revint au steering group de l'IETF.

    Dans le même temps, tous les organismes ayant trait à l'Internet se regroupaient au sein d'une association à but non lucratif : l'Internet Society (Isoc).

    Ce changement est là encore notable car il redonna la légitimité de l'approbation aux ingénieurs eux-mêmes accroissant ainsi le degré de démocratie dans l'Internet. Cette conception allait toujours à l'inverse de ce qui pouvait fréquemment être constaté par ailleurs dans la société : centralisation des pouvoirs d'un petit nombre, manque de transparence, institution de monopoles. Dès le départ, les concepteurs d'Internet mirent en pratique deux devises bien étonnantes a priori, mais qui contribuèrent au succès du réseau.

Un fonctionnement démocratique

    Dave Clark disait : ``We reject kings, presidents, and voting. We believe in rough consensus and running code" Ce qui se traduit par : ``Nous rejetons les rois, les présidents et les votes. Nous croyons au consensus et au code qui tourne".

    Cela pour dire que personne ne peut imposer son point de vue aux autres. Il peut s'exprimer mais il ne compte pas au delà de la confiance qu'on lui accorde, plus même, seul le résultat de son travail compte. Si un programme tourne correctement, alors il est accepté par la communauté. S'il ne tourne pas, quelqu'en soit l'auteur, il n'est pas utile. La valeur accordée au résultat va jusqu'à dire que le vote est néfaste aussi et il s'explique ainsi : si deux personnes ont chacune une idée, et si le vote est utilisé pour les départager, il va s'en suivre un arrangement entre les deux personnes pour que le vote soit favorable à l'un en échange d'un avantage indû démocratiquement à l'autre. Le compromis va amener à concilier ce qui ne devrait pas l'être, juste pour bénéficier de la majorité des voix.

    C'est ce qui peut être constaté au sein des certains comités de normalisation traditionnels. Deux sociétés concurrentes appartiennent au comité et essaient d'influencer le vote des membres pour que le standard retenu soit celui sur lequel elles sont en avance et ont investi, quitte à bloquer une solution adverse qui pourrait être meilleure mais les défavoriser personnellement. Comme un seul standard peut voir le jour, il risque d'être une mauvaise combinaison des deux solutions concurrentes. Dans le fonctionnement de l'Internet, chacun publie sa solution et celle qui marche le mieux se développe sous l'effet du raliement des utilisateurs. Point final.

Créer un réseau non monopolistique

    La deuxième devise fut formulée par Bob Kahn : "Il importe d'étudier ce que font les PTT, cela très sérieusement afin de comprendre leurs décisions. Et il faut ensuite faire exactement le contraire".

    Il faisait référence à la volonté centralisatrice des différentes institutions de télécommunication placées en situation de monopole et entretenant ce monopole. Les organisations créaient des réseaux centralisés dans lequelles toutes l'intelligence appartenait au réseau qu'il contrôlaient. Ce fut le cas des réseaux téléphoniques et des réseaux de données fondés sur des standards de l'ISO. Les terminaux reliés à ce réseau ne possédaient aucune puissance et aucune capacité à évoluer sérieusement par les seuls efforts des utilisateurs.

    Les utilisateurs devaient compter sur la bonne volonté des opérateurs de télécommunication pour voir les outils évoluer et pour disposer de nouveaux services. Cette évolution avait lieu, généralement moyennant une taxation supplémentaire. Le Minitel, qui fut mis au point bien après les début de l'Internet est un exemple de service fermé. Ce terminal est réduit à sa plus simple expression. Il n'est pas cher mais tout ce que l'on peut en tirer est conditionné par le réseau. On peut remplacer le Minitel par un PC en émulation, cela ne permettra pas d'accroître la valeur des services. Le problème vient du manque d'ouverture du réseau sous-jacent.

    Monopole, centralisation et protocoles trop fermés peuvent être des freins à l'évolution car ils interdisent quasiment toute mise en oeuvre d'une nouvelle idée sans accord préalable. L'Internet, c'est tout l'inverse. Alors que la messagerie électronique exista dès le début dans l'Internet, le Minitel au moment de sa mort n'aura toujours pas pu offrir la possibilité à un utilisateur d'envoyer un courrier à un autre utilisateur.

Un processus de standardisation souple et rapide

    Si l'Internet suivit la voie inverse, il le fît en grande partie à la faveur du travail et de l'état d'esprit de l'Isoc en général et en particulier de l'IAB. Le processus de standardisation de l'IAB est bien plus souple et bien plus rapide que ceux d'autres organisations de normalisation.

    S'il est naturel que la langue utilisée sur l'Internet soit celle de ceux qui s'y connectent, il est normal de constater que l'anglais pré-domine. Mais les pays francophones sont loins d'être inactifs (Canada, France, Belgique, etc). La présidence de l'IAB, un comité influant de l'Isoc, fut attribuée en 1991 à un compatriote : Christian Huitema.

    L'Isoc comptait à la fin de l'année 1996, 7500 membres individuels ou organisations dans plus de 100 pays. Tous ne participent pas à un même niveau, chacun contribue dans un ou plusieurs domaines qu'il maîtrise le mieux, selon ses possibilités. L'Isoc est une association internationale, mais des chapitres nationaux existent dans un certains nombres de pays.

     

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