Nous nous sommes rencontrés au festival make
world BORDER=0 LOCATION=YES de Munich, les 18-19-20 et 21
octobre derniers. Les participants venaient des différentes parties
du monde, Australie, Inde, Bangladesh, Corée, Afrique du Sud,
Etats-Unis, Mexique et tous les pays de l'Europe de la Finlande à
l'Italie, de l'Espagne à l'Estonie. Nous sommes les uns et les
autres impliqués dans des expériences activistes dans les médias,
les luttes de migrants, les mouvements de mobilisation contre la
mondialisation, les nouvelles formes de protestation sociale, le
web-art et des expériences artistiques de toutes sortes.
Au cours de ces dernières années, nous
avons assisté à de nombreux changements : les managers, les
migrants et les mouvements sociaux se déplacent. Les frontières se
sont décalées, dévoilées, et déplacées de l'extérieur vers
l'intérieur. De nouvelles technologies se sont démocratisées et en
retour ont démocratisé par le bas la société.
Bien que l'idéologie néolibérale ait
promis la paix, la richesse et la sécurité, la paix n'a jamais été
planétaire, le bien-être n'a jamais été pour tous, tandis que la
sécurité a toujours été un trompe l'oeil. De Seattle à Gênes, des
formes créatives d'activisme et de protestation contre l'ordre
néolibéral se sont développées sur des modes différents, gagnant
l'appui de nombreux secteurs de la société, et impliquant un large
spectre politique et social. Nous nous sommes battus contre les
mensonges néo-libéraux pendant tant d'années que nous ne verserons
pas de larmes pour un système parmis les plus arrogants et les plus
injustes que l'humanité ait dû supporter.
Après le 11 septembre on nous a répété
avec constance que le monde ne serait plus jamais le même. Mais en
fait rien n'a véritablement changé, et au contraire nous devons
faire face à un danger sérieux. Face à l'immense défi que constitue
la terreur, le mouvement des mouvements est menacé d'une régression
au stade de la « protestation morale » marginale. Le
caractère ouvert des mouvements est mis en danger par la vacuité
d'une réponse fondée sur la panique.
La terreur ne doit pas gouverner
l'esprit de la société. Nous ne devons pas intérioriser la paranoïa.
Nous avons besoin de davantage de liberté, non de sa réduction. Les
fanatiques religieux ont déclaré une guerre sainte contre
l'humanité, parce qu'ils craignent la liberté et l'amitié, le sexe
et l'amour. Les fanatiques de l'économie ont déclaré leur propre
guerre sainte et réagissent avec le même type d'arme : les
bombardements et la terreur – parce qu'ils flairent l'odeur de la
récession économique et qu'ils craignent la fin de la domination
capitaliste. Les fanatiques religieux et les fanatiques de
l'économie sont en train de conjuguer leurs efforts pour faire du
monde un endroit diabolique où chacun serait l'ennemi de chacun, un
lieu où la terreur régirait tous les rapports sociaux.
Le pouvoir ne peut plus contrôler la
complexité de la société en réseau, donc les hommes de pouvoir
s'affolent. Ne nous affolons pas avec eux. La société en réseau est
notre création et notre environnement. Dans cet environnement, nous
n'avons pas besoin du contrôle, nous n'avons pas besoin de la
sécurité. Nous avons besoin de liberté et d'amitié.
Les fanatiques veulent faire la
guerre ? Laissons-les la mener, et laissons les se détruire
mutuellement ! Mais, s'il vous plaît, ne demandez pas aux êtres
humains de participer à cette mise-en-scène. Ils veulent que nous
combattions dans leur guerre sainte ; nous n'y participerons
pas. Nous transformerons cette guerre globale du fanatisme en une
sécession mondiale de l'intelligence, de la créativité et de
l'amour. Nous n'accepterons pas les règles de la guerre et nous
organiserons la libre circulation des innovations, des idées et des
personnes. Nous développerons une société en réseau sans frontières.
Nous ne sommes pas pour la guerre, nous
ne sommes pas contre la guerre. Plus que jamais nous devons
organiser les luttes à l'extérieur de la guerre, à l'extérieur de la
panique organisée. L'heure est à davantage de communication, à plus
d'hybridation culturelle, à plus de villes. Nous n'avons pas besoin
d'une économie de guerre mais plutôt d'une net-économie.
Nous invitons chacun à se réunir, à se
rassembler, à se connecter. Nous appelons à des forums sociaux, à
l'auto-organisation à l'extérieur de la folie du capitalisme extrême
et de ses clones fondamentalistes. Partout dans le monde, nous avons
besoin de plus d'autonomie, de plus de démocratie. Nous n'avons
besoin ni de frontières, ni de mobilisation par la conscription,
mais des vastes étendues ouvertes d'un projet commun.
Face à la militarisation de la psyche mondiale, une grande bataille est à livrer
autour des questions de droits de propriété intellectuelle, des
brevets, du travail et des bio-droits, du génome tout comme de
l'émission du gaz carbonique dans l'atmosphère. C'est une bataille
pour des « sources ouvertes », pour les logiciels et les
échanges libres, la défense de la vie privée, la cryptographie, les
échanges peer-to-peer sur les réseaux. C'est une
bataille pour l'égalité des droits, pour une citoyenneté flexible,
pour des papiers et un revenu garantis pour tous. Les droits
immatériels n'ont pas de sens sans les droits matériels et
réciproquement. La bataille pour la liberté de l'accès pour tous
doit être étendue aux deux libertés fondamentales : la liberté
de mouvement et la liberté de l'information.
Ce sont les nouvelles frontières de nos
libertés, c'est l'espoir de transformer le monde dans sa totalité et
c'est ce qui doit être fait. Faites le monde, pas la guerre !
Octobre 2001
Franco Berardi « Bifo »
(Bologne), Yann Moulier Boutang (Paris), Florian Schneider (Munich),
Geert Lovink (Sydney), autonome a.f.r.i.k.a. gruppe, trabajoZero
(Madrid), code flow (Sofia), Valery Rey Alzaga (Denver), Kimi Lee
(Los Angeles).
Signed by : Roberto Bui (Bologna),
Aris Papatheodorou (Paris), Saskia Sassen (Chicago), Helmut Weiss
(Dortmund), Giuseppe Cocco (Rio de Janeiro), François Matheron
(Paris), Gianfranco Morosato (Verona), Sandro Mezzadra (Genoa), Eric
Alliez (Vienna), Sandro Chignola (Verona), Jon Solomon (Taiwan),
Emmanuel Videcoq (Paris), Franco Barchiesi (Johannesburg), Alisa del
Ré (Pavia), Yoshihiko Ichida (Osaka), Pascal Houba (Brussels), Jùlio
Béjar (Vigo), Brian Holmes (London), Daniel G. Andùjar (Valencia),
Juan Pedro García del Campo (Madrid), Abdul-karim Mustapha (Duke,
USA), César Altamira (Buenos-Aires), Laurent Berthelot (Nantes),
Richard Barbrook (London), Christian Brutsch (Zurich), Mikhaël Elbaz
(Montreal), Charles Wolfe (Boston), Lucia Lucchesi (Italy), Gianni
Cascone (Italy), Simona Bentivogli (Italy), Franco Cascone (Italy),
Annarosa Apirani (Italy), Andrea Fumagalli (Pavia), Andrea
Cusatelli, Emanuele Pistola (Cyberzone).