Economie

WIFI, UN NET RAPIDE SANS FIL ET GRATUIT
Cette technologie utilisant les ondes radio arrive en France.

Par Florent LATRIVE

Le mercredi 02 janvier 2002

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Comment ne pas s'emmêler

Aux Etats-Unis, cette «mutualisation» des accès au Net est devenu un sport rituel. Seattle, terreau du militantisme sans fil, est quadrillée de points d'accès communau-taires.

  'est un curieux cocktail, un drôle d'accouplement entre la bricole informatique et la cibi. Martin brandit un ordinateur de poche grâce auquel il «surfe sur le Web au lit», sans aucun fil le reliant à quoi que ce soit. Et Thomas pose un récepteur GPS sur la fenêtre de la chambre mansardée: «On est à 3,7 kilomètres de chez moi», dit-il en jetant un oeil à l'écran, prévoyant déjà de raccorder l'appartement de Martin, situé dans le centre de Paris, à son studio à lui, par les airs. Martin, étudiant en informatique de 23 ans, et Thomas, consultant de 35 ans, sont membres d'une tribu qui essaime dans le monde entier et en France depuis quelques mois: les adeptes des réseaux «sans fil», curieux accouplement entre la radio et l'Internet. Tous deux sont membres du groupe informel Wireless-fr, qui compte des recrues partout en France. Leur but, ici à Paris: «Créer un réseau parallèle, libre, gratuit et basé sur le volontariat.» Avec des relais de maison en maison, des antennes posées sur les toits, pour «relier des centres sociaux, mettre des immeubles en réseau, partager l'information».

Ondes hertziennes. A la source de tous ces bricolages, une technologie très en vogue: la norme 802.11b, dont le nom barbare a été adouci en «wifi» («ouifi») pour partir à la conquête du public. Grâce à elle, les ordinateurs peuvent communiquer à distance ­ de quelques mètres à quelques kilomètres, sans fil à la patte, juste en utilisant les ondes hertziennes et plus spécifiquement la bande des 2,4 Ghz. Et à une vitesse ultrarapide: jusqu'à 11 mégabits par seconde, soit 200 fois plus vite qu'avec un modem classique, ou même 5 fois plus qu'avec une connexion via l'ADSL. Une technologie dont les internautes peuvent s'équiper pour des sommes relativement réduites: à partir de 150 euros la carte à brancher dans son ordinateur. Et entre 225 et 450 euros la «borne d'accès», un ordinateur spécifique qui assure le relais avec l'Internet.

Ces sommes modiques assurent la multiplication des expériences. A Paris, c'est le café Orbital, près du jardin du Luxembourg, qui vient de s'équiper, grâce aux efforts d'un groupe appelé Speka: désormais, les possesseurs d'ordinateurs portables peuvent se connecter depuis la terrasse. On pose sa machine sur la table et on surfe. A Grenoble, un étudiant de l'école de commerce veut relier ainsi une résidence d'étudiants. A Mane, dans les Alpes-de-Haute-Provence, une antenne a été posée sur une tour du château, parée à arroser les habitants de ce petit village en connexions rapides directement dans les foyers. «En zone rurale, les liaisons sans fil sont la seule alternative aux tranchées pour poser de la fibre optique dans les champs», dit Guy Karaghiosian, le gérant du fournisseur d'accès SudWay, qui voudrait ainsi relier trois villages pour «contribuer au développement rural».

Partage. Le «sans-fil» permet aussi de partager les connexions. Chez Martin, par exemple, ce sont ses voisins qui en profitent: lui paie tous les mois sa connexion, à haut débit, à France Télécom. Et à l'étage du dessous, grâce à sa carte siglée Wifi, un foyer profite de la même ligne. Sans débourser un centime. «De la même façon, quelqu'un passant dans la rue pourrait profiter de ma connexion», remarque Martin.

Aux Etats-Unis, cette «mutualisation» des accès au Net est devenu un sport rituel. La ville de Seattle, terreau du militantisme sans fil, est quadrillée de points d'accès communautaires. Comme à San Francisco. «Je ne payais pas ma connexion là-bas», signale Martin, qui a habité en Californie quelques mois. En France, la loi s'y oppose: la bande de fréquence utilisée appartient encore à l'armée. Ce qui signifie que le sans-fil est autorisé à l'intérieur des bâtiments, c'est tout. C'est d'ailleurs là qu'est le «marché» aujourd'hui: dans les réseaux d'entreprises. Mais pas question de se hasarder sur la voie publique. Officiellement, du moins. Car il serait naïf de croire qu'un mur arrête les ondes, surtout lorsque les mordus du sans-fil se mettent à customiser (adapter) le matériel pour augmenter la portée. Les plus mordus bricolent eux-mêmes des antennes, «du fil de fer et des tuyaux en cuivre de plomberie», rapporte Thomas. Ou passent commande de matériel à l'étranger, pour gratter quelques francs ou obtenir des antennes plus puissantes. «Celle-ci peut porter jusqu'à 16 kilomètres», assure Laurent, un autre «wifiste» mordu, en exhibant une sorte de parabole beigeasse ornée d'un tube.

Nostalgies. De la bricole du dimanche aux utopies libertaires, les wifistes redonnent vie aux expérimentations tous azimuts des débuts du Net, avec leur mélange entre la radio libre, la cibi et les réseaux informatiques. Ils bousculent un gros paquet de certitudes aussi: l'UMTS, les futurs téléphones 3G, a déjà englouti des milliards et son modèle économique ­ fondé sur l'espoir que le sans-fil du futur passera par le téléphone ­ pourrait être encore écorné. De même, on voit mal France Télécom encourager la mutualisation de ses connexions à haut débit. En tout cas, ça craque de partout. Devant la pression des usages, l'ART, l'Autorité de régulation des télécoms, vient d'ouvrir une consultation publique. Avec comme objectif de trouver une voie concertée pour laisser libre cours aux expérimentations. Manière, sans doute, de légaliser demain le bricolage techno des cibistes d'aujourd'hui.

www.wireless-fr.org

www.speka.net


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