Les journalistes et le livre de Thierry Meyssan • LEMONDE.FR | 26.03.02 | 12h51 • MIS A JOUR LE 29.03.02 | 10h54 Ce n'est pas une rumeur. Mais juste une polémique autour d'une thèse conspiratrice soutenue par Thierry Meyssan, directeur du Réseau Voltaire, selon laquelle aucun avion ne se serait écrasé sur le Pentagone le 11 septembre 2001. Présentée dans un livre intitulé L'Effroyable Imposture, la manœuvre de Thierry Meyssan est catégoriquement contestée par la grande majorité des journalistes, sur le fond comme sur la forme. "On est face à des gens qui disent : on a une information, explique Edwy Plenel, directeur de la rédaction du Monde. Or, selon toute enquête sérieuse, ce n'est pas une information. Ces personnes, en l'occurrence Thierry Meyssan, répandent une fausse information." La plupart des journalistes reviennent sur cette méthode d'investigation approximative. "C'est une thèse qui se prétend une information", explique à son tour Edouard Launet, responsable de la page Internet à Libération. "L'information, c'est un travail, une procédure de validation. Quand un journal diffuse un article, il est collectivement validé", poursuit Edwy Plenel. Et c'est justement cette absence de validation que stigmatise Pascal Riché, correspondant de Libération à Washington : "Thierry Meyssan nous dit : Jugez-vous même, regardez, on vous donne des infos brutes. En fait, ce procédé est pervers." INTERNET, L'AGORA DE LA RUMEUR Les auteurs utilisent à la perfection l'outil Internet, espace de prédilection des scénarios de la conspiration à partir duquel Thierry Meyssan a récolté ses arguments pour étayer sa thèse. C'est d'ailleurs, pour Ulysse Gosset, correspondant de TF1 aux Etats-Unis, toute la différence entre les anciennes rumeurs qui jonchent l'histoire et celle véhiculée par Thierry Meyssan : "Internet est arrivé, la diffusion automatiquement mondiale et interactive change la nature de la rumeur. Celle-ci devient aussitôt un phénomène public." Nouveau média colporteur de rumeurs, Internet, explique Pascal Riché, permet à Thierry Meyssan et aux autres propagateurs de la conspiration de "faire croire qu'on a accès à de l'information brute : celle-ci est en fait parcellaire. L'internaute dispose de quelques photos. L'internaute est face à une médiation qui ne dit pas son nom. Pour ces sites, l'information devient de la désinformation". "En fait, conclut-il, ces sites sont des médiateurs, mais non affichés, et ces personnes trompent les internautes auxquels elles s'adressent". Mais de là à faire le procès du réseau Internet, il y a un pas qu'Edouard Launet refuse d'accomplir, considérant que "tout en étant accusés, nous journalistes, d'être en position de grand média qui occupe le terrain de l'information, aujourd'hui le Web donne la parole, et c'est tant mieux. La presse est là pour rectifier l'information ou la dénoncer sans aucun mépris vis-à-vis du Web". Plus concrètement, Stéphane Foucart, journaliste au Monde interactif, explique qu'"avant Internet, pour que quelque chose existe au sens médiatique, il fallait que cela sorte dans la presse. Le Net est aujourd'hui à même de créer un effet boule de neige autour de certaines informations sans recourir à la presse traditionnelle". Avec ceci de particulier, rappelle Edouard Launet, que "le Web véhicule un message plus fortement car l'image intervient dans le panel de la rumeur". Dès lors, "il faut, avertit Edwy Plenel, alerter et dire que ceux qui se permettent de diffuser sur le Web ce genre d'informations sont en train de sortir de toute procédure". A fortiori, prolonge Pascal Riché, "quand Internet décuple la vitesse de la rumeur". Mais ceux qui pensent que les réserves des journalistes à propos de l'usage que font certaines personnes d'Internet peuvent porter atteinte à la liberté d'expression se trompent grandement. Car il ne s'agit pas de droit à l'information mais de compétences et de rigueur. A cet effet, et a priori sans concertation, les spécialistes de l'information ont tous remis en question le manque de professionnalisme de l'investigation de Thierry Meyssan, plus analyste amateur que scientifique au sens pur du terme. EN PARLER OU NON ? C'est la question que se posent les deux journalistes de Libération. Car si la compétence de l'auteur de cette thèse "farfelue", ajoute Jean-Bernard Cadier, correspondant d'Europe 1 à Washington, n'est pas au rendez-vous des attentes des opinions publiques, faut-il nécessairement la couvrir ? Thierry Thuillier, rédacteur en chef du service étranger de France 2, et Paul Moreira, rédacteur en chef de "90 minutes" à Canal +, sont catégoriquement contre. "Nous avons reçu l'auteur et avons décidé de nous abstenir, explique le premier. Les témoignages sont là, les débris d'avion existent." "Thierry Meyssan est venu nous voir, raconte le second. Or les éléments matériels dont on dispose indiquent qu'il n'y a aucune réalité du complot. Nous avons décidé de ne rien faire." D'autant qu'en parler risque de faire le jeu de Thierry Meyssan, insistent certains journalistes. "Si l'on en parle, on lui fait de la publicité, avance Edouard Launet. Mais quand la rumeur est captée par beaucoup de personnes et qu'elle passe à la télévision, il y a un travail à faire. Ne pas donner la parole est inconcevable, ne pas la décortiquer, non plus." Cela dit, répond Thierry Thuillier, "en évoquant la rumeur, on lui donne un espace" de crédibilité, de surcroît lorsque les supports sont reconnus pour leur sérieux et leur professionnalisme. "En fait, tranche Stéphane Foucart, quoi que l'on fasse, on participe à la rumeur. En parler, c'est, dans une certaine mesure, l'alimenter et ne pas en parler, c'est accréditer plus encore la thèse que non seulement il y a complot mais que la presse en est partie prenante." A l'opposé, Laurent Bazin, présentateur de l'émission "Question d'actu" sur LCI, estime qu' "il n'y a pas de tabou en matière d'informations et que toutes les thèses sont valables, même si elles se contredisent. Cette thèse est déjà publique lorsque LCI s'en empare. 75 000 exemplaires du livre sont vendus à cette heure. On ne rend jamais service à la vérité en ne disant rien". Même chose pour Hervé Kempf, journaliste au Monde, pour qui, avec quelques nuances, la thèse de Thierry Meyssan "soulève une question à laquelle la réponse possible a des conséquences tellement énormes qu'il faut la vérifier, même si elle paraît stupéfiante au départ. Entre le bloc de certitudes de Thierry Meyssan et celui des journalistes qui ne voulaient pas parler de cette rumeur, il fallait vérifier les dires, car les quelques images et informations dont nous disposions au départ étaient peu explicites". "Il ne faut pas mépriser les rumeurs, affirme Jean-Bernard Cadier. Il faut en parler sans les traiter au même niveau qu'une information." D'aucuns rappellent les circonstances de la propagation de la thèse comme justification de son traitement, revenant aussitôt sur l'animateur Thierry Ardisson et son émission "Tout le monde en parle", première tribune télé de Thierry Meyssan, dont les effets sur les opinions publiques ont été immédiats. Le problème n'est pas que Thierry Ardisson en parle – même si son rendez-vous du samedi soir donne davantage dans le spectacle que dans l'information –, mais qu'il "n'a pas apporté la moindre contradiction aux propos de Thierry Meyssan", rappelle Edouard Launet. En fait, il n'y avait guère à attendre de Thierry Ardisson, explique Paul Moreira, pour qui le traitement de la thèse par l'animateur de la vie nocturne parisienne "est inacceptable, le concept d'information étant à l'opposé de la culture d'Ardisson". Mais dès lors que la presse – en l'occurrence France-Soir et Libération – s'empare du sujet pour le dénoncer, et qu'une émission de télévision lui consacre une large partie de son temps, constate Ulysse Gosset, "la bouillabaisse a tellement pris qu'elle dépasse l'entendement et échappe à tout contrôle, son traitement devenant incontournable". Dans ce même ordre d'idées, Edwy Plenel signale que "Le Monde a décidé de ne pas en parler le premier. Mais à partir du moment où les propos de Thierry Meyssan dépassaient la barrière de la télévision et de la presse écrite", le quotidien du soir s'est exprimé. COMMENT EN PARLER ? C'est justement ce que "regrette" Jean-Bernard Cadier. "Il y a dans les médias, dit-il, des sas et des purgatoires où l'on peut parler de cette rumeur, mais la grande presse ne devrait pas s'en emparer. Libération a assassiné la thèse de Thierry Meyssan, mais Le Monde a le premier présenté les arguments du responsable du Réseau Voltaire, lui permettant ainsi d'ouvrir le sas. Qu'on en discute sur Intelligence-on-line, très bien, mais en ayant accès au Monde, le verrou saute." A ceci près que le travail de contre-enquête du Monde, souligne Hervé Kempf, a permis de rappeler un certain nombre de choses : "Tout concourt à détruire la thèse de Thierry Meyssan, comme les nombreux témoignages" qui attestent du crash de l'avion sur le Pentagone et auxquels Thierry Meyssan n'accorde que peu d'intérêt alors qu'ils sont une preuve tangible de l'authenticité des faits. Puis, signale-t-il, "il ne faut pas avoir peur de l'information. Si l'on a peur, il faut contre-enquêter". "On fait une contre-expertise, insiste Edwy Plenel, on contextualise et on fait un éditorial", par rigueur et non par préjugé. Ce qui n'est pas le cas de Libération, précise Stéphane Mandard, journaliste au Monde interactif :"Traiter l'affaire uniquement par le vecteur Internet comme l'a fait le quotidien de Serge July, ce n'est pas en traiter le fond." Fallait-il alors suivre l'exemple de Pascale Clark sur France-Inter, qui s'est contentée de passer des extraits de l'émission de Thierry Ardisson sans aucun commentaire ? "Sans doute estime Edouard Launet, mais à Libération, ajoute-t-il, nous avons pensé qu'il n'y avait pas de quoi réactiver une enquête." Quoi qu'il en soit, sur les plateaux de télévision, tous les animateurs veulent éviter l'exemple de Thierry Ardisson : laisser Thierry Meyssan sans contradicteur. Bruno Gex, corédacteur en chef de C+ Clair, explique que, lors de l'émission diffusée le samedi 23 mars, sur Canal +, "on a mis des interlocuteurs crédibles en face de Thierry Meyssan précisément pour apporter la contradiction." Même son de cloche sur LCI, où Laurent Bazin s'est entouré de plusieurs experts en renseignement pour "passer au gril la thèse de Thierry Meyssan. On a demandé à Ulysse Gosset de faire une enquête. Thierry Meyssan disait qu'il n'y a pas de témoins, on en a retrouvé". LE DROIT D'INVENTAIRE DE LA THÈSE DE THIERRY MEYSSAN Avant toute chose, déclare Stéphane Mandard, "comme pour n'importe quel papier, on a vérifié les sources, interroge les personnes qui étaient à l'origine de la rumeur. Ensuite, on a consulté des sociologues et des historiens pour avoir une caution scientifique une perspective historique sur le phénomène de la rumeur et dépassionner le débat". Pour "tordre le cou" à la thèse de Thierry Meyssan, précise Ulysse Gosset, "on met en avant ce dont on dispose". A l'instar du Monde, qui rappelle l'existence des témoignages, notamment celui de Mike Walter, journaliste à USA Today, dans son édition du 21 mars. Ulysse Gosset "ne peut pas croire que ces personnes mentent. Puisque Thierry Meyssan dit qu'il n'y a pas eu d'avion, on va retrouver le veuf d'une femme décédée dans l'avion écrasé sur le Pentagone. La personne enterrée, le mari a reçu les restes du corps inhumé en novembre. Si elle n'est pas morte dans l'attentat du Pentagone, où est-elle, où est l'avion ? Ces deux témoignages détruisent l'hypothèse de travail de Meyssan". Pascal Riché revient sur les moteurs de l'hypothèse de Thierry Meyssan et évoque le principe allégorique du "trou noir". "A partir du moment, explique-t-il, où il y a une zone d'ombre, la rumeur se crée. Par exemple : on a marché sur la Lune, le nombre de témoins est faible, c'est la NASA, donc l'Etat. Ce qui peut dès lors laisser la place à tous les délires. "L'avion écrasé en Pennsylvanie, peu de témoins l'ont vu, c'est donc difficile de vérifier. Le Pentagone, le bâtiment le plus surveillé des Etats-Unis, est frappé par un attentat. Les autorités empêchent les photographes indépendants de faire leur travail. A chaque fois, l'idée qu'on nous cache quelque chose revient. A chaque fois, il faut une zone d'ombre" pour que puisse se développer une rumeur. Philippe Blanchard, patron de Digipresse, agence de presse sur le Web, se démarque, quant à lui, de la démarche généralement adoptée par les autres journalistes. Auteur de la première interview de Thierry Meyssan sur le Net depuis la parution de l'ouvrage, Philippe Blanchard, interloqué par ses propos, interpelle des experts en aéronautiques, qui lui infirment ou confirment la thèse de Thierry Meyssan. Puis, Digipresse décide d'envoyer un enquêteur à Washington et un autre auprès du bureau d'enquête de l'aviation civile en France. A chaque fois, "on essuie une fin de non-recevoir au Pentagone. Même chose en France". "Thierry Meyssan pose des questions et ne se contente pas des évidences, dit Philippe Blanchard. J'ai compris en lisant le livre qu'il s'agissait de choses étayées à partir d'indices et non de preuves. Réunir ces indices dans un ensemble et le systématiser est un travail de plus d'une personne, vingt personnes ont été impliquées. J'estimais qu'il y avait suffisamment matière pour en parler, quitte à discréditer mon agence." Paul Moreira, lui, évalue différamment la "méthode Meyssan" : "Il ne sort jamais de son bureau, il fait tout sur Internet". Edouard Launet précise que Thierry Meyssan prend l'événement du 11 septembre que "par un bout et élague tout ce qui ne rentre pas dans la grille de la rumeur". Cyril Da, rédacteur en chef adjoint du site http://www.nouvelobs.com/, conteste, quant à lui, élément par élément les propos de Thierry Meyssan, prenant soin de "distinguer l'aspect rumeur de l'aspect thèse". LA PHOTO DU "NAVY TIMES" En résumé, conclut Edouard Launet, "il n'y a pas d'élément sérieux" du côté de Thierry Meyssan. Existe-t-il pour autant une preuve absolue qui permette de détruire définitivement cette thèse ? Le Monde, dans son édition du 21 mars 2002, a publié une photo du Navy Times parue le 12 septembre. Sur cette photo, prise par Mark Faram, on distingue le Pentagone sous des nuages de fumées ainsi qu'un débris qui semble provenir d'un avion. Preuve suffisante ? Pris à partie par le responsable du Réseau Voltaire, à propos de cette photographie, lors de l'émission présentée par Daphné Roullier, le 23 mars, sur Canal +, Hervé Kempf a fait part du débat qui a existé à l'intérieur même de la rédaction du Monde. Il confirme aujourd'hui sa position : "La photo était présentée comme une preuve, dit-il. Je n'avais aucun élément pour démontrer que le débris métallique était un morceau d'avion. Ce n'était pas une preuve. Il est possible que la photo montre un morceau d'avion. Mais il manquait le commentaire du journaliste relatant comment il avait pris la photo et expliquant ce qu'elle représentait. La réserve à l'égard de cette photo ? On avait pas les éléments suffisants pour dire que c'était une preuve." Bertrand Le Gendre, rédacteur en chef au Monde, confirme cependant son point de vue sur le bien fondé de la publication de cette phot. "C'est dans le souci de rétablir les faits très concrètement que Le Monde a décidé de publier cette photo." Le débat est-il clos ? Que cette photo ne constitue pas une preuve n'en fait pas pour autant un élément étayant la thèse de Thierry Meyssan, même si, pour certains, des approximations demeurent dans la contre-argumentation. "Les experts présents sur le plateau de C+ Clair, estime Bruno Gex, ont apporté une contradiction insuffisante. Leurs éclairages n'étaient pas asses importants. Ils n'ont pas fait la preuve que Thierry Meyssan avait tort ou raison". En fait, ajoute-t-il, "dès le jour des attentats, les journalistes n'avaient pas les moyens de couvrir une enquête sur les déclarations officielles américaines. On croit à la thèse de l'avion qui s'est écrasé sur le Pentagone plutôt qu'aux thèses les plus extrêmes. S'en faire le relais, c'est le danger, d'autant plus que la contradiction n'est pas rigoureuse". LA STRATÉGIE MÉDIATIQUE DE THIERRY MEYSSAN L'auteur de la thèse était en fait réputé pour son sérieux. Pour Edouard Launet, "la rumeur n'aurait pas été suivie d'effet si le Réseau Voltaire ne bénéficiait pas d'un vernis de crédibilité". Citant Nietzsche, selon lequel "les convictions sont des ennemies de la vérité plus dangereuses que les mensonges", Edwy Plenel démonte le procédé de Thierry Meyssan : "Le Réseau Voltaire bâtit sa notoriété sur des thèmes corrects, ce qui lui donne une apparente légitimité. Mais, désormais on prévient les lecteurs en leur disant : Méfiez-vous du Réseau Voltaire." Pourtant, affirme Philippe Blanchard, il suffirait au Pentagone de publier une seule photo du crash pour détruire à jamais la thèse de Thierry Meyssan et discréditer son auteur. "C'est l'opacité de chaque côté, constate, amer, Philippe Blanchard. Thierry Meyssan et le Pentagone envoient des choses que nous sommes incapables de vérifier." "Le Pentagone a mieux à faire", lui répond Jean-Bernard Cadier. Si la rumeur prenait une ampleur internationale, peut-être y répondrait-il, mais ce n'est pas le cas." "La thèse de Thierry Meyssan n'est fondée sur rien, martèle-t-il, sinon l'habileté de l'auteur, digne de celle d'un presdigitateur." "A l'évidence, insiste-t-il, la seule finalité de ce dernier est de vendre des livres". "Par un plan médiatique très habile", ajoute Cyril Da. Sur ce point également, les journalistes désapprouvent le comportement de Thierry Meyssan. "A partir du moment où il n'a pas apporté la preuve formelle de ce qu'il avance, rappelle Laurent Bazin, on ne titre pas : Aucun avion ne s'est écrasé sur le Pentagone, sinon c'est du marketing." En d'autres termes, Stéphane Mandard arrive à la même conclusion lorsqu'il tente à son tour de faire le lien entre la "crédibilité" du Réseau Voltaire et l'extravagance de la thèse. Tous relèvent la haute performance médiatique de Thierry Meyssan, au comportement posé pour gagner en crédibilité et au verbe clair afin de convaincre les esprits les plus hésitants. Mais rares sont les journalistes qui le prennent au sérieux : "grotesque", "absurde", "scénario morbide", "incompétence", "approximation", "irrecevable" sont les termes les plus utilisés par les journalistes pour qualifier la thèse. "A titre personnel, raconte Hervé Kempf, en ayant passé cette heure avec Thierry Meyssan, à l'émission C+ Clair, j'ai vu ce manque de rigueur, appuyé sur des interprétations et des erreurs aussi manifestes que systématiques." LES LEÇONS À TIRER "C'est très grave, conclut Edwy Plenel, de laisser planer l'idée que le réel n'est qu'une fiction, c'est le début du totalitarisme. Il s'agit là d'une logique révisionniste, proche de la logique négationniste. Nous sommes face à une démarche intellectuelle dangereuse, car elle sous-entend que l'événement n'a pas eu lieu. Or un avion s'est écrasé sur le Pentagone, faisant de nombreux morts." De manière moins tranchée, Ulysse Gosset dénonce le danger que font courir tous ces discours conspiratoires : "Si leurs auteurs peuvent apporter la preuve de ce qu'ils disent, qu'ils le fassent, mais s'ils n'en ont pas la preuve, qu'ils ne publient rien, car le danger c'est que personne ne croie plus en rien. La crédibilité des médias, la fonction du journalisme, sont en danger." Encore sous le choc des attentats, les Américains sont moralement hermétiques à ce qui déstabiliserait à nouveau leur perception de l'horreur du 11 septembre. La société américaine est encore cernée d'un mur épais de silence par respect pour les victimes et parce qu'aux Etats-Unis, "on est encore en deuil, affirme Jean-Bernard Cadier, on ne raconte pas des contes de fées dans un cimetière". Mais même la morale ne saurait interdire au train de l'information d'avancer. Or, quand celui-ci est subtilisé même un court isntant par un pilote amateur, le train déraille. Les Etats-Unis vivent aujourd'hui dans une atmosphère de guerre et le secret a été élevé au rang de politique d'Etat, avec ce que cela implique d'arrestations qui semblent arbitraires. Cependant, la thèse de Thierry Meyssan, impossible à prouver, ne tient pas lieu d'alternative à la version officielle des faits. Pour Eric Dior, de Marianne, la seule circonstance atténuante que l'on puisse accorder à Thierry Meyssan, c'est qu'il "se fonde sur le vieux principe, né des totalitarismes du XXe siècle, selon lequel les apparences sont forcément trompeuses." Son scénario morbide et délirant table sur "la jobardise des populations, poursuit Eric Dior, ce trait français permettant de croire que l'on est pas pris pour un imbécile". Et Pascal Riché de conclure : "Un Watergate, c'est rare." Gaïdz Minassian
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