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             En « subtilisant » l’avion sur le Pentagone, 
            Thierry Meyssan, Président du réseau Voltaire, a monté une superbe 
            opération de publicité mensongère autour de la vente de l’ouvrage « 
            L’effroyable imposture ». L’avion qui s’est abattu sur le Pentagone 
            a bien existé et a touché sa cible. Les recoupements journalistiques 
            effectuées aux Etats-Unis par certains organes de presse hexagonaux 
            (LCI, Libération, Le Monde) attestent de l’évidence des faits 
            concernant l’attentat contre le Pentagone. On peut regretter à ce 
            sujet que la communauté des médias n’ait pas réagi avec plus de 
            vigueur sur une démarche aussi caricaturale. Depuis la sortie du 
            protocole des sages de Sion, ce type de manipulation de l’opinion 
            publique devrait être traité avec un peu plus de sérieux. Ce succès 
            de librairie est une injure pour le métier de journaliste et le 
            laissez-aller ambiant à l’égard de Thierry Meyssan est un 
            encouragement à la reproduction de ce genre de dérives. Espérons sur 
            ce point précis que l’une des associations de victimes du 11 
            septembre osera porter cette affaire devant la justice afin de 
            donner un cadrage juridique à ce délit d’opinion.  Les 
            déclarations de Thierry Meyssan sont celles d’une personne 
            irresponsable qui s’inscrit dans la catégorie des opportunistes de 
            la rumeur. Une telle démarche éclaire d’un jour nouveau la dynamique 
            du réseau Voltaire qui pour l’instant ne s’est pas désolidarisé de 
            de cette initiative. Jusqu’à présent, le réseau Voltaire s’était 
            fait connaître par le biais d’Internet par des enquêtes 
            d’investigation sur l’extrême droite, par des prises de position sur 
            la désobéissance civile à la prohibition des drogues ou par le 
            boycott de Danone. A ce titre, ce réseau s’était attiré la sympathie 
            d’une population à l’écoute de ce type de discours.  L’affaire de 
            « L’effroyable imposture » pose plusieurs questions :  1) Comment 
            expliquer que des centaines de milliers de personnes en France aient 
            souscrit aussi facilement à une telle ineptie ? Un contexte 
            d’ambiguité et de refoulement à l’égard des Etats-Unis est peut-être 
            un des éléments d’explication de ce phénomène. A gauche comme 
            droite, les critiques retenues depuis des années contre la politique 
            américaine s’évacuent par ce genre de dérapage incontrôlé de 
            l’opinion publique. Depuis de Gaulle, la France n’a pas de stratégie 
            affirmée sur la scène internationale pour contenir les appétits de 
            l’empire américain. Pour compenser cette absence de discours, les 
            Français préfèrent se défouler en consommant de la 
            littérature/caniveau du type Thierry Meyssan. C’est grave et cela 
            révèle notre degré d’immaturité collective pour affronter les enjeux 
            complexes du monde de demain.  2) L’affaire Meyssan sert-elle à 
            terme les intérêts américains ? C’est toute la question. En allant 
            aussi loin dans l’amalgame à la X files sur la question des 
            attentats du 11 septembre, le « scoop » du réseau Voltaire prend 
            valeur de label. Il sera désormais facile pour les Américains de 
            balayer d’un revers de manche les critiques pointant les défauts de 
            leur cuirasse en les comparant à la qualité d’investigation des 
            délires de Thierry Meyssan. Pour parler clair, plus les Français se 
            couvriront de ridicule en défendant la thèse du complot 
            militaro-industriel sans la démontrer de manière concrète, plus 
            leurs arguments seront plombés par la mauvaise résonance de leurs 
            propos sur le « complot » du 11 septembre.  3) Faut-il s’en tenir 
            là à propos du 11 septembre ? La contre enquête des journalistes 
            français n’apporte pas d’informations plus précises sur certains 
            détails litigieux habilement « montés », comme on dit au cinéma, par 
            le Président du réseau Voltaire. En effet, il s’avère indispensable 
            aujourd’hui d’avoir une version recoupée par une enquête de terrain 
            (Thierry Meyssan n’est pas allé aux Etats-Unis pour valider ses 
            dires). Les papiers retrouvés miraculeusement intacts à proximité 
            des cibles, le coup de téléphone au Secret Service de la Maison 
            Blanche faisant allusion à des codes nucléaires sont des 
            informations qui doivent être recoupées localement afin d’avoir une 
            idée précise de leur valeur et surtout de leur signification. Il en 
            va de même à propos des soupçons qui pèsent sur la valeur juridique 
            de la cassette trouvée en Afghanistan après le début des opérations 
            au sol. Enfin le silence des autorités américaines sur les origines 
            des attaques à l’anthrax est un point faible de la démocratie 
            américaine. Mais rien ne permet pour l’instant d’affirmer qu’il y 
            ait un lien entre ces différents éléments qui atteste l’existence 
            d’un complot. Dans l’état actuel du dossier, si les informations 
            précédentes étaient validées, on peut formuler les hypothèses 
            suivantes : les Américains ont peut-être été amenés à rajouter des « 
            traces » juridiques pour appuyer la démarche militaire contre les 
            réseaux Ben Laden. L’affaire de l’anthrax est une affaire intérieure 
            qui affecte l’image d’intégrité du peuple américain. Cette 
            contradiction explique peut-être la gêne des autorités à révéler 
            l’identité de l’auteur de ces exactions. 
  Les victimes de la 
            manipulation de Thierry Meyssan pourraient nous objecter que la 
            présentation très didactique des photos sur Internet a joué un rôle 
            décisif dans leur prise de position. Si ce type de magie par l’image 
            n’est pas nouvelle, elle nous rappelle la très grande fragilité des 
            approches humaines. Personne en s’est interrogé sur une autre « 
            évidence » induite par la thèse sur l’avion qui ne se serait jamais 
            écrasé sur le Pentagone. Il n’est pas utile de replonger dans l’art 
            de la guerre de Sun Tsi ou la théorie du coup d’Etat de Malaparte 
            pour préciser que l’organisation d’un coup d’Etat militaire se fait 
            en principe selon certaines règles. La première, c’est de ne pas 
            donner du grain à moudre à ses détracteurs. Si les attentats du 11 
            septembre avaient été le fruit d’une conspiration du complexe 
            militaro-industriel américain, ses auteurs n’auraient pas inventé le 
            scénario tordu de « l’avion du Pentagone qui n’a jamais existé ». Un 
            montage aussi aléatoire que confus ne pouvait que faire échouer le 
            camouflage d’une telle conspiration. 
 
  
              
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