| 
                   Meyssan l'imposteur 
                  Fabrice Nicolino 
                  La thèse au minimum farfelue de 
                  Thierry Meyssan sur les attentats du 11 septembre aux 
                  États-Unis n'est en rien crédible. Fabrice Nicolino, faisant 
                  écho à un débat au sein de notre rédaction à la suite du 
                  « Bloc-notes » de Bernard Langlois, dénonce ici une 
                  construction délirante et les trucages du président du Réseau 
                  Voltaire. 
                   
                   Faut-il lire l'insupportable montage de Thierry 
                  Meyssan ? Ceux qui le feront apprendront au moins une 
                  chose, c'est que tout, rigoureusement tout est devenu possible. Le livre du président 
                  du Réseau Voltaire (1) entend en effet démontrer 
                  qu'aucun avion ne s'est jamais abattu le 11 septembre 2001 
                  sur le Pentagone, pour la bonne raison que tout repose sur un 
                  complot d'État. Son but ? Mais ouvrir en Afghanistan une 
                  voie royale au pétrole d'Asie centrale, voyons ! Cela 
                  serait seulement lamentable si une partie de la gauche et des 
                  écologistes ne cautionnait en réalité, et depuis des années, 
                  Thierry Meyssan et son très curieux cabinet d'enquêtes privées 
                  impudemment nommé Réseau Voltaire. Jean-Luc Bennahmias, 
                  responsable national des Verts, fait partie de son conseil 
                  d'administration, ainsi que Christian Terras, de Golias ; 
                  le président du Mrap Alain Callès et l'ancien député européen 
                  Vert Yves Frémion en sont vice-présidents ; Meyssan est 
                  quant à lui secrétaire national des Radicaux de gauche.> À 
                  Politis même, deux articles récents attestent que Meyssan 
                  conserve écoute et considération. Bernard Langlois, dans son 
                  Bloc-notes du n° 693, sans adhérer à toute la thèse du 
                  complot, estime qu'une bonne part du propos de Meyssan « tient plutôt bien la route ». 
                  Christine Tréguier, dans sa chronique du n° 695, et bien 
                  qu'elle soit loin d'être claire, paraît bien prendre sa 
                  défense, au motif que son travail s'appuierait sur « tout, sauf des rumeurs ».>  
                  Disons-le sans précaution, tout cela est 
                  navrant. Car Meyssan, qui n'est pas même allé aux États-Unis - 
                  pour quoi faire, franchement -, et qui n'a strictement 
                  interrogé personne, s'est en fait livré à une construction 
                  délirante et néanmoins organisée. La méthode, qui est aussi 
                  celle des négationnistes, consiste à empiler certains faits 
                  réels sur d'autres controuvés, puis de passer le tout au 
                  hachoir de la surinterprétation. De la sorte, il est facile de 
                  montrer que Léon Trostki a été l'agent du Mikado et de la 
                  Gestapo depuis sa plus tendre enfance, ou que le 
                  Protocole des Sages de Sion - ce faux monstrueux - est 
                  l'impeccable preuve historique que les Juifs dirigent le monde 
                  en secret.> D'autres ont déjà fait la démonstration précise 
                  des énormes trucages de Meyssan, qui écarte bien sûr tous les 
                  témoignages directs de l'impact de l'avion 
                  sur le Pentagone. On connaît le nom de chacun des passagers de 
                  cet avion qui ne s'est jamais écrasé ? Qu'importe ! 
                  Les services secrets sont très forts, savez-vous ?> En 
                  fait, ce que révèle d'évidence ce livre, c'est que Meyssan est 
                  atteint d'un narcissisme surdimensionné. En effet, que nous 
                  dit-il au fond ? D'abord que l'appareil d'État américain 
                  est tout-puissant, omnipotent et diabolique, qu'il est capable 
                  de monter des opérations d'une complexité inouïe sous les yeux 
                  mêmes de l'opinion mondiale. Cela serait désespérant s'il n'y 
                  avait sur terre un clairvoyant, capable de voir au travers des 
                  ténèbres. Meyssan est un cas : le monde entier se laisse 
                  berner mais lui, en cliquant à quelques reprises sur internet 
                  - ce nouveau dieu des éternels gogos -, réussit à 
                  dévoiler l'impensable !> L'effroyable imposture de 
                  Meyssan, ajoutons-le, vient de beaucoup plus loin, et les 
                  Verts en particulier seraient bien inspirés d'y réfléchir. Il 
                  est de bon ton, chez quelques militants qu'on dira distraits, 
                  de vanter l'excellence du travail de « renseignement » fait par le Réseau 
                  Voltaire depuis quelques années. Souvent tourné vers l'extrême 
                  droite et divers intégrismes, il est constitué surtout de 
                  fiches qui ne sont pas sans ressembler aux si fameuses notes 
                  des Renseignements généraux.> Or ces fiches mêlent d'une 
                  façon insupportable le vrai, l'établi, la rumeur et la 
                  calomnie. On ne prendra pour l'heure que deux exemples. Dans 
                  la très courte biographie consacrée à Hubert Védrine, ministre 
                  des Affaires étrangères, le Réseau Voltaire - en fait, comme 
                  on a tout lieu de le penser, Thierry Meyssan lui-même - ajoute 
                  à quelques banales notations deux « informations » très remarquables. 
                  La première vise son père Jean, présenté comme un cagoulard et 
                  un admirateur de Pétain. Pourquoi accorder une telle place à 
                  cela, sinon pour suggérer jusques et y compris une filiation 
                  idéologique ?> La seconde est infâme. Juste après avoir 
                  signalé que Védrine est conseiller municipal de 
                  Saint-Léger-des-Vignes, Meyssan-Voltaire ajoute ceci : « En 1990, il s'avéra que son domicile, qui 
                  était aussi celui du père Nicolas Glencross (un vieil ami de 
                  son père, Jean Védrine), hébergeait le plus important studio 
                  de pornographie enfantine jamais découvert en Europe. Les 
                  photographies du père Glencross étaient transmises par 
                  l'entremise du pasteur Joseph Doucé à l'éditeur nazi Michel 
                  Caignet qui les commercialisait [...]. Le père Glencross 
                  décéda peu après sa sortie de détention préventive et le 
                  pasteur Doucé fut assassiné. L'affaire s'éteignit sans 
                  qu'Hubert Vedrine ait été entendu dans le cadre de 
                  l'enquête ». On a compris, n'est-ce pas ? 
                  Védrine cache quelque chose, et ce quelque chose est terrible. 
                  Aucun début de commencement de preuve - 
                  évidemment ! -, simplement du venin, et cet horrible 
                  besoin de salir.> Au moment de la mort de notre cher René 
                  Dumont, en juin 2001, Meyssan publia, de même, un communiqué 
                  dont le titre dit l'essentiel : « René 
                  Dumont, pacifiste, fasciste et tiers-mondiste, est 
                  mort ». Qu'avait-il fait pour côtoyer dans l'opprobre 
                  Le Pen et Mégret, Mussolini et Hitler ? Des articles 
                  techniques dans un hebdomadaire agricole en effet pétainiste, 
                  pendant la guerre. Pas de citation dans le texte de Meyssan, 
                  non, car on aurait immédiatement compris la manipulation, mais 
                  des rapprochements et des glissements, jusqu'à cette ultime 
                  saloperie en guise de conclusion : le Réseau Voltaire « invite à une lecture critique de l'oeuvre 
                  récente de René Dumont, notamment en ce qui concerne ses 
                  conceptions en matière démographique... » Autrement 
                  dit, si Dumont craint la surpopulation, c'est qu'il déteste 
                  peut-être les sous-hommes et qu'il envisage - pourquoi 
                  pas ? - la solution finale de leur prolifération.> 
                  Faut-il ajouter quelque chose ? Trois fois rien. Meyssan 
                  est un imposteur, Meyssan est un salaud, Meyssan n'a rien à 
                  voir avec la gauche ou l'écologie. Du moins, on voudrait le 
                  croire.>  
                  Lire aussi dans les pages Idées de 
                  Politis n° 696 :  
                  La chronique de Denis Robert 
                   
                  La tribune de Pouria Amirshahi et 
                  Carole Hazé : L'insécurité des jeunes  
                  La tribune de Jean-Luc 
                  Mélenchon : Le droit plutôt que la force 
                  (1) L'Effroyable imposture, éditions 
                  Carnot.    |