Psikharpax, premier rat robot qui réfléchit avant d'agir • LE MONDE | 04.06.02 | 10h56 L'"animal" ressemble encore à un gros joujou en carton, métal et polystyrène expansé. Le rat robot baptisé Psikharpax entre dans sa phase prototype. Ce projet européen est l'un des plus ambitieux en matière de construction d'un robot adaptatif inspiré de l'animal. Le programme Psikharpax, mis sur les rails en septembre dernier, inaugure ainsi une collaboration rare entre biologistes, roboticiens et informaticiens (AnimatLab au laboratoire d'informatique de Paris-VI, neurobiologistes du Laboratoire de physiologie de la perception et de l'action (LPPA) au Collège de France, informaticiens du Lirm de Montpellier, de l'ABRG à Sheffield et du LCN de Lausanne) associés à des ingénieurs-entrepreneurs. Ces derniers vont permettre aux chercheurs de construire eux-mêmes leur rat avec muscles artificiels ou angle de vision des yeux correspondant au mieux à la morphologie du rongeur. L'entrepreneur Patrick Pirim, électronicien féru de vision artificielle, réalise le squelette du robot dans lequel seront ensuite fixés les moteurs permettant au rat de se redresser ou d'avancer sur ses roulettes et les capteurs grâce auxquels il percevra son environnement. L'ingénieur fournira une partie de l'électronique du robot, notamment les cartes électroniques de vision (GVPP) commercialisées par sa société. Ces composants s'inspirent de la physiologie animale. Ils analysent les stimuli visuels afin de détecter et de reconnaître en temps réel un objet ou de comprendre une scène. Le rat artificiel, bientôt doté d'une queue et d'une conséquente paire de moustaches, sera progressivement équipé d'un système visuel et d'audition très proches de ceux du rat. VALIDER DES HYPOTHÈSES Grâce à ces capacités sensitives, les roboticiens espèrent obtenir un robot capable de naviguer dans son environnement et d'y survivre en y découvrant sa nourriture et en échappant aux dangers potentiels. Le but n'est pas d'intégrer tous les savoirs sur la neurophysiologie du rat dans la machine, mais d'introduire les mieux connus d'entre eux dans le système de contrôle du robot. A savoir, la navigation (sa capacité à se déplacer de façon autonome) et la sélection de l'action (que faire et quand ?). Grâce au savoir des neurobiologistes du LPPA et au système de vision GVPP, les informaticiens vont en particulier doter Psikharpax d'une vision plus développée que celle de son cousin réel. Cette vision "active" lui permettra de catégoriser les divers objets rencontrés sur son chemin. Psikharpax se construira ainsi progressivement une carte cognitive de son environnement qui lui permettra d'enchaîner des actions de manière adéquate. Ces capacités, notamment la sélection de l'action, sont encore inédites chez le robot. "Actuellement, les robots sont incapables de "décider" quand arrêter une action courante pour en commencer une autre. Un animal sait parfaitement résoudre ce problème sinon il serait mort depuis longtemps", explique Jean-Arcady Meyer, directeur de l'AnimatLab. Pour que le système fonctionne, les informaticiens et les roboticiens devront compenser les lacunes du savoir biologique par des mécanismes venant des sciences de l'ingénieur. "Aux biologistes d'aller vérifier si ces mécanismes-là sont réellement implantés dans le rat", ajoute le chercheur. Pour les biologistes aussi, le passage au robot sera enrichissant. Il leur est encore impossible de simuler mathématiquement certains aspects du monde réel, notamment ses imperfections. L'équipe du LPPA, menée par Alain Berthoz, étudie les bases neurales de la navigation chez l'homme et l'animal. Elle voit dans Psikharpax, le moyen de valider ses hypothèses sur le fonctionnement du cerveau. "Je défends la théorie selon laquelle le cerveau est un simulateur de l'action et non un instrument qui traite les informations sensorielles de façon passive", explique Alain Berthoz. Il anticipe, il simule mentalement les trajets, il élabore des stratégies cognitives. Par exemple, vous pouvez vous remémorer un chemin parcouru en vous rappelant de la route parcourue associée à des scènes visuelles ou en utilisant une représentation du chemin par cartes. Nous allons entre autres tester dans Psikharpax ces stratégies qui supposent des mécanismes mentaux différents." Pour que Psikharpax, financé par le programme Robea du CNRS, évolue sous leurs yeux, les chercheurs devront encore patienter deux ans. Cécile Ducourtieux Le Monde interactif |
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