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Les fantômes du passé d'homme d'affaires de George W. Bush ressurgissent

• LE MONDE | 19.07.02 | 11h28

New York de notre correspondant

Depuis plusieurs semaines, le passé d'homme d'affaires de George W. Bush fait l'objet de toutes les attentions, plus encore qu'à l'occasion des campagnes électorales de 1994 et 1998 pour le poste de gouverneur du Texas et de 2000 pour la présidence.

Les révélations se succèdent. Sur les prêts personnels obtenus de la société pétrolière Harken Energy Corporation, dont il était administrateur de 1986 à 1993. Une pratique que le gouvernement Bush veut aujourd'hui interdire. Sur le fait qu'Harken a été contraint par la SEC (Securities Exchange Commission), l'autorité des marchés, de réviser ses comptes à la fin de l'année 1989. Elle a dû enregistrer une perte plutôt que des bénéfices et effacer une plus-value fictive. L'épisode le plus controversé est celui de la vente, en juin 1990, par George W. Bush d'actions Harken deux mois avant que la société annonce des résultats catastrophiques. Cela lui a valu une enquête de la SEC concluant qu'il n'avait pas commis de délit d'initié. De nombreuses questions restent sans réponse dans cette affaire, comme le nom du mystérieux acheteur des titres ou la raison pour laquelle M. Bush s'était engagé, en avril 1990 et pour six mois à ne pas vendre ses actions... deux mois avant de le faire. Mais George W. Bush n'a pas fait fortune dans le pétrole. Les millions de dollars, il les a gagnés dans le sport, plus particulièrement le base-ball.

Il a acquis, en avril 1989, environ 1,8 % du capital de l'équipe des Texas Rangers et en est devenu l'un des deux directeurs généraux. Cette participation, payée 600 000 dollars, a été revendue en janvier 1998 pour 14,9 millions. Les autres propriétaires du club, en tout 39 associés, lui avaient entretemps généreusement donné 10 % du capital comme bonus pour "avoir constitué l'équipe d'investisseurs". Ils n'ont pas eu de raisons de se plaindre : achetés 86 millions de dollars, les Rangers ont été revendus plus de 250 millions au milliardaire Thomas Hicks.

Le club a surtout bénéficié de la construction d'un nouveau stade à Arlington, non loin de Dallas, considéré par le magazine Financial World comme le plus rentable du pays, et de l'acquisition de 150 hectares alentour dont la valeur a explosé. Une opération qualifiée de "socialisme local" par ces détracteurs, tant elle mêle intérêts privés et publics.

"On peut chiffrer l'apport des contribuables d'Arlington à 200 millions de dollars, estime l'avocat Glenn Sodd. La ville a donné une bonne partie du terrain et expulsé les propriétaires. Les Texas Rangers ont été exemptés de taxe foncière et d'impôt sur tout ce qui était nécessaire à la réalisation du stade." M. Sodd représente des familles expropriées ayant engagé des procédures judiciaires, il y a maintenant près de dix ans. Un tribunal a estimé en première instance que les terrains ont été parfois payés un septième seulement de leur valeur. Les plaintes dénoncent "un groupe de personnes riches et influentes qui, par la menace et les pressions, ont détourné l'intérêt général, mus par l'appât du gain". William Eastland, un des leaders républicains à Arlington, est lui aussi scandalisé par "l'utilisation de l'argent public à des fins privées". Cela ne l'a pas empêché d'être un délégué de M. Bush à la convention du Parti républicain de 2000.

Les propriétaires des Rangers avaient manifestement l'intention, dès le début, de gagner de l'argent par le biais d'une grande opération immobilière. Dans les documents liés aux procédures judiciaires en cours, on trouve des rapports rédigés dès 1990 par l'un ou l'autre des associés évoquant l'intérêt de récupérer telle ou telle parcelle. "Nous avons créé un modèle de partenariat public-privé dans lequel chaque côté a été gagnant, explique Tom Schieffer, le président des Rangers et ancien associé de George Bush. Nous avons toujours dit aux gens d'Arlington, "cela sera une bonne chose pour les Rangers, ce sera aussi bon pour nous, si vous jugez que ce n'est pas bon pour vous, ne le faites pas"." Le club avait menacé d'aller s'installer dans une autre ville et les citoyens ont accepté à une majorité de deux contre un d'augmenter les impôts pour qu'il reste.

En devenant l'un des principaux dirigeants des Texas Rangers, George W. Bush a non seulement réalisé une excellente opération financière, mais aussi politique. Avec les moyens importants à sa disposition grâce au nouveau stade, l'équipe a pu attirer et payer de grands joueurs et devenir l'une des meilleures du pays, se retrouvant notamment en finale des World series contre les New York Yankees en 1996. M. Bush a utilisé ses succès sportifs lors des campagnes électorales de 1994 et 1998 pour le poste de gouverneur du Texas.

Eric Leser

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 20.07.02

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