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• LE MONDE
INTERACTIF | 31.07.02 | 13h12
"La CNIL ne remplit plus
son rôle, et surtout n'a jamais eu les moyens juridiques et législatifs de
le faire".
Loïck Coriou est
responsable du Bureau des ennemis de l'Internet de l'ONG Reporters sans
frontières (RSF). Il est aussi l'un des porte-parole de la Fédération
informatique et libertés (FIL), créée au début de l'été à l'initiative de
RSF.
Pourriez-vous expliquer ce qu'est la FIL, dont RSF est l'une des fondatrices ? RSF en tant qu'ONG s'est depuis longtemps intéressée à la liberté d'expression en ligne : nous avons toujours affirmé qu'elle était aussi importante que la liberté de la presse. Or depuis le 11 septembre, nous avons constaté une dérive sécuritaire dans des pays démocratiques qui garantissaient jusqu'alors farouchement la liberté de la presse et la liberté d'expression. Nous avons répertorié et dénoncé ces abus et dérives sécuritaires, mais en étions arrivés à un point où cela ne suffisait plus : il fallait agir. Or pour avoir de l'impact, il ne fallait pas que nous agissions seuls. Nous avons donc contacté des associations plus spécifiquement consacrées à la liberté d'expression sur Internet que RSF, qui est une ONG pour la liberté d'expression dans le sens large du terme. L'idée était d'allier, d'un côté notre savoir-faire dans la médiatisation des enjeux et des problématiques, de l'autre les connaissances pointues que ces associations pouvaient avoir sur certains dossiers. Act Up, par exemple, va traiter du problème de la préservation du secret médical dans le secteur informatique, l'hébergeur Globenet des problèmes spécifiques que pose aux hébergeurs l'application de la loi sur la sécurité quotidienne (LSQ)... Notre objectif est de formuler ensemble un discours cohérent à destination du grand public, de faire un travail de vulgarisation. Par exemple, peu de gens savent ce qu'est un log de connexion, et ne peuvent donc comprendre ce qu'a de grave la rétention de ces logs prévue par la LSQ. Une métaphore que nous utilisons souvent est la suivante : imaginons que la loi autorise les autorités à contrôler les postes de quartier pour savoir qui écrit à qui. Les gens considéreraient cela comme une grave atteinte à leur liberté et à la confidentialité des échanges. C'est pourtant ce qui va se passer sur Internet. RSF appartenait déjà au collectif Libertés immuables, et avait participé à des actions communes de sensibilisation autour des projets de lois sur la société de l'information et sur la sécurité quotidienne. Ne craignez-vous à terme pas de brouiller la spécificité du message émis par RSF ? Je ne crois pas du tout. Au contraire : ce qui est préjudiciable à l'impact que peut avoir notre démarche, c'est que chacun prêche pour sa paroisse. Pour prendre l'exemple de RSF, il n'est pas sûr que le non-journaliste ou non-professionnel des médias vienne chercher des informations sur notre site, alors que beaucoup des informations que nous proposons dépassent le domaine de la liberté de la presse stricto sensu. La FIL est une fédération, une coalition : chaque association conserve son site Internet, sa liberté de parole et d'action. RSF par exemple va continuer à parler en son nom propre, que ce soit sur son site ou lors des conférences de presse de la FIL. L'idée est avant tout de mener ensemble des actions concrètes (la réalisation de guides, de CD-ROM, le développement de logiciels anti-censure...) ainsi que de proposer un site Internet commun. Notre force viendra de ce que nous pourrons proposer plusieurs points de vue, plusieurs perspectives. Quel est le positionnement de la FIL par rapport à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dont elle pastiche le nom ? Certes, il est déjà bien qu'il existe une structure comme la CNIL, qui permette de contrôler un tant soit peu ce qui se passe en matière de protection de la vie privée sur Internet et dans le domaine informatique. Le problème est que la CNIL ne remplit plus son rôle, et surtout n'a jamais eu les moyens juridiques et législatifs de le faire. Elle ne peut attaquer l'Etat en justice, ce qui n'est pas le cas de la FIL. Dans son dernier rapport, la CNIL affirme n'avoir pas constaté d'impact du 11 septembre sur Internet et les problématiques juridiques. Pourtant, la LSQ a été votée : elle allait à l'encontre de certaines des recommandations de la CNIL. Certes la CNIL a fait son travail : les questions qu'elles a soulevées par rapport à la LSQ étaient très judicieuses. Mais c'est un triste constat d'impuissance que de s'en tenir là. La CNIL aurait dû demander l'élargissement de son mandat et l'obtention de moyens juridiques. Quelle est la position de RSF et de la FIL concernant le projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (Lopsi) qui a été adopté par l'Assemblée nationale le 17 juillet dernier ? Le lundi 29 juillet, RSF a écrit au ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, pour l'interpeller sur les menaces que la nouvelle loi de sécurité intérieure fait peser sur la liberté d'expression en ligne. La FIL a publié un communiqué le 30 juillet. Nous considérons que certaines dispositions constituent un grave dérapage liberticide : la possibilité de perquisitionner en ligne et à distance les serveurs des fournisseurs d'accès à Internet, de saisir à distance toutes les données. Ces dispositions n'ont fait l'objet d'aucune concertation et sont votées au milieu de l'été, alors que la plupart des Français sont en vacances. Nous exigeons qu'elles donnent lieu à un vrai débat public. Propos recueillis par Marie Bélœil |
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