D'Enron à Vivendi • LE MONDE | 15.08.02 | 13h32 IL NE FAIT PAS bon être PDG aux Etats-Unis par les temps qui courent. Depuis la crise déclenchée par le scandale Enron et nourrie quasi quotidiennement par la révélation de malversations ou de falsifications de comptes dans les entreprises les plus prestigieuses, le peuple, les actionnaires, les médias, les politiques, bref toute l'Amérique, réclament des têtes. Et elles tombent. Depuis que deux dirigeants de WorldCom ont été livrés en pâture à l'opinion, conviée par caméras de télévision interposées à leur spectaculaire arrestation menottes aux mains, plus personne ne se sent à l'abri d'une investigation judiciaire dans les salles de conseil d'administration américaines. Les hommes d'affaires américains sont régulièrement convoqués devant diverses commissions du Congrès pour y être interrogés sans ménagement sur leurs méthodes de comptabilité. Mercredi 14 août, quelque 700 des 942 plus grosses sociétés cotées en Bourse se sont pliées au délai souhaité par la Securities and Exchange Commission, le gendarme de la Bourse, pour une tardive mais salutaire "opération-vérité", dans laquelle les PDG et leurs directeurs financiers se sont engagés sur la véracité de leurs comptes. Au passage, le géant de la communication AOL-Time Warner a été contraint d'avouer quelques doutes sur la comptabilité d'opérations réalisées ces deux dernières années. Au-delà de l'inévitable dimension démagogique de ce subit accès de pureté, que le président Bush tente d'exploiter, les responsables américains ont compris l'enjeu de cette série de scandales financiers : il en va de l'avenir même de l'économie de marché, dont une règle essentielle, la transparence, a été violée. Et c'est sur cette transparence que repose la confiance des investisseurs dans les marchés. Et en France ? En France, un groupe de la taille de Vivendi Universal peut reconnaître des pertes colossales sans que personne soit inquiété : 25,9 milliards d'euros en dix-huit mois, soit plus de 10 milliards de plus que le gouffre du Crédit lyonnais. En France, le capitalisme de connivence reste la règle, un petit monde où, autour des tables des conseils d'administration, banquiers et administrateurs ne font qu'un, au mépris de conflits d'intérêts évidents puisque, dans le cas de Vivendi par exemple, ce sont les banques, présentes au conseil, qui pourraient bien récupérer la mise si certains des scénarios de sauvetage envisagés sont adoptés. En France, une mission de réflexion sur l'amélioration des pratiques du gouvernement d'entreprise a été confiée à Daniel Bouton, le président de la Société générale. M. Bouton est en terrain familier : sa banque est la première créditrice de Vivendi Universal et son prédécesseur, Marc Vienot, toujours influent à la Société générale, est le président du comité d'audit de Vivendi. L'exemple américain le montre : l'assainissement de ce système tissé de vieux réseaux d'influence est une nécessité de première importance, économique, financière et politique. |
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