Les éditeurs de musique renforcent leur lutte contre le piratage • LE MONDE INTERACTIF | 10.09.02 | 16h04 La guerre contre les "pirates" de la musique en ligne s'intensifie. La mort du site Napster en ce début de mois de septembre n'empêche pas la puissante Recording Industry Association of America (RIAA), qui réunit, outre-Atlantique, les "majors" de la musique, de réfléchir à des initiatives dirigées non plus vers les structures d'échanges, mais vers les internautes eux-mêmes. Les maisons de disques pourraient prochainement inonder les systèmes d'échanges de fichiers vides ou non fonctionnels. Le but de cette action serait dans un premier temps de décourager et de frustrer les internautes qui téléchargent gratuitement de la musique ou de la vidéo par le biais de systèmes comme Gnutella ou Grokster. Derrière cette initiative se cache aussi une volonté de poursuivre individuellement les pirates. Car, selon la RIAA, des fichiers mouchards, "déguisés" en chanson de Michael Jackson ou en sonate de Scriabine, pourraient conduire les majors à identifier les internautes et, éventuellement, à les poursuivre en justice. Certains labels seraient favorables à ce que les fournisseurs d'accès à Internet participent à la lutte, soit en communiquant les adresses IP (Internet protocol) des ordinateurs des contrevenants, soit en bloquant purement et simplement les protocoles informatiques des systèmes incriminés. Pour l'Association française des fournisseurs d'accès à Internet (AFA), cette option est tout simplement impossible. "C'est absurde. Personne ne peut déclarer qu'un protocole de communication est illégal, et nous ne pouvons donc pas le bloquer, estime Jean-Christophe le Toquin, délégué permanent de l'AFA. Quand au fait que nous communiquions les adresses IP des internautes, c'est aux ayants droit qui se sentent floués de saisir l'autorité judiciaire et obtenir les coordonnées des contrevenants." En France, les fournisseurs d'accès sont en effet habilités à divulguer les données de connexion de leurs internautes, mais aux seules forces de l'ordre, sur commission rogatoire d'un juge. Même si aucune décision ferme n'a encore été prise par les majors et s'il est illusoire de vouloir poursuivre en justice plusieurs millions de personnes, cette annonce marque un changement de stratégie. Jusqu'à présent, pour enrayer le phénomène de piratage sur Internet, les maisons de disques se sont engagées dans une lutte sans merci contre les entreprises qui fournissent ces services d'échanges gratuits. Après Napster, dont un juge américain vient de prononcer la liquidation, Kazaa et Audiogalaxy ont eux aussi été récemment visés par des actions en justice. Mais malgré ces victoires, l'industrie du disque reste confrontée à un phénomène de piratage impossible à endiguer. Certains systèmes dits "de pair à pair" – comme Gnucleus – ne sont pas centralisés autour d'un site exploité par une entreprise, et leurs développeurs travaillent de façon "collaborative" et bénévole via la Toile. Ils n'offrent donc aucune prise juridique aux majors. En outre, les programmes d'échanges sont chaque jour plus complexes. Archétype de cette nouvelle génération de logiciels, FreeNet propose aux internautes qui se connectent à son réseau des échanges cryptés par le biais d'un protocole rendant à peu près impossible leur identification. De plus, le système réplique automatiquement sur les machines de différents utilisateurs les fichiers les plus recherchés. Se connecter au réseau Freenet implique donc, en quelque sorte, une perte de souveraineté sur le disque dur de sa machine, où sont dupliqués des fichiers non requis par l'utilisateur. Les développeurs de ces systèmes font en sorte de rendre leurs interfaces plus accessibles aux moins initiés. Et leur utilisation se répand. Malgré la fermeture du célèbre Napster, les professionnels de la musique s'accordent à dire que, chaque mois, plus de 500 millions de fichiers sont illégalement téléchargés dans le monde. Des chiffres que les majors mettent en relation directe avec la baisse des ventes d'albums dans le monde. En Europe, la Fédération internationale de l'industrie discographique (IFPI), constate une chute substantielle des ventes, notamment en Allemagne ou en Autriche. L'IFPI rappelle également qu'en 2001, en Allemagne, il s'est vendu 182 millions de CD vierges contre 185 millions de CD enregistrés. Aux Etats-Unis, pour les six premiers mois de 2002, la Research Industry Association of America (RIAA) vient de confirmer que les ventes de CD avaient diminué de 7 % par rapport l'année précédente. Au début de l'été, le directeur d'Universal Music a notamment déclaré que "si la mentalité actuelle d'accès gratuit à la musique persiste, les maisons de disques ne pourront plus réinvestir 15 % de leurs revenus dans la découverte et le développement des artistes". Pour l'heure, les maisons de disques peinent à proposer une alternative crédible aux offres gratuites. En France, seuls quelques services "légaux" de téléchargement sont accessibles aux internautes. De plus, ces services sont loin d'égaler, en terme d'offre, les réseaux pirates. Cette situation pourrait toutefois s'améliorer dans les prochaines années. Après avoir tenté de jouer leur carte en solitaire, EMI, Bertelsman, EMI, Sony et Universal Music se montrent de plus en plus intéressés par des partenariats. Listen. com, un service d'abonnement musical payant dispose ainsi d'une discothèque virtuelle de 175 000 titres issus des catalogues des cinq majors. Les consortiums Pressplay (Universal, Emi, Sony) et MusicNet (BMG, EMI, Warner) montent également en puissance. Déjà disponibles aux Etats-Unis, ces plates-formes de distribution de musique payantes sont accessibles par le biais de grands portails comme Yahoo ! ou AOL. Leur arrivée en Europe, initialement prévue pour l'automne 2002, a toutefois été reportée au début de 2003. Pour expliquer ce retard, les majors évoquent des difficultés dans la numérisation de leur catalogue et, surtout, dans la gestion des droits numériques. Stéphane Foucart et Guillaume Fraissard La baisse des ventes de CD
S'appuyant sur les résultats d'une étude du cabinet Peter D. Hart Research Associates, la Recording Industry Association of America (RIAA) représentant les cinq majors du disque a annoncé, le 26 août, que les ventes de CD avaient baissé de 7 % aux cours des six premiers mois de l'année. "Parmi les gens qui ont déclaré avoir augmenté leur téléchargement pendant le premier semestre, note-t-elle, 41 % ont signalé qu'ils achetaient moins de disques, contre 19 % qui affirment en acheter plus." Début août, une étude de Forrester Research a estimé au contraire que ce n'était pas l'échange de morceaux sur Internet qui était responsable de la baisse des ventes de CD, mais le contexte économique et la concurrence des autres médias. Du côté des sites proposant de la musique en ligne, Jonathan Potter, directeur général de la Digital Media Association, juge que "pour éliminer les services de distribution illégale de musique sur le Net, il faut offrir des services légaux complets, innovants et à un prix raisonnable". |
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Le Monde 2002 Usage strictement personnel. L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la licence de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions. Politique de confidentialité du site. Besoin d'aide ? faq.lemonde.fr Description des services payants Qui sommes-nous ? |