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METALLURGIE. Les
alliages libèrent du nickel, d'où un risque d'allergie.
Des minipiles dans les pièces de 1
euro
Par Denis
DELBECQ
jeudi 12 septembre 2002
Sueur artificielle. Les pièces de 1 et de 2 euros sont donc formées de
deux alliages différents. Le métal blanc du centre des pièces de 1 euro contient
25 % de nickel, tandis que le métal jaune de l'anneau extérieur en contient cinq
fois moins. Les chercheurs suisses ont démonté une pièce de 1 euro et ont plongé
les deux parties dans une solution de sueur artificielle, reliant chacune aux
bornes d'un mesureur de tension. Quelques dizaines de millivolts sont rapidement
apparus, signe que la différence de propriétés électrochimiques des deux
alliages crée un courant, corrode le métal et libère du nickel. La même expérience a été répétée avec les deux parties d'une pièce de 2
euros, produisant les mêmes effets. Sur des pièces bimétalliques immergées dans
une sueur artificielle, des traces de corrosion apparaissent après trente-six
heures, tandis que la pièce de 1 franc suisse, faite d'un alliage unique de
cuivre et de nickel, ne semble pas altérée. D'autres expériences confirment que le contact prolongé de la peau avec les
deux pièces bimétalliques européennes provoque l'apparition d'érythèmes et de
vésicules au bout de quelques dizaines d'heures chez les personnes sensibilisées
au nickel. Caissiers. Au final, selon les résultats des chercheurs suisses, les
pièces de 1 et de 2 euros libèrent 240 et 320 fois plus de nickel que ne permet
la réglementation européenne pour les objets en contact direct et prolongé avec
la peau. Pas de quoi menacer la santé publique. Mais un souci pour les personnes
qui, comme les caissiers, manipulent beaucoup de pièces. «On estime que 10 %
de la population est sensible au nickel», rappelle Werner Aberer,
dermatologue à l'hôpital universitaire de Graz (Autriche). Il s'insurge contre la décision du Conseil de l'UE qui, en 1998, a choisi
formes et matériaux des pièces en dépit des nombreuses prises de position de
scientifiques en faveur de l'élimination du nickel. Mais les pièces de monnaie
ne tombent pas sous le coup de la directive européenne de 1994 sur la teneur en
nickel. Les responsables européens ont choisi de recourir à d'autres matériaux
pour les petites pièces. Les 1, 2 et 5 centimes sont faits d'acier recouvert de
cuivre, tandis que les 10, 20 et 50 s'appuient sur l'«or nordique», un alliage
de cuivre, de zinc, d'étain et d'aluminium, que certains préconisaient pour
toutes les pièces. Mais la voix de la France, productrice de nickel, a pesé. Et
le matériau décrié a atterri dans les pièces de 1 et de 2 euros. Billet de 1 euro. «Qui assumera la responsabilité si une personne
développe un eczéma après un contact avec ces pièces ? Le fabricant, la
Commission européenne ou l'industrie du nickel ?», questionnait Werner
Aberer, dans une lettre publiée en début d'année par le British Medical
Journal. Gageons que la nouvelle confirmation des risques liés au nickel,
publiée dans Nature, apportera de l'eau au moulin des autorités
italiennes, qui réclament le lancement d'un billet de 1 euro.e n'était pas prévu au
programme. Mais les pièces de 1 et de 2 euros se comportent comme de petites
piles électriques au contact de la sueur. Un mécanisme qui libère du nickel.
D'où les risques d'allergie que dénoncent de nombreux spécialistes et que
confirme une nouvelle étude publiée par des chercheurs suisses. Franck Nestle
(dermatologue, université de Zurich), Hannes et Markus Spiedel (métallurgistes,
Institut fédéral de technologie de Zurich) montrent aujourd'hui dans la revue
Nature pourquoi le nickel parvient à s'échapper plus facilement de ces
pièces formées de deux alliages différents que d'un morceau de nickel pur.