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Réseaux locaux, Wi-Fi et
risques juridiques - Mardi 10 septembre 2002
-
Le déploiement de réseaux sans fil Wi-Fi se heurte à
des dispositions techniques et juridiques qui encadrent
strictement les conditions de leur établissement et de leur
exploitation. Leur appréhension est
essentielle.
par Franklin
Brousse, Avocat, D&B Avocats
|
Dans un communiqué du 11 juin 2002, l’Autorité de
Régulation des Télécommunications (ART) a annoncé la mise en
œuvre de mesures concrètes en vue d’assouplir progressivement
les conditions d’exploitation des bandes de fréquence 2,4 GHz
et 5 GHz utilisées dans le cadre des réseaux locaux radio
(RLAN), utilisant notamment la norme Wi-Fi (nom commercial de
la technologie IEEE 802.11b du réseau local Ethernet sans
fil). Cette annonce intervient au moment où le déploiement de
réseaux Wi-Fi s’ accélère en France, où l’Agence Nationale des
Fréquences (ANF) vient de notifier à l’association Provence
Wireless l’interdiction d’émettre et d’utiliser un réseau
Wi-Fi installé sur la commune de Mane, dans les Alpes de
Haute-Provence et où un grand hôtel parisien s’est vu
contraint de suspendre le service Wi-Fi mis à disposition de
sa clientèle.
Parce qu’elle représente une
alternative simple et efficace à d’autres moyens d’accès au
haut débit, la norme Wi-Fi est une opportunité technologique
dont souhaitent bénéficier aujourd’hui de nombreuses
entreprises privées ou publiques. Cependant, le déploiement de
réseaux sans fil Wi-Fi se heurte à des dispositions techniques
et juridiques qui encadrent strictement les conditions de leur
établissement et de leur exploitation.
Si les dispositions techniques sont
aujourd’hui clairement identifiées par les acteurs du marché
des réseaux locaux sans fil, les dispositions juridiques,
souvent complexes, échappent encore à la majorité d’entre eux.
L’appréhension du cadre juridique de la mise en œuvre d’un
réseau sans fil est pourtant essentielle si l’on souhaite
éviter certaines mésaventures, comme celle de l’association
Provence Wireless, contrainte à la désinstallation immédiate
du réseau Wi-Fi de la commune de Mane sous peine de sanctions
pénales et avec un préjudice financier important.
Cadre juridique des réseaux
Wi-Fi et autres RLAN Un réseau RLAN de type Wi-Fi est
considéré, au sens des dispositions du Code des Postes et
Télécommunications (CPT), comme un réseau indépendant dont
l’établissement peut donner lieu à une autorisation préalable
de l’ART. Dans le cas d’un réseau radioélectrique indépendant,
la nécessité d’une telle autorisation dépend notamment de
l’étendue de la zone couverte par le réseau et des conditions
de son établissement à l’intérieur ou à l’extérieur de
bâtiments.
En effet, la réglementation
actuelle permet d’établir librement des installations et des
réseaux radioélectriques de faible portée ou dont les
fréquences ne sont pas spécifiquement assignées par l’ANF, à
l’intérieur des bâtiments. Ce principe a été rappelé par l’ART
dans une décision du 23 mai 2001 fixant les conditions
d’utilisation des réseaux locaux radioélectriques dans la
bande des 2,4 GHz. Cette décision précise qu’une demande doit
être effectuée lorsque les installations et/ou les réseaux
concernent une utilisation à l’extérieur de bâtiments, que ce
soit sur une propriété privée ou sur le domaine privé des
personnes publiques. Les conditions d’une telle autorisation
sont fixées par les articles L.33-2 et D.98-3 et suivants du
CPT.
Le fait d’établir ou de faire
établir un tel réseau sans autorisation, ou de le maintenir en
violation d’une décision de suspension ou de retrait de l’
autorisation, est puni de six mois d’emprisonnement et de
30.000 euros d’amende. C’est la menace de cette sanction
pénale qui a conduit l’Association Provence Wireless à
démonter immédiatement son installation. En outre, est puni
des même peines le fait de perturber les émissions hertziennes
d’un service de télécommunication en utilisant une fréquence
ou une installation radioélectrique non conforme aux
dispositions du CPT, notamment en matière d’équipements et
d’installations radioélectriques n’utilisant pas des
fréquences spécifiquement assignées par l’ANF.
Cette sanction trouve
particulièrement à s’appliquer dans l’hypothèse où, pour
contourner la nécessité d’une autorisation préalable, deux
réseaux Wi-Fi sont installés au sein de bâtiments distants de
quelques dizaines de mètres afin de permettre une
interconnexion entre eux, créant ainsi un pont-radio, se
dispensant ainsi d’une installation extérieure soumise à
autorisation. Cette pratique, sanctionnée pénalement par les
dispositions du CPT, semble pourtant être aujourd’hui
relativement répandue, ce qui n’est pas sans poser de
problèmes de responsabilité pour les propriétaires des réseaux
et les installateurs. En effet, le propriétaire et
l’installateur du réseau sans fil pourront être considérés
comme responsables du fait de l’établissement du réseau sans
autorisation ou des perturbations affectant d’autres émissions
hertziennes autorisées. En outre, l’installateur pourra voir
sa responsabilité engagée au titre de son obligation de
conseil en sa qualité de professionnel.
Indépendamment de la problématique
de la responsabilité pénale, le propriétaire du réseau sans
fil pourra mettre en cause la responsabilité contractuelle de
son installateur. Les entreprises privées ou publiques
intéressées par l’établissement d’un réseau sans fil Wi-Fi
doivent donc prêter la plus grande attention aux mises en
garde et aux conseils de leurs installateurs, ainsi qu’aux
dispositions de leur contrat, sous peine de voir leur
responsabilité pénale engagée et de subir un préjudice
financier important du fait de la désinstallation du réseau ou
de la suspension du service. Cette attention particulière doit
s’inscrire dans une démarche de sécurisation juridique de
leurs relations contractuelles et de gestion des risques
juridiques liés à l’établissement et à l’exploitation d’un
réseau de télécommunications.
Les évolutions
attendues Des décisions de l’ART attendues pour la fin
de l’année 2002 et au cours des deux années suivantes
devraient assouplir le cadre juridique de l’établissement des
réseaux sans fil de type RLAN tels que les réseaux utilisant
la norme Wi-Fi. A partir de 2004, les réseaux sans fil RLAN
devraient pouvoir être exploités sur tout le territoire en
utilisant la totalité de la bande de fréquence 2,4 GHz en
intérieur et en extérieur, suite aux discussions qui vont être
menées par l’ART avec le ministère de la Défense. A ce jour, de telles conditions
d’utilisation ont été permises par le ministère de la Défense
dans 38 départements, une liste complémentaire de départements
devant être publiée au début de l’année prochaine. Cette
situation ne dispense pas les entreprises privées ou publiques
concernées d’obtenir une autorisation dans les cas
d’installations et de réseaux sans fil destinés à être
utilisés en extérieur.
L’ART rappelle, dans son communiqué
du 11 juin 2002, l’interdiction d’exploiter les services
ouverts au public par le biais de réseaux sans fil de type
RLAN. Toutefois, l’ART devrait autoriser, d’ici la fin de
l’année, l’implantation libre de bornes d’accès dans les lieux
de passage (hot spots), tels que les aéroports ou les hôtels.
Elle devrait fixer très prochainement les conditions d’une
expérimentation de ce type de services, notamment dans les
zones mal desservies par les réseaux existants.
Dans l’attente de l’évolution de la
réglementation applicable aux réseaux locaux sans fil, les
entreprises privées et publiques concernées doivent anticiper
les risques juridiques liés à l’établissement et à
l’exploitation de ce type de réseaux.
[mailto:franklin.brousse@noos.fr?subject=JDNet]
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