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L'Europe à venir
L'Union a-t-elle une âme ?
Les catholiques cherchent une place pour Dieu dans la future Constitution.
Par Nathalie DUBOIS

samedi 16 novembre 2002


 
 
 

 

ne grande controverse agite la Convention : Dieu a-t-il sa place dans la future Constitution européenne ? Autant l'enceinte présidée par Valéry Giscard d'Estaing est vite tombée d'accord sur l'idée de doter l'Union d'une personnalité juridique propre, autant la question de son «âme» s'annonce-t-elle infiniment plus conflictuelle. Comme en 2000, déjà, lors de la rédaction de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, deux camps s'affrontent : les pays résolument laïcs et les autres. A la demande expresse de Chirac et Jospin, l'ex-président allemand Roman Herzog, qui dirigeait alors les travaux sur la Charte, avait dû faire disparaître de son préambule la référence au «patrimoine religieux» de l'Europe. Paris avait sauvé la laïcité de l'Union Ñ «religieux» devenant, dans la version française, «spirituel et moral». Mais la querelle resurgit aujourd'hui, dans un contexte exacerbé par le débat qui fait rage sur la candidature de la Turquie musulmane.

Le camp de l'héritage chrétien «jouit au sein de la Convention d'un rapport de forces plus favorable» qu'il y a deux ans, note un conventionnel français. Car les appels répétés du pape à inclure la religion dans les «nouvelles fondations de la maison commune européenne» y bénéficient de nouveaux relais de poids, qu'il s'agisse de la très catholique Pologne (représentée à la Convention comme chacun des treize pays candidats) ou de la nouvelle majorité de droite italienne. Signe que le camp clérical reprend du poil de la bête, le Parti populaire européen (PPE, désormais dominant au sein des quinze gouvernements de l'UE, comme au Parlement européen) a dévoilé, mardi, un projet de Constitution qui ravira Jean Paul II. Dans son préambule, le texte ne se contente pas de reprendre «l'héritage spirituel et moral», mais insiste, en prime, sur «ce que l'Europe doit à son héritage religieux». Le parti qui fédère les droites classiques ­ et où pèsent lourd les chrétiens-démocrates allemands ­ propose même d'évoquer explicitement Dieu : l'article 57, inspiré de la Constitution polonaise, proclame ainsi que «les valeurs de l'Union incluent les valeurs de ceux qui croient en Dieu comme la source de la vérité, de la justice, du bien et de la beauté, comme celles de ceux qui ne partagent pas cette croyance mais respectent ces valeurs universelles émanant d'autres sources». Cette Invocatio Dei est prêchée depuis des mois par les évêques polonais, qui disent avoir le soutien du président Aleksander Kwasniewski (ex-communiste) et de l'Eglise catholique d'Allemagne. Le pape, qui a reçu Valéry Giscard d'Estaing en audience le 31 octobre, n'a de cesse de réclamer une mention «des valeurs dont est porteur le christianisme» pour que l'Europe ne se réduise pas à un grand marché, en proie à «un consumérisme indifférent aux valeurs de l'esprit».

«L'Europe n'est pas un club chrétien», rétorque Pierre Moscovici, représentant du gouvernement français à la Convention. Pour Alain Bauer, Grand maître du Grand Orient de France, les héritages protestant, juif, orthodoxe, musulman et humaniste laïque ont, tout autant que la catholicité, «permis à l'Europe d'affirmer une identité qui dépasse la somme de ses composantes». «Où que nous allions, une chose doit être claire... Nous devons mettre l'accent sur le pluralisme, la liberté religieuse, la séparation entre l'Eglise et l'Etat», insiste le président portugais Jorge Sampaio, preuve que la France ­ seul pays où la laïcité est nationalement instituée ­ n'est pas isolée dans ce combat. Au nom d'un supplément d'âme réclamé par les Eglises, «la reconnaissance du fait religieux ne doit discriminer ni les agnostiques, ni les juifs ou les musulmans», estime le porte-parole du président de la Convention. La «diversité des formes de spiritualité» est ce que met en avant l'épiscopat français. Trouver le juste équilibre entre ultra-catholiques et purs laïcs sera la rude tâche du catholique pratiquant Giscard.

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