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• LE MONDE | 07.01.03 | 12h59


Le Fipol ne suffira pas à indemniser les victimes du "Prestige"
Trois pays, l'Espagne, la France et, désormais, le Portugal, devront se partager une somme actuellement plafonnée à 184  millions d'euros par le Fonds international d'indemnisation.

"l'Etat présentera la facture au Fipol." Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie, a annoncé, dimanche 5 janvier, au "Grand Jury-RTL-Le Monde-LCI", son intention de voir le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (Fipol) rembourser l'intégralité des frais occasionnés par l'arrivée des boulettes de pétrole du Prestige sur les côtes françaises. Le même jour, son homologue espagnol, Jaume Matas, affirmait peu ou prou la même chose. Selon M. Matas, le nettoyage des côtes espagnoles, après "la pire catastrophe environnementale qu'ait connue le pays", coûterait 133 millions d'euros. Et, lundi 6 janvier, un troisième pays, le Portugal, était à son tour touché par des boulettes provenant du pétrolier.

JEU DIPLOMATIQUE SERRÉ

Or le Fipol est un fonds limitatif, dont le plafond est actuellement fixé à 184 millions d'euros. "Le naufrage du Prestige est un seul sinistre : l'enveloppe est à se partager", rappelle le porte-parole de cette organisation intergouvernementale. L'Espagne, où 7 000 militaires et volontaires se battent quotidiennement contre des nappes atteignant un mètre d'épaisseur, acceptera-t-elle de céder une partie de ses droits à la France et au Portugal, qui ne font face, pour l'heure, qu'à une pollution minime en comparaison ? "Pour nous, une victime de Gironde a autant de droits qu'une victime de Galice, si son préjudice est constaté", affirme le porte-parole du Fipol. Le partage pourrait bien susciter des disputes si, comme il est probable, les créances totales dépassent le maximum.

Car l'addition grimpe vite, alors que s'engage un combat de longue haleine. Le gouvernement français a promis 50 millions d'euros d'aides d'urgence, notamment aux communes qui assument le nettoyage des plages. Il faudra également compenser le manque à gagner des ostréiculteurs du bassin d'Arcachon, dont les huîtres sont interdites de commercialisation pour une durée indéterminée, premières victimes qui pourraient bien être suivies des professionnels du tourisme, si la pollution venait à troubler la saison estivale. Les pouvoirs publics espèrent encore présenter la créance du plan Polmar : à titre d'indication, elle s'était élevée à 188 millions d'euros pour l'Erika, en 1999. Les collectivités territoriales, qui ont fait venir les huissiers sur leurs côtes afin d'établir un constat de leur état avant l'arrivée de la pollution, comptent envoyer la facture à qui de droit. Philippe de Villiers, président (MPF) du conseil général de Vendée, a annoncé la création d'une brigade de 400"volontaires indemnisés" qui assureront le nettoyage des plages. L'élu souhaite voir payer la note par le Fipol plutôt que par les contribuables.

De l'autre côté des Pyrénées, outre le remboursement des frais de nettoyage, l'Espagne exige l'indemnisation des dizaines de milliers de pêcheurs qui ont subi de plein fouet la marée noire. Les gouvernements autonomes de Galice, des Asturies, de Cantabrie ou du Pays basque devraient également faire valoir leurs dépenses.

PREMIÈRE ESTIMATION

Les 3 et 4 février, le Fipol se réunira à Londres. Seront levés les premiers fonds pour le Prestige auprès des contributeurs, essentiellement constitués des compagnies pétrolières. Une première estimation du sinistre pourrait être faite, et un niveau d'indemnisation provisoire fixé. On reparlera également des limites du Fipol. Après le naufrage de l'Erika, le plafond d'indemnisation a été porté de 184 à 270 millions d'euros. Ce relèvement, lourdeurs administratives obligent, n'interviendra que le 1er novembre 2003 : les victimes du sinistre du Prestige, intervenu le 19 novembre, ne bénéficieront donc pas de cette mesure. L'Europe milite pour une nouvelle hausse du plafond à un milliard d'euros. TotalFinaElf et d'autres compagnies ont déjà annoncé leur accord pour une telle majoration de leur effort. Cette proposition devrait faire l'objet d'une discussion en mai 2003, lors de la conférence diplomatique du Fipol qui regroupera les 74 Etats membres.

Benoît Hopquin

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 08.01.03

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