On s'attendait à ce que Canal+ connaisse une crise sociale avec l'annonce d'un plan de réduction des effectifs. C'est finalement une crise de direction qui éclate. Jean-René Fourtou, PDG de Vivendi Universal, maison mère de la chaîne cryptée, devrait évincer Xavier Couture, qui en assurait la présidence, et le remplacer par Bertrand Méheut, jusqu'à présent chargé de ses finances.

Voilà plusieurs semaines que de fortes tensions opposaient le président de Groupe Canal+, Xavier Couture, et son directeur financier, Bertrand Méheut. Ancien directeur général d'Aventis CropScience, filiale agrochimique (cédée à Bayer en 2001) d'Aventis, groupe précédemment dirigé par Jean-René Fourtou, Bertrand Méheut se sentait en position de force et avait visiblement envie de prendre la place de Xavier Couture. Se sentant bridé par la présence de l'homme de confiance de Jean-René Fourtou, Xavier Couture, lui, revendiquait que son pouvoir ne soit pas placé sous tutelle.

Il semble, pourtant, que Jean-René Fourtou ait hésité à accéder à la demande de son protégé Bertrand Méheut. On en devine la raison : les métiers de l'agrochimie ont peu de points communs avec ceux de la télévision – que connaît bien, lui, Xavier Couture, pour avoir longtemps travaillé à TF1, où Jean-Marie Messier était venu le débaucher au printemps 2002. Pendant de longues semaines, le PDG de Vivendi Universal a donc semblé vouloir jouer l'équilibre à la tête de sa filiale entre Xavier Couture, bon connaisseur de l'audiovisuel, et Bertrand Méheut, gestionnaire énergique.

Pour mettre fin aux tiraillements entre les deux hommes, Jean-René Fourtou avait ainsi décidé en milieu de semaine (Le Monde du 1er février) un nouveau partage des rôles, Bernard Méheut devenant PDG du groupe Canal et Xavier Couture PDG de la chaîne cryptée. Un nouvel incident est pourtant venu bousculer cette décision, et Jean-René Fourtou a finalement décidé, vendredi 31 janvier dans l'après-midi, de se séparer de Xavier Couture, même si son éviction coûtera très cher au groupe, compte tenu de certaines dispositions de son contrat d'embauche signé par Jean-Marie Messier.

C'est donc dans une période de fortes turbulences qu'entre la chaîne cryptée. Disposant de finances en piteux état, assise sur un modèle économique ébranlé, venant d'essuyer un terrible échec dans la compétition pour l'obtention des droits de retransmission du football, la voilà dirigée par une personnalité qui, voilà quatre mois, ignorait tout des métiers de la télévision.

Cette décision ne risque-t-elle donc pas de donner le sentiment que la mission que s'assigne Jean-René Fourtou est de démembrer l'ancien empire de Jean-Marie Messier et de le vendre progressivement par appartements ? En tout cas, le PDG de Vivendi Universal cherche à parer au plus pressé. Devant par ailleurs trouver un successeur à Dominique Farrugia, le directeur de l'antenne de Canal+, il pourrait annoncer prochainement la nomination à ce poste de Guillaume de Vergès, jusque-là directeur général adjoint et directeur des programmes de TF1.

Cette nouvelle et grave crise à la tête de Canal+ risque par ailleurs d'avoir un prolongement inattendu à TF1, dont Claire Chazal pourrait faire les frais. Epouse de Xavier Couture, la présentatrice vedette de la première chaîne n'est plus en grâce depuis plusieurs mois auprès de Patrick Le Lay. En guerre depuis des années contre Canal+, réputé même pour mener contre la chaîne un combat quasi personnel, le PDG de TF1 en a beaucoup voulu à Xavier Couture d'être passé à Canal+.

Et quand, à l'automne, des grandes manœuvres ont discrètement commencé entre les principaux acteurs du paysage audiovisuel parisien en vue d'une possible fusion entre les bouquets TPS (détenu à 66 % par TF1 et à 34 % par M6) et CanalSatellite (contrôlé pour 66 % par Vivendi Universal et pour 34 % par le groupe Lagardère), Patrick Le Lay a fortement pesé pour qu'elles n'aboutissent pas et a, dit-on, gardé une forte rancune à Xavier Couture d'être le principal défenseur de ce projet.

C'est à cette époque que les relations entre Patrick Le Lay et Claire Chazal se sont fortement détériorées et que la direction de TF1 a secrètement pensé à mettre la présentatrice sur la touche. Mais la mesure ne risquait-elle pas d'être interprétée comme une vengeance ? Dans un premier temps, la direction de TF1 n'a pas osé passer trop rapidement à l'acte. Et Claire Chazal a profité de ces tergiversations. Elle s'est ainsi affichée à la "une" de Paris Match (daté 9-15 janvier) aux côtés de Patrick Poivre d'Arvor. Et ce dernier a confié au magazine un long entretien chantant les mérites professionnels de sa consœur. Avec le recul, on en comprend mieux l'objet : il s'agissait vraisemblablement de sa part d'une manière de protéger la présentatrice menacée, en en dressant l'éloge. Mais, maintenant que Xavier Couture a été évincé de Canal+, Patrick Le Lay ne pourra-t-il pas passer à l'acte, puisque le motif de la vengeance ne pourra plus être évoqué ? C'est, dit-on à TF1, un scénario très probable.

Laurent Mauduit

Un nouveau patron à StudioCanal

Richard Lenormand quitte le Groupe Canal+ (Vivendi Universal) et sera remplacé par Frédéric Sichler à la direction générale de StudioCanal, le studio de cinéma européen de Canal+, a annoncé le groupe, vendredi, dans un communiqué. M. Sichler, 50 ans, ancien collaborateur du producteur Daniel Toscan du Plantier, doit prendre ses fonctions le 3 février. Auparavant, il a notamment été PDG de la société de production audiovisuelle et cinématographique Euripide Productions et directeur international de Gaumont.

Pour un dirigeant du cinéma, l'arrivée de M. Sichler à la tête de StudioCanal indique que le Groupe Canal+ a choisi de fermer ou, au mieux, de se séparer de cette activité. Les prétendants ne manquent pas pour racheter le catalogue de films. – (AFP.)