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John Poindexter : une menace vivante pour l'humanité
9 février 2003
par Jacques Bouchard
John M Poindexter, docteur en physique du California Institute of Techchnology (1958), la Mecque des chercheurs en armement, vice-amiral de la Marine des États-Unis, ancien secrétaire à la sécurité nationale de Ronald Reagan est un homme de terrain. Tom Clancy s'est directement inspiré de lui pour créer Jack Ryan, le personnage central de tous ses romans.
Poindexter est le joyeux tordu qui a eu la brillante idée de vendre illégalement des missiles à l'Iran par l'entremise d'Israël, pour faire libérer sept otages étatsuniens détenus par le Hezbollah à Beyrouth, alors que Ronald Reagan avait officiellement refusé de négocier avec les terroristes (Irangate). C'était pendant la guerre Iran-Irak. Les industries étatsuniennes armait Saddam la Terreur tant qu'il pouvait payer. En vendant des missiles à l'Iran, l'opération favorisait la consommation accrue d'armes par les belligérants des deux côtés ; profits et conflits vont si bien ensemble. Et puis, selon Ted Shackley directeur adjoint des Opérations (responsable de la branche clandestine) au moment où George Bush père était directeur de la CIA, en armant à la fois l'Iran et l'Irak, on afaiblissait en même temps les deux pays tout en s'assurant que ni l'un ni l'autre n'ait les moyens d'envisager une action hégémonique au Moyen-Orient
C'est aussi Poindexter qui décida d'armer en secret les terroristes d'extrême-droite du Nicaragua, la Contra, en important la cocaïne à la tonne aux États-Unis par l'entremise de la CIA, pour financer l'opétation. Un jour peut-être, les médias corporatifs tiendront compte du fait que c'est grâce à la CIA, si le crack a envahi les ghettos ethniques pauvres, et rempli les prisons de jeunes chômeurs noirs et latinos. L'opération aura permis de détourner des milliards de dollars destinés aux services sociaux, vers l'industrie de la répression armée,tout en fournissant une caution morale pour procéder à l'élimination physique en Amérique du Sud, des syndicalistes et des défenseurs des droits de l'homme, au nom de la guerre à la drogue. En 1989, Poindexter fut accusé par le gouvernement du Costa-Rica d'avoir été le principal dirigeant du trafic de cocaïne dans ce pays. Il s'est bien gardé d'aller faire face à ces accusation pour blanchir sa réputation.
Quand le scandale de l'Irangate a éclaté en novembre 1986, l'amiral Poindexter et le lieutenant-colonel Oliver North ont été les premiers congédiés. Ensemble, ils géraient « L'Entreprise » décrite par Arthur Lyman président de la commission spéciale du Sénat chargée d'enquêter sur l'affaire, comme : « une opération de politique internationale secrète financée par une organisation privée motivée par le profit et ne rendant de compte à personne ». Poindexter a été trouvé coupable d'avoir été « l'âme dirigeante » d'un complot destiné à tromper le Congrès, de faux témoignages, d'obstruction à la justice et de destruction des documents officiels. Condamné en juin 1990 à six mois de prison, puis amnistié par Pappy Bush devenu Président.
Poindexter a toujours prétendu avoir choisi lui-même de cacher ses manigances aux citoyens, au Congrès et au Président des États-Unis : « J'ai pris délibérément la décision de ne rien dire au Président pour l'isoler au sujet de cette affaire, et pour lui fournir la possibilité de nier l'existence du complot en cas de fuite. » En d'autres mots souligne John Sutherland, le reporter du Guardian (18-2) qui rapportait ces paroles, Pointdexter s'était arrogé le droit de diriger la politique étrangère des États-Unis dans le dos du Président.
Été 1986, alors que Kadhafi était le grand croquemitaine brandi par le Pentagone pour justifier l'escalade des budgets militaires, un mémorandum de Poindexter mettait l'administration Reagan dans l'embaras. On y lisait : « Un des éléments-cléfs de la nouvelle stratégie, est de combiner des éléments vrais et fictifs, à travers une campagne de désinformation ». Un sergent de l'armée de la US Air Force venait d'être tué lors d'un attentat à la bombe dans une discothèque de Berlin. Vernon Walters l'ambassadeur des États-Unis à l'ONU avait alors prétendu que la CIA possédait des « preuves directes précises et irréfutables » de la culpabilité libyenne. Dans un geste « d'autodéfense », une trentaine d'avions étatsuniens bombardèrent des « objectifs militaires » libyens dans la nuit du 14 au 15 avril, faisant des dizaines de victimes civiles, dont la fille de Kadhafi. L'opération visait a éliminer Kadhafi « par erreur », pour contourner une loi interdisant toute tentative d'élimination d'un chef d'État étranger.(Le Monde Diplomatique mai 1987) Loi abolie suite aux attentats du 9/11. Le 25 août 1998, la télévision publique allemande diffusait un documentaire démontrant que les principaux suspects de l'attentat de la discothèque de Berlin travaillaient pour la CIA et le Mossad. (http://wsws.org/news/1998/aug1998/bomb1-a27.shtml)
Dans sa biographie officielle disponible sur le site du DARPA, on peut lire que lorsque l'amiral Poindexter était conseiller à la sécurité nationale de Reagan : « Il a été directement impliqué dans l'application des politiques de [...] liberté, de démocratie autour du monde, de défense des droits de l'homme et de contrôle de l'armement. [ il a ] supporté la résistance démocratique au Nicaragua et tenté d'entreprendre la rationalisation des relations entre les États-Unis et l'Iran, un pays stratégiquement important ». (http///www.darpa.mil/iao/PoindexterBio.pdf)
Allez hop ! Les terroristes d'extrême droite de la Contra deviennent des combattants de la démocratie, le trafic d'armes une entreprise de rationalisation, et tonton Poindexter un défenseur de la liberté et des droits de l'homme. En avril dernier, à l'occasion du gala annuel de remise des prix Big Brother déshonorant les individus, les compagnies et les gouvernements s'étant particulièrement illustrés en piétinant le droit à la vie privée et les libertés individuelles et collectives, Privacy International décernait à l'amiral John M Poindexter le Lifetime Menace Award pour l'ensemble de son œuvre. Un prix bien mérité.