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• LE MONDE | 15.02.03 | 13h12


Extraits du discours de Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères français
"Nous venons d'entendre que les inspections donnent des résultats"
Voici les principaux extraits de l'intervention prononcée par le ministre des affaires étrangères français Dominique de Villepin devant le Conseil de sécurité des Nations unies, vendredi 14 février.

 

Vous savez le prix que la France attache, depuis l'origine de la crise irakienne, à l'unité du Conseil de sécurité. Cette unité repose aujourd'hui sur deux éléments essentiels : Nous poursuivons ensemble l'objectif d'un désarmement effectif de l'Irak. Nous avons en ce domaine une obligation de résultat. (...) Nous assumons collectivement cette lourde responsabilité qui ne doit laisser place ni aux arrière-pensées ni aux procès d'intention. Soyons clairs : aucun d'entre nous n'éprouve la moindre complaisance à l'égard de Saddam Hussein et du régime irakien.

En adoptant à l'unanimité la résolution 1441, nous avons collectivement marqué notre accord avec la démarche en deux temps proposée par la France : le choix du désarmement par la voie d'inspections et, en cas d'échec de cette stratégie, l'examen par le Conseil de Sécurité de toutes les options, y compris celle du recours à la force. (...) Considérons-nous en conscience que le désarmement par les missions d'inspection est désormais une voie sans issue ? Ou bien, estimons-nous que les possibilités en matière d'inspection. (...) n'ont pas encore été toutes explorées ? En réponse à cette question, la France a deux convictions : la première, c'est que l'option des inspections n'a pas été conduite jusqu'à son terme (...) ; la deuxième, c'est qu'un usage de la force serait si lourd de conséquences (...) qu'il ne saurait être envisagé qu'en dernière extrémité.

Or, que venons-nous d'entendre, à travers le rapport de MM. Blix et ElBaradei ? Nous venons d'entendre que les inspections donnent des résultats. Bien sûr, chacun d'entre nous veut davantage et nous continuerons ensemble à faire pression sur Bagdad pour obtenir plus. (...)

J'ai fait des propositions le 5 février devant le Conseil. (...) Il s'agit de propositions pratiques et concrètes (...) qui sont destinées à renforcer l'efficacité des opérations d'inspection. Elles (...) ne nécessitent (...) aucune nouvelle résolution du Conseil. (...) La France a déjà annoncé qu'elle tenait des moyens supplémentaires à la disposition de MM. Blix et ElBaradei, à commencer par ses appareils de surveillance aérienne Mirage IV.

Alors oui, j'entends bien les critiques : il y a ceux qui pensent que dans leur principe, les inspections ne peuvent avoir aucune efficacité. Mais je rappelle que c'est le fondement même de la résolution 1441 et que les inspections donnent des résultats. (...) Il y a ceux qui croient que la poursuite du processus d'inspection serait une sorte de "manœuvre de retardement" visant à empêcher une intervention militaire. Cela pose naturellement la question du temps imparti à l'Irak. (...)

Ayons le courage de mettre les choses à plat. Il y a deux options : l'option de la guerre peut apparaître a priori la plus rapide. Mais n'oublions pas qu'après avoir gagné la guerre il faut construire la paix. (...) Cela sera long et difficile, car il faudra préserver l'unité de l'Irak, rétablir de manière durable la stabilité dans un pays et une région durement affectés par l'intrusion de la force. (...) Il y a l'alternative offerte par les inspections, qui permet d'avancer de jour en jour dans la voie d'un désarmement efficace et pacifique de l'Irak. (...) Ce choix-là n'est-il pas le plus sûr et le plus rapide ? (...) La guerre est toujours la sanction d'un échec. (...)

Donnons par conséquent aux inspecteurs (...) le temps nécessaire à la réussite de leur mission. Mais (...) demandons à MM. Blix et ElBaradei de faire régulièrement rapport au Conseil. La France, pour sa part, propose un nouveau rendez-vous le 14 mars au niveau ministériel, pour évaluer la situation. (...) Un recours prématuré à l'option militaire serait lourd de conséquences, (...) et remettrait en cause cette unité -de la communauté internationale-, ce qui lui enlèverait sa légitimité et, dans la durée, son efficacité. Une telle intervention pourrait avoir des conséquences incalculables pour la stabilité de cette région meurtrie et fragile. Elle renforcerait le sentiment d'injustice, aggraverait les tensions et risquerait d'ouvrir la voie à d'autres conflits.

Nous partageons tous une même priorité, celle de combattre sans merci le terrorisme. Ce combat exige une détermination totale. C'est (...) l'une de nos responsabilités premières (...) Et la France, qui a été durement touchée à plusieurs reprises par ce terrible fléau, est entièrement mobilisée dans cette lutte (...) que nous devons mener ensemble. (...) Il y a dix jours, le secrétaire d'Etat américain, M. Powell, a évoqué des liens supposés entre Al-Qaida et le régime de Bagdad. En l'état actuel de nos recherches et informations menées en liaison avec nos alliés, rien ne nous permet d'établir de tels liens. En revanche, nous devons prendre la mesure de l'impact qu'aurait sur ce plan une action militaire contestée actuellement. (...) Ne risquerait-elle pas d'aggraver les fractures entre les sociétés, entre les cultures, entre les peuples, fractures dont se nourrit le terrorisme ?

La France l'a toujours dit : nous n'excluons pas la possibilité qu'un jour il faille recourir à la force, si les rapports des inspecteurs concluaient à l'impossibilité pour les inspections de se poursuivre. Le Conseil devrait alors se prononcer et ses membres auraient à prendre toutes leurs responsabilités. (...) En tout état de cause, dans une telle éventualité, c'est bien l'unité de la communauté internationale qui serait la garantie de son efficacité. De même, ce sont bien les Nations unies qui resteront demain, quoi qu'il arrive, au cœur de la paix à construire. (...)

Et c'est un vieux pays, la France, un continent comme le mien, l'Europe, qui vous le dit aujourd'hui, qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie. Un vieux pays qui n'oublie pas et qui sait tout ce qu'il doit aux combattants de la liberté venus d'Amérique et d'ailleurs. Et qui pourtant n'a cessé de se tenir debout face à l'histoire et devant les hommes. Il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Fidèle à ses valeurs, il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur."

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Françoise Cartano.

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.02.03

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