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• LE MONDE | 06.03.03 | 13h29


La Corse traitée sans complaisance
Le quotidien a rendu compte régulièrement des exactions nationalistes.

Le monde protégerait les nationalistes corses, au dire de Pierre Péan et de Philippe Cohen. Ils appuient notamment leur démonstration sur trois exemples.

"Les "scoops" du Monde ont pu être utilement mis à profit par des criminels pour se soustraire à la traque des enquêteurs".

Le journal est ainsi accusé d'avoir facilité la fuite d'Yvan Colonna. Les auteurs citent Didier Cultiaux, alors directeur général de la police nationale : "S'il nous a échappé, c'est à cause d'un article paru dans Le Monde". La lecture du journal, au lendemain de l'interpellation de ses complices, vendredi 21 mai 1999, aurait précipité sa cavale.

Il est vrai que, dès le samedi après-midi, son nom était cité dans Le Monde comme un proche des personnes déjà arrêtées. Mais Yvan Colonna savait que ses complices étaient en garde à vue. Il se savait aussi surveillé : en février 1999, il avait découvert deux balises posées par les enquêteurs sous sa voiture.

Cette accusation cache une réalité moins avouable. Alors que, dès 0 h 15 le samedi 22 mai 1999, la femme d'un des membres du commando désignait Yvan Colonna comme un acteur important de l'assassinat, les policiers n'ont cherché à l'arrêter que dimanche matin, deux heures après sa fuite. Le samedi soir, Yvan Colonna avait eu le temps d'accorder un entretien à TF1 puis de dîner avec l'équipe de télévision. Ce qui fera dire à Raymond Forni, le président de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, que "la lecture de l'article du Monde paru samedi laisse dubitatif sur l'influence que sa parution a pu avoir sur la fuite d'Yvan Colonna". Le député soulignera, en revanche, les "multiples dysfonctionnements", "fortes rivalités" et "lacunes graves" apparus au cours de l'opération policière.

Le livre dénonce aussi un article publié le 2 octobre 2002. Le Monde y citait le nom de deux personnes suspectées par la police de l'assassinat de François Santoni. Les auteurs citent cette fois le juge Gilbert Thiel pour dénoncer le "sabotage" de l'enquête. La vérité est plus simple : depuis l'été, la Corse bruissait des noms de ces deux ex-militants nationalistes : le premier était mort entre-temps d'un infarctus ; le second avait échappé aux policiers en juillet. Avant la publication de l'article, la journaliste a évidemment contacté tous les responsables de l'enquête, qui ont donné acte du fait que leur deuxième suspect était effectivement en cavale.

Le Monde ne rend pas compte des attentats en Corse.

Entre janvier et juillet 2000, les auteurs ont relevé 32 attentats sur l'île que nous aurions passés sous silence pour mieux "faire la promotion de la trêve armée" des clandestins. Le nombre d'attentats a oscillé, entre 1995 et 1999, entre 198 et 602 par an. Quel journal national peut, au jour le jour, rendre compte de tous ces actes ? Aujourd'hui comme hier, Le Monde ne s'attarde que sur ceux qui lui semblent significatifs. Il évoque ainsi "une série d'attentats racistes" (Le Monde du 20 janvier) ou signale que "le gouvernement s'inquiète de la surenchère d'attentats depuis la création d'un deuxième FLNC" (Le Monde du 28 novembre 2002).

Le Monde fait "habilement la promotion" de Charles Pieri, l'un des principaux responsables nationalistes.

L'affirmation est absurde. Encore récemment, Charles Pieri a été cité dans notre enquête sur les "subventions qui secouent les secteurs du BTP" (Le Monde du 9 janvier), sur ses "supposées dérives affairistes" (Le Monde du 6 février). Enfin, le titre du premier article consacré au procès intenté à son fils pour assassinat (Le Monde du 16 décembre 2002) est explicite : "Au palais de justice de Bastia, le procès du "système de terreur" imposé par Charles Pieri".

Ariane Chemin et Nathaniel Herzberg

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 07.03.03

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