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Le
logo du moteur de recherche Google (Photo
Google) |
Aux Etats-Unis on utilise le moteur de recherche sur
internet Google pour se renseigner les uns sur les
autres au point que cela a donné naissance à un nouveau
verbe: googler.
Parmi les 150 millions de questions auxquelles le
plus puissant logiciel de recherche actuel répond chaque
jour, nombreuses sont celles qui émanent de particuliers
cherchant à se renseigner sur d'autres particuliers, à
des fins tout ce qu'il y a de privées.
"Quand je cherchais un co-locataire pour mon appart,
j'ai googlé tous les candidats", avoue Isabelle, jeune
journaliste française vivant à Manhattan, qui préfère ne
dévoiler que son prénom.
"Le gars qui te dit: je bosse pour telle boite. Boum,
tu le googles, pour t'assurer que c'est vrai. Du coup tu
peux vérifier quel est exactement son titre, s'il n'a
pas enjolivé".
L'internet a pénétré tous les secteurs de la société
américaine au point que des renseignements
biographiques, des travaux, des articles, parfois des
messages électroniques autrefois difficiles ou
impossible à trouver sont en accès libre, à quelques
clics de souris.
"Le candidat que j'ai choisi, Ali, je l'avais bien
sûr googlé: j'avais trouvé qu'il avait eu un PV pour
excès de vitesse dans le Connecticut", s'amuse Isabelle.
"Je l'ai fait marcher quand il est arrivé. C'est
parce qu'il avait fait un petit papier là-dessus dans
son canard étudiant. Je ne pense pas que maintenant
qu'il est avocat dans une grande firme du bas de la
ville, cela l'arrange que quand tu tapes son nom tu
tombes sur son histoire de PV dans le Connecticut!"
La mise en ligne de toujours plus de documents, par
tous les acteurs de la vie sociale américaine dont la
justice dans certains Etats, conjuguée à l'efficacité de
Google fait qu'il est de plus en plus facile de
connaître le CV, la carrière, les goûts, les hobbys ou
les condamnations d'un parfait inconnu.
"Au début seules les personnes célèbres
apparaissaient sur Google", explique David Holtzman,
rédacteur en chef de GlobalPOV, un site internet
consacré aux questions de vie privée. "Maintenant,
quiconque utilise un ordinateur apparaîtra quelque part
dans Google".
"Les implications sont immenses: il faut maintenant
supposer qu'à partir du moment où quelque chose a pris
forme électronique, c'est à jamais. Et la nature du web
fait que cela ne peut être règlementé".
La presse américaine se fait régulièrement l'écho des
mésaventures de certains candidats à des emplois qui
comprennent vite que leur condamnation mineure des
années auparavant leur cause un tort considérable, et
pour longtemps.
D'autres regretteront longtemps d'avoir mis en ligne,
pensant que cela amuserait leurs amis, des photos
compromettantes, des professions de foi arnarchistes,
des nouvelles érotiques ou des blagues de potaches.
Jonathan Zittrain, co-directeur du Centre pour
l'Internet et la Société de Harvard, fait remonter à
deux ou trois ans la naissance du verbe "googler".
"Désormais", explique-t-il, "vous devez supposer que
votre employeur, vos amis sont en mesure d'apprendre sur
vous des choses que vous pensiez pouvoir garder privées
(...) Les gens peuvent moins choisir comment se
présenter aux autres, car les autres peuvent collecter
bien des choses grâce au phénomène que constitue la
migration vers l'internet public de tellement
d'informations que Google saura trier".
Sophie, 32 ans, qui elle aussi préfère ne dévoiler
que son prénom, assure "googler" tous les noms de ses
amoureux potentiels, rencontrés grâce à des sites de
rencontres, avant un rendez-vous.
"Tout le monde le fait. L'autre jour, dans une
soirée, nous parlions de comment faire pour rencontrer
des garçons bien... Une amie m'a dit: +Je regarde
toujours sur Google+. Autour de la table, tout le monde
a dit: +Oui, c'est évident+".
"Quand dans un dîner un gars a l'air pas mal, plutôt
que de lui poser trop de questions, je me renseigne
discrètement en ligne. Si c'est un fan de baseball ou un
républicain, je ne vais pas plus loin".