• LE MONDE | 06.03.03 |
13h29 Les relations avec Vivendi et Jean-Marie Messier Dans leur ouvrage , Pierre Péan et Philippe Cohen consacrent un chapitre entier aux relations entre Le Monde et le groupe Vivendi Universal. Une même thèse sert de fil conducteur à ces pages : les articles des journalistes du service Entreprises auraient eu pour principal souci non pas d'informer honnêtement leurs lecteurs, mais d'encenser ou de critiquer Jean-Marie Messier au gré des négociations engagées entre les deux entreprises, lors du projet (qui a avorté) d'achat de L'Express ou celui (qui a abouti) d'achat de Courrier international. Les deux auteurs notent ainsi qu'au printemps 2000 les relations entre Jean-Marie Messier et Jean-Marie Colombani sont bonnes. Ils ajoutent (page 410) : "Parallèlement, les articles publiés par Le Monde sur Vivendi et son président se font plus équilibrés, voire bienveillants. Exemple : le grand portrait de "Jean "Magic" Messier", brossé le 28 juin 2000". Pour les besoins de leur démonstration, Pierre Péan et Philippe Cohen occultent cependant de nombreux articles publiés par Le Monde qui sont loin d'être louangeurs. Alors que bien des médias sont toujours très favorables au patron de Vivendi, estimant que sa stratégie industrielle est pertinente, les articles du Monde sont distanciés. "Jean-Marie Messier fonctionne à la séduction. Il est comme un caméléon. D'emblée, il sait tenir le langage que ses interlocuteurs ont envie d'entendre. Mais derrière ses apparences ouvertes, c'est un homme dur, méfiant", peut-on ainsi lire dans le portrait du 28 juin 2000 que les auteurs du livre citent comme un modèle d'article de complaisance, mais dont ils se gardent de donner des extraits. Toujours pour que les faits se plient à leur thèse, ils se gardent de mentionner que Le Monde, deux semaines plus tôt, le 16 juin 2000, avait publié un article sur Vivendi Environnement qui avait provoqué beaucoup de remous, puisqu'il révélait que la filiale souhaitait s'introduire en Bourse mais qu'elle avait hérité des dettes de long terme du groupe. Le livre omet aussi, entre autres, de noter que le 12 décembre 2000 Le Monde est parmi les premiers à souligner, dans une analyse signée de Martine Orange, que - c'est le titre de l'article - "La création d'un géant du multimédia repose sur plusieurs paris risqués", notamment technologiques. LES LECTEURS, PREMIERS INFORMÉS Traitant ensuite du début de l'année 2002, les auteurs prétendent que les relations entre les dirigeants de Vivendi Universal et ceux du Monde se sont distendues. Et ils suggèrent à de nombreuses reprises que nous avons publié de fausses informations à cette époque pour en faire payer le prix à Jean-Marie Messier. Ils évoquent ainsi plusieurs fois, comme un exemple de manipulation, l'article publié par Le Monde le 15 mai 2002 révélant que Vivendi Universal était, à la fin de l'année précédente, dans un état "proche de la cessation de paiement". Pour eux, c'est une contre-vérité notoire. Ils en veulent pour preuve une étude réalisée par Sogex Cube "concluant à la fausseté de l'affirmation du Monde" (page 433). Ils ironisent sur "la formule de "quasi-cessation de paiement" -spectaculaire mais erronée" (page 435). Comme si Le Monde avait abusé ses lecteurs dans un souci obscur de vengeance. Pourtant, dès le 3 mai, l'agence Moody's annonçait que le groupe n'avait plus de trésorerie significative, une fois payé le dividende. Selon Citigroup, Vivendi était en situation de dépôt de bilan dès le mois d'avril. Désigné par les administrateurs, la banque Goldman Sachs estime en juin que le groupe est menacé de faillite dans les trois mois. Successeur de Jean-Marie Messier, Jean-René Fourtou annonce, lui, "une grave crise de trésorerie" dans le groupe. Mais, sur tout cela, les lecteurs du livre ne sont pas renseignés, contrairement à ceux du Monde. Nous avons travaillé en toute indépendance dans le souci que nos lecteurs soient les premiers informés. Tout au long de cette enquête, nous n'avons subi à aucun moment la moindre pression, la moindre incitation, la moindre réflexion de la direction du journal pour nous inciter à enjoliver ou à l'inverse durcir les articles consacrés à Vivendi Universal, à freiner ou orienter nos recherches. A aucun moment nous n'avons été informés de contrats publicitaires ou de mesures de rétorsion. Ni Pierre Péan ni Philippe Cohen n'ont pris contact avec nous pour nous interroger. Laurent Mauduit et Martine Orange |
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