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• LE MONDE | 15.03.03 | 14h23


"Le Monde" s'est trompé dans son enquête sur les comptes d'EDF
Les résultats de l'entreprise publique seront connus le 26 mars. Ils ne sont pas contestés par les commissaires aux comptes

"nos investissements à l'étranger, nos résultats financiers ou notre statut d'entreprise publique peuvent être l'objet d'interrogations et de débats : nous ne les craignons pas", affirmait François Roussely, le président d'EDF, dans Le Mondedaté 25 février. Dans notre désir à vouloir être les premiers à ouvrir le débat sur l'entreprise publique, sur sa stratégie d'investissements à l'étranger, sur ses résultats financiers, nous avons voulu, sans attendre la publication des comptes annuels, le 26 mars, être les premiers à savoir où en était le débat en interne.

La période d'arrêté des comptes annuels de l'année écoulée est toujours un moment crucial pour les entreprises. C'est l'heure de vérité, celle qui dit si la réussite a été au rendez-vous et si l'avenir s'annonce bon au mauvais. Les financiers de la maison s'activent pour mettre en forme le compte d'exploitation, qui reflète l'activité de l'entreprise, et son bilan, photographie de son patrimoine. La présentation des résultats est un message essentiel, destiné aux actionnaires, aux clients, aux salariés, aux fournisseurs. Les grands groupes privés font cela sous le regard de la Bourse. Les grandes entreprises publiques sont, elles, sous la pression du pouvoir politique, des syndicats, des citoyens et de la presse en démocratie.

C'est dans ce contexte que nous avons appris, "de sources proches du dossier", selon la formule consacrée, que les discussions étaient âpres entre les comptables de la direction financière de l'entreprise et les commissaires aux comptes chargés de certifier les comptes. En journalistes, nous avons cherché à savoir, par des sources "non autorisées", ce qu'il en était vraiment. Les gens qui nous ont informés de ce qui se passait en interne ont-ils eux-mêmes surestimé la tension existant au sein de la direction financière ? Ou bien, comme le soutiennent certains dans l'entourage de M. Roussely, ont-ils délibérément dramatisé le tableau pour obtenir un effet plus saisissant, voire pour manipuler Le Monde à des fins non avouables ?

Toujours est-il que, dans les explications et le récit d'événements survenus au sein de l'entreprise, qui nous ont été relatés par nos interlocuteurs, il apparaissait que les commissaires aux comptes avaient rejeté certaines propositions initiales faites par EDF pour présenter des comptes bénéficiaires. Et de nous montrer, à l'appui de leurs dires, un document interne intermédiaire faisant état de premiers chiffres de résultats déficitaires d'EDF et de plusieurs de ses filiales étrangères.

PROCÉDURE PRÉCISE

Contactés, jeudi 13 mars, dans la matinée, les principaux intéressés – à savoir EDF et les deux cabinets d'audit cités, Ernst & Young et Deloitte & Touche – se sont, soit retranchés derrière un "no comment" de principe, pour les auditeurs, soumis au secret professionnel vis-à-vis de leurs clients ; soit, pour le directeur financier d'EDF, ont opposé à nos informations le démenti le plus radical, que nous avons retranscrit comme tel dans une fenêtre intitulée "Äffabulation complète", selon la direction".

Devions-nous dès lors titrer, comme nous l'avons fait, que "les résultats d'EDF sont contestés par ses commissaires aux comptes" ? Ou que, ainsi qu'il est écrit dans le corps du texte, "deux des trois cabinets d'audit ont refusé d'entériner la première mouture des résultats annuels" ? Ou encore, plus loin, qu'Ernst & Young avait "refusé d'approuver les comptes" ? Ou bien, ainsi qu'il est affirmé dans le résumé publié à la "une" du journal : "les commissaires aux comptes d'EDF refuseraient de certifier les comptes 2002" ? Devions-nous, alors qu'il nous l'avait formellement démentie, relater la rumeur selon laquelle M. Camus "aurait écrit à M. Roussely pour lui signifier qu'il ne cautionnait pas les comptes élaborés par son prédécesseur" ?

A l'évidence, non.

L'arrêté des comptes est une procédure précise qui répond à des règles strictes et qui n'était pas au stade d'avancement que laissait entendre notre article. Dans les heures qui ont suivi la publication, tant EDF que les deux cabinets cités ont publié des communiqués – Le Monde en a publié la teneur dans son édition du 15 mars – affirmant qu'il n'y avait rien d'anormal dans la façon dont l'élaboration des comptes d'EDF était menée, et que la procédure suivrait son cours jusqu'à son terme.

"Les conclusions de l'audit en cours du collège des commissaires aux comptes seront présentées, conformément au calendrier établi, au comité d'audit puis au conseil d'administration du 26 mars", ont souligné les deux cabinets concernés. Les comptes "seront arrêtés le 26 mars par le conseil d'administration, après avis du comité d'audit du conseil d'administration dans lequel siègent les représentants de l'Etat, et certification par les commissaires aux comptes", a pour sa part précisé EDF. Dont acte.

Pascal Galinier et Martine Orange

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.03.03

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