THÈMES
ASSOCIÉS
DANS CETTE
RUBRIQUE
- Le médiateur peine à se voiler la " face
cachée "
- « La face cachée du Monde » (4) : trois livres en
un ?
- « La face cachée du Monde » (3) : la contre-attaque préventive de
Spinoza
- « La face cachée du Monde » (2) : préparatifs de guerre avant
parution
- « La face cachée du Monde » (1) : ce n'est qu'un début
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Le Monde censure son
médiateur
Mise en ligne : jeudi 6 mars 2003, par Patrick Lemaire En censurant le médiateur du Monde, la direction du journal se tire une balle dans le
pied. La rubrique résiduelle du médiateur du Monde n'est jamais apparue comme un inexpugnable foyer de résistance à la tragique évolution du quotidien du soir [1]. Malgré les remous provoqués par le livre-enquête de P. Péan et Ph. Cohen La Face cachée du Monde (ed. Mille et une nuits), la chronique du médiateur qui a suivi la parution de l'ouvrage, du moins ce qu'il en est paru dans le quotidien (en date des 2-3 mars), ne semblait guère démentir l'incroyable indulgence qui domine d'ordinaire ses écrits (voir notre article Le médiateur peine à se voiler la "face cachée"). La contre-attaque en rangs serrés de l'entreprise semblait suivre son cours, jusqu'à ce matin du mercredi 5 mars. Pascale Clark recevait dans " Tam tam " sur France Inter les deux auteurs de La Face cachée..., et... Daniel Schneidermann, éminent chroniqueur en chef du Monde Télévision et arbitre des convenances audiovisuelles dans "Arrêt sur images" le dimanche sur France 5. C'est la première fois qu'un journaliste du Monde acceptait de s'exprimer publiquement sur " l'affaire ", de surcroît dans un débat contradictoire avec Péan et Cohen. Après avoir pilonné les auteurs (en s'en tenant à quelques pages d'un livre qui en comporte plus de 600), Daniel Schneidermann, dans le dernier quart d'heure de l'émission, lâchait le " scoop " : la chronique du médiateur a été censurée. " Quelque chose de sans précédent s'est passé
dans le journal, la chronique du médiateur Robert Solé a été censurée, a
été amputée de quelques lignes. Robert Solé demandait à la fin de son
papier de samedi matin [daté dimanche-lundi, ndlr] des
explications à la direction du Monde, qui va bien devoir
un jour s'expliquer. Ce qui est très grave car le médiateur est au cœur de
la relation de confiance entre le journal et son lectorat. Le médiateur,
il est indépendant de la rédaction, il est là pour prendre position sur
les grandes questions qui concernent la rédaction. Son rôle, son statut,
son pouvoir, sont écrits dans la charte du journal, c'est-à-dire que c'est
un engagement que nous prenons par rapport à nos lecteurs, et il est
clairement précisé qu'en aucun cas son article ne peut être coupé sans son
accord. Or, il s'avère, qu'apparemment, dans la fièvre du bouclage, on a
essayé de le joindre, on n'y est pas arrivé et on a coupé quelques lignes
de son papier. " Une phrase de ladite chronique du médiateur n'en prend que davantage de relief. Robert Solé écrit : " J'en profite pour rappeler que le médiateur est extérieur à la rédaction, qu'il jouit d'une entière liberté et n'a jamais eu à se plaindre d'une quelconque censure ". Il était en effet utile de le préciser. Une dernière fois. On n'ose penser que Daniel Schneidermann a rendu publique cette information décisive sans l'accord de la victime... Depuis qu'il fut investi de l'auguste magistère, Robert Solé, malgré quelques remarques frondeuses le plus souvent entre les lignes, pouvait sembler emboîter le pas de son prédecesseur Thomas Férenczi, passé maître dans l'autopromotion du journal et la justification de dérapages pourtant flagrants pour le commun des lecteurs. Mais l'eau tiède peut encore échauffer les esprits, pour peu que le climat s'y prête. L'actuelle direction du Monde a sans doute estimé que - après l'incartade du même Daniel Schneidermann, la veille (voir sa chronique " Contre soi-même " et sur ce site Daniel Schneidermann "contre soi-même") - une dissonance trop manifeste du médiateur finirait de ruiner l'harmonieuse litanie des protestations indignées et creuses égrenée depuis le 26 février. C'est ainsi que - mouvement de panique ? Vaniteuse velléité d'affirmer une autorité deliquescente ? - un médiateur à l'indulgence stylée se trouverait presque érigé en " martyr " du navire à la dérive. Au-delà de la curiosité amusée, l'épisode paraît comme un "dégât collatéral" [3] d'une défense absurde qui alimente ce qu'elle prétend combattre. Cette censure grossière ne manquera pas d'alimenter la thèse de Péan et Cohen quant au management autocratique de la direction du journal. Le masque commencerait-il à tomber pour la face cachée ?
L'instauration de la fonction de médiateur au Monde ayant en son temps été présentée universellement comme un progrès décisif pour la déontologie journalistique, et un modèle pour l'ensemble de la presse, il nous faudra bien revenir sur ce que signifie l'épisode ici relaté... Lire notre rubrique " La face cachée du Monde ", ainsi que "Révélations d'un autre Monde". Sur Le Monde, notre rubrique Le Monde, un "quotidien de référence" , et les articles consultables à partir du "thème associé" Le Monde (ci-contre, colonne de gauche). [1] Voir les articles consultables à partir du "thème associé" médiateur (ci-contre, colonne de gauche) (Note d'Acrimed). [2] Retranscrit par le site du Nouvel Observateur. [3] Comme l'écrirait la novlangue journalistique du Monde.
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