• LE MONDE | 08.03.03 |
15h27 Le Pentagone veut expérimenter et produire des mini-bombes nucléaires Les Etats-Unis ont prévu de consacrer 21 millions de dollars (autant d'euros), dans leur budget 2003-2004, à concevoir une nouvelle génération d'armes nucléaires suffisamment miniaturisées pour pénétrer à l'intérieur de bunkers enterrés qui abriteraient des postes de commandement ou des matériels sensibles. Everet Beckner, directeur adjoint de l'administration fédérale pour la sécurité nucléaire, en a informé le Congrès, le jour même où le Sénat ratifiait, à l'unanimité, le traité de désarmement, signé en mai 2002, qui réduit quasiment des deux tiers les arsenaux stratégiques (missiles nucléaires à longue portée) des Etats-Unis et de la Russie. Le projet de Washington consiste à développer et à expérimenter la "géométrie" de cette future arme ("robust nuclear earth penetrator") pour qu'elle perce des couches de pierre, de rochers et de béton avant d'exploser à l'intérieur de l'objectif. De telles munitions nucléaires sont autrement appelées "mini-nukes" et elles se différencient des actuelles bombes B83 ou B61 en ce sens que ces dernières dégagent une énergie relativement puissante. La nouvelle "mini-nuke" pourrait délivrer une énergie inférieure à 1 kilotonne – dans la gamme dite des hectotonnes – quand la bombe d'Hiroshima était de 18 kilotonnes. Une première réunion technique a déjà eu lieu, le 10 janvier, au Pentagone et il est prévu qu'un séminaire secret, entre militaires et savants, débattra du sujet en août à Omaha (Nebraska), au siège même du commandement stratégique américain. La mise au point de cette nouvelle génération d'armes nucléaires requiert, sans doute, qu'elle soit testée en vraie grandeur. Certes, depuis 1992, les Etats-Unis se sont imposés un moratoire sur ces expérimentations. Mais, à ce jour, le Congrés a toujours refusé de ratifier officiellement le traité international qui interdit les essais nucléaires dans le monde. Il existe des moyens de réaliser des explosions nucléaires sinon tout à fait clandestines, du moins "furtives", c'est-à-dire difficiles à détecter, quand on est une puissance avancée sur le plan technologique. Ainsi, en dessous d'une à deux kilotonnes, selon des experts en géologie, on estime que des expériences peuvent être menées en violation avec le traité international. Il suffit de les pratiquer dans des milieux du sous-sol, comme du granit, des alluvions ou des dépôts salins, qui en atténueraient les effets. Dans ces conditions, les méthodes actuellement connues ne seraient pas suffisamment fiables pour détecter de tels essais. Le cas des Etats-Unis a ceci de paradoxal, en la circonstance, que, par ailleurs, l'administration de George Bush entend lutter, y compris par la menace de l'emploi de la force, contre des pays qu'elle accuse de contribuer à la prolifération nucléaire mondiale. Jacques Isnard |
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