EXCLUSIF La
dernière chronique de Daniel Schneidermann dans Le Monde-Radio-Télé est
une charge très dure contre la direction du journal. Et pourtant, c'est une
version atténuée qui a été publiée, modifiée après discussion entre l'auteur et
la direction. Nous publions les deux versions.
Un dessin de Plantu, du Monde, sur son propre
site internet www.plantu.net
ne semaine après une première chronique
circonspecte sur la position de sa direction à qui il demandait de s'expliquer,
Daniel Schneidemann, chroniqueur télévision au Monde et animateur de
l'émission "Arrêt sur images" sur France-5, qui apparaît de plus en plus comme
une sorte de hérault de l'opposition interne au journal, poursuit, sous le titre
"Parole contre parole", dans le supplément radio-télévision du Monde daté
samedi 7 mars en ces
termes: "Il est à craindre qu'à l'impression initiale de sidération et
de dérobade vienne s'ajouter une certaine confusion. Et d'autant plus que, d'un
média à l'autre, les explications fournies par la direction du journal ne sont
pas toujours parfaitement cohérentes." "Evidemment, nous avons ici davantage
envie de croire nos dirigeants plutôt que le duo (Péhan et Cohen ndlr) de
producteurs en série d'erreurs, de dates et de prénoms", ajoute Daniel
Schneidermann. "Mais le réflexe -et le devoir- d'un journaliste est de ne croire
personne, pas même son chef (…) C'est justement quand on est 'parole contre
parole' que commence l'investigation, contradictoire, fouillée et indépendante,
qui devra bien un jour ou l'autre, sur ce sujet précisément, trouver sa place
ici ou ailleurs." La charge est sévère, mais ce n'est rien quand on connaît
le texte
initial de la chronique (voir aussi le fac-similé de l'article de Daniel
Schneidermann en cliquant
ici). En effet, l'article a été modifié à la demande de la rédaction en
chef. Après négociation, un bon tiers du texte consacré aux rapports d’Edwy
Plenel et de Bernard Deleplace, ancien président de la Fasp, a en effet été
remplacé par un développement consacré aux répliques récemment formulées par les
patrons du Monde. Le Journal Perm@nent a pu se procurer la
première version "interdite" de la chronique. A vous de comparer.
Le
médiateur coupé
Par ailleurs, Daniel Schneidermann, qui était
mercredi 5 mars l'invité de l'émission "Tam-Tam", présentée par Pascale Clark
sur France-Inter, avait accusé la direction du journal d'avoir censuré la
chronique du médiateur, Robert Solé, parue dans le numéro du journal daté
dimanche 2-lundi 3 mars (cliquez
ici pour accéder à l'article de Robert Solé).
Verbatim
:
Daniel Schneidermann : "Quelque chose de sans précédent s'est
passé dans le journal, la chronique du médiateur Robert Solé a été censurée, a
été amputée de quelques lignes. Robert Solé demandait à la fin de son papier de
samedi matin [daté dimanche-lundi, ndlr] des explications à la direction du
Monde, qui va bien devoir un jour s'expliquer. Ce qui est très grave car
le médiateur est au cœur de la relation de confiance entre le journal et son
lectorat. Le médiateur il est indépendant de la rédaction, il est là pour
prendre position sur les grandes questions qui concernent la rédaction. Son
rôle, son statut, son pouvoir, sont écrits dans la charte du journal,
c'est-à-dire que c'est un engagement que nous prenons par rapport à nos
lecteurs, et il est clairement précisé qu'en aucun cas son article ne peut être
coupé sans son accord. Or, il s'avère qu'apparemment dans la fièvre du bouclage
on a essayé de le joindre, on n'y est pas arrivé et on a coupé quelques lignes
de son papier."
Pascale Clark : "Et ça, ça ne provoque pas la
colère dans le journal ?"
Daniel Schneidermann : "Je n'ai pas
l'impression que ce soit encore bien su par tout le monde. Ce que je veux
simplement croire, c'est que, dans sa prochaine chronique, Robert Solé aura tout
loisir et toute liberté de revenir sur cet incident et de le raconter aux
lecteurs du Monde. Parce que je pense que la période effroyable que nous
traversons nous impose la plus grande transparence, peut-être plus grande encore
que d'habitude. Robert Solé que je connais depuis très longtemps est un homme
libre et honnête et nous avons besoin dans cette situation d'un médiateur plus
libre encore que dans période ordinaire."
Mercredi 5 mars dans la soirée,
dans un chat sur internet avec les lecteurs du Monde, Pierre Georges,
directeur adjoint de la rédaction, a indiqué: "Je sais effectivement qu'un
paragraphe, un seul, de la dernière tribune du médiateur a été coupé samedi en
fin d'édition. Ce paragraphe faisait référence à la publication, pour mardi,
donc hier, d'un supplément consacré au livre, supplément envisagé à ce
moment-là. La direction de la rédaction, ayant annulé ce supplément, a coupé
cette annonce. Pour autant, permettez-moi d'ajouter, et la chronique de Daniel
Schneidermann dans le dernier radio-télévision samedi l'a prouvé, que la censure
n'existe pas". (JP NO)
Plenel s'explique
Edwy Plenel s'en
explique une semaine plus tard dans Le Monde daté dimanche 9 mars/lundi
10 mars. Voici un extrait de son explication (pour accéder au texte intégral, cliquez
ici): "(…) Samedi 1er mars, il m'a cependant été signalé, très peu de
temps avant le bouclage de 10 h 30, qu'elle (la chronique du médiateur, ndlr)
donnait une information sur notre vie interne que je n'avais pas retransmise
dans les mêmes termes à toute la rédaction. Dans un moment particulier, où notre
collectivité est attaquée, j'ai été, de plus, étonné que le médiateur ne m'ait
pas demandé quelle était ma réponse aux lecteurs qui trouvaient que nous
n'avions pas assez répondu au livre de Péan et Cohen et quelles étaient nos
intentions pour les jours à venir. J'ai donc tenté de joindre Robert Solé et,
n'ayant pu l'atteindre, j'ai demandé à Jean-Marie Colombani de supprimer ces
quelques lignes, en laissant toute sa place aux commentaires personnels du
médiateur. (…)" Dans la même édition, Robert Solé revient sur l'incident et
retranscrit ses propos coupés la semaine passée (pour lire son article, cliquez
ici).