Katherine Albrecht est directrice de l'association
américaine Caspian
(Consumers against supermarket privacy invasion and numbering), qui se bat
pour la défense de la vie privée des consommateurs. Cette doctorante de
Harvard appelle au boycott de Benetton. Le
fabriquant italien de vêtements a annoncé le 11 mars 2003 qu'il intégrait
dans les produits de sa marque Sisley des "étiquettes intelligentes",
soupçonnées de permettre la surveillance et la localisation de ses
clients. Créée en 1999, Caspian est un groupe auto-financé qui revendique
plusieurs milliers de membres aux Etats-Unis.
Pourquoi appelez-vous au boycott de Benetton,
qui a simplement annoncé qu'il allait mettre des étiquettes intelligentes
dans une nouvelle ligne de produits ?
Parce que nous pensons
que ces étiquettes intelligentes, qui sont des petites puces à identifiant
unique qui émettent des ondes radio, sont une menace pour la vie privée
des consommateurs. Jusqu'ici, nous ne sommes pas satisfaits par les
réponses apportées par Benetton à nos questions. Par exemple, ils ne
disent toujours pas précisément si ces puces sont déjà insérées dans des
vêtements ou si ce n'est qu'un projet. Ils affirment aussi que ces puces
peuvent être désactivées. Mais nous avons vérifié qu'elles peuvent être
réactivées par n'importe quel appareil qui lit les fréquences radio émises
par les étiquettes.
Benetton dit aussi que les étiquettes
intelligentes n'émettent que dans un rayon de 1,5 mètre, une distance peu
propice à la surveillance des consommateurs.
Les entreprises qui
développent cette technologie annoncent qu'elles prévoient de placer des
lecteurs dans toutes sortes de lieux : magasins, aéroports,
autoroutes, supermarchés, bâtiments publics... La distance d'émission a
été conçue pour permettre la lecture quand vous franchissez une porte. Les
groupes qui développent les étiquettes intelligentes veulent en faire un
standard qui remplace les codes-barre. Que se passera-t-il si les
appareils de lecture deviennent aussi courants que des prises
électriques ?
Benetton affirme que les étiquettes
intelligentes contiennent les mêmes informations qu'un code barre et
servent simplement à mieux gérer leurs flux de produits.
Une
étiquette intelligente est très différente d'un code barre parce qu'elle
contient un identifiant unique. Elle dit non seulement la taille, la
couleur, le modèle du t-shirt, mais aussi le lieu et l'heure où celui-ci a
été produit et, surtout, où et quand il a été acheté, et avec quelle carte
de crédit. Elle contient donc votre identité.
Pourtant, Benetton nie être intéressé par les
informations personnelles sur ses clients.
Benetton peut s'en
servir, par exemple pour gérer les produits qui sont ramenés au magasin
par un client, comme ils l'ont annoncé. Nous ne disons pas qu'ils vont
suivre les déplacements de tous leurs clients. Nous disons qu'ils
intègrent une technologie qui permet de le faire et qu'ils participent à
l'essor d'un standard qui présente de très gros risques pour la vie privée
de tous.
Pour contrer la menace des étiquettes
intelligentes, que demandez-vous ?
Nous demandons un
moratoire mondial sur cette technologie, parce qu'elle a été développée
dans le secret le plus total, sans aucun avis des consommateurs et des
citoyens. Aux Etats-Unis, nous préparons un projet de loi sur la question,
qui propose le moratoire et prévoit au minimum une labellisation
obligatoire signalant qu'un produit contient une étiquette intelligente.
Nous le rédigeons avec l'aide d'une université et comptons le transmettre
au Congrès américain d'ici un mois. Nous menons campagne pour alerter
l'opinion aux Etats-Unis mais nous comptons aussi beaucoup sur l'Europe.
Certains de nos membres vont créer une section de Caspian en Allemagne,
mais nous avons vraiment besoin de soutien. Nous prenons le problème en
amont pour arrêter les étiquettes intelligentes avant qu'elles ne
deviennent ce que sont maintenant les OGM : un état de
fait.
Le site de la campagne de boycott contre Benetton (Caspian):
http://www.boycottbenetton.org/
Le site de Caspian:
http://www.nocards.org/