La téléphonie mobile ne crée que des maux
psychologiques
LE MONDE | 17.04.03 | 13h32
• MIS A JOUR LE 17.04.03 | 15h17
En dehors de certains symptômes provoqués par
l'inquiétude, tout danger lié aux antennes-relais est écarté.
Angoisses, fatigues, vertiges, insomnies... Les symptômes que manifestent les personnes qui côtoient les antennes-relais de téléphonie mobile sont purement psychologiques. Telle est la conclusion que l'Agence française pour la sécurité sanitaire (Afsse) devait exposer, le 17 avril, en rendant public le nouveau rapport "Téléphonie mobile et santé" rédigé par sept scientifiques français. "Si les antennes doivent être démontées, ce n'est pas pour des raisons sanitaires", résume Denis Zmirou, directeur scientifique de l'Afsse, et auteur, en 2001, du premier rapport sur la téléphonie mobile. De quoi conforter la position de SFR, qui a engagé le 11 avril un recours contre l'arrêté pris le 3 avril par le maire de Saint-Cyr-l'Ecole (Yvelines) interdisant l'installation d'antennes de téléphonie mobile à moins de 100 mètres des établissements administratifs. Cette décision faisait suite à la détection de huit cas suspects de cancers chez des enfants, alors que deux antennes étaient installées sur le toit d'une école de la ville, dans le quartier de l'Epi-d'Or (Le Monde du 4 mars). Une telle distance de 100 mètres avec les "sites sensibles" était préconisée dans le "Rapport Zmirou" de 2001. Le nouveau document remis par les experts à l'Afsse actualise ce dernier. Dans leur conclusion, les experts relèvent une "interprétation erronée" de la notion de sites sensibles engendrée par l'association "d'un traitement de la préoccupation avec l'affirmation de l'absence d'effets sanitaires". Cette confusion est révélatrice des débats suscités par la téléphonie mobile. Les sites sensibles mentionnés dans le rapport de 2001 désignaient les lieux où l'installation d'antennes-relais pouvait engendrer une inquiétude des habitants. Ils ont été assimilés à des zones présentant un danger sanitaire. D'où la décision des experts de ne plus retenir cette notion afin de clarifier l'avis scientifique en la matière. Denis Zmirou, lui-même, précise que les antennes-relais émettent des rayonnements "50 à 60 fois plus faibles que ceux de la radio ou de la télévision, dans lesquels nous baignons depuis des décennies sans constater d'effets sur la santé". Ainsi les experts prennent position sans réserve pour affirmer l'innocuité des antennes-relais. En fait, le problème, dont le cas de Saint-Cyr-l'Ecole fait figure d'exemple, relève de graves carences dans la procédure d'installation des antennes. Bernard Veyret, directeur de recherche CNRS au laboratoire de physique des interactions ondes-matières (PIOM) et coauteur du nouveau rapport, note que, dans la plupart des pays, de la Suède aux Etats-Unis, on trouve également des "personnes hypersensibles qui font l'objet de consultations spéciales au cours desquelles on les écoute sans jamais entrer dans leur jeu et que l'on soigne avec des traitements légers". Cette sorte de psychose de l'antenne-relais engendrerait ce qu'on a appelé la "maladie des radiofréquences" et provient essentiellement d'un manque d'information du public associé à des installations anarchiques réalisées dans la précipitation sur une période courte, dans les années 1990, pour des raisons de concurrence commerciale. Rumeurs et fausses nouvelles ont fait le reste. Aujourd'hui, le problème est enfin pris au sérieux par les municipalités. Ainsi la Mairie de Paris a-t-elle signé le 20 mars, après plusieurs mois de négociations, une charte sur les antennes-relais avec les opérateurs de téléphonie mobile. ÉTABLIR UN VRAI DIALOGUE Denis Zmirou plaide pour la systématisation de telles chartes afin d'établir un véritable dialogue entre opérateurs et collectivités locales. Pour l'Afsse, il est nécessaire de "prêter attention" aux habitants afin qu'ils ne se sentent plus "agressés" par ces antennes mystérieuses qui envahissent les toits. Parallèlement à ces problèmes de perception du risque, les experts reconnaissent que les études épidémiologiques déjà réalisées sont loin d'être concluantes en raison de nombreux biais méthodologiques et de leur amélioration problématique : "Du fait que le risque attendu, s'il y a risque, est très faible, il paraît plus judicieux de réaliser des études dans des populations fortement exposées aux radiofréquences (par exemple professionnellement) et d'extrapoler seulement dans un second temps les résultats aux populations générales." Une étude publiée en 2002 par des chercheurs de l'Institut national des sciences appliquées (INSA) révèle ces difficultés expérimentales. Elle visait l'analyse des problèmes de santé de 530 personnes volontaires vivant à proximité d'antennes-relais. Les symptômes répertoriés vont de la fatigue à l'irritabilité en passant par des maux de tête, nausées, pertes d'appétit et de sommeil, de la dépression, un sentiment d'inconfort, des difficultés de concentration, pertes de mémoire, problèmes de peau, de vision, d'audition... L'étude note que ces troubles augmentent lorsqu'on se rapproche des antennes et que les femmes y sont plus sujettes que les hommes. Le nouveau rapport d'experts stigmatise la méthode et la conclusion de l'étude, qui préconise que "les antennes-relais ne soient pas situées à moins de 300 mètres des populations". Il souligne en particulier que "la puissance maximale mesurée au sol se situe entre 150 et 300 mètres et non entre 0 et 100 mètres, comme le suggèrent les commentaires des auteurs". Le rapport note également "la non-représentativité de l'échantillon", composé uniquement de personnes volontaires "vraisemblablement concernées (inquiètes) par la question des radiofréquences". SUPPRESSIONS AGGRAVANTES Les symptômes décrits sont "subjectifs" et révèlent essentiellement que les personnes étudiées souffrent d'un stress, peut-être engendré ou aggravé par... la présence proche d'antennes-relais. Nul doute qu'une meilleure intégration de ces installations dans le paysage urbain permettra d'éviter certains traumatismes qui peuvent devenir obsessionnels. Les antennes de Saint-Cyr-l'Ecole, installées en 1992, étaient très voyantes et le choix du toit d'une école était particulièrement maladroit. Améliorations techniques et dialogue devraient fondre les antennes dans le paysage sans dégrader la couverture. En effet, paradoxalement, la suppression d'un relais aggrave les risques liés à l'usage du téléphone mobile lui-même. Ce dernier captant plus difficilement le signal dans la zone considérée augmente sa puissance et rayonne plus... Michel Alberganti Les experts mis en cause
Dans son édition du 17 avril, Le Parisien met en cause la probité des auteurs du rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (Afsse). Selon le quotidien, plusieurs des experts ayant participé à la rédaction du texte rendu par l'Afsse ont été précédemment interrogés sur les effets des rayonnements produits par les téléphones mobiles, dans un supplément publicitaire "entièrement financé" par Orange et publié par la revue Impact Médecine. Mis en cause, Denis Zmirou, directeur scientifique de l'Afsse et auteur d'un précédent rapport sur le sujet, publié en 2001, explique au Monde avoir effectivement "répondu à une interview téléphonique" sans connaître la nature exacte de la plaquette commandée par l'industriel. "Je n'ai reçu aucune rétribution de la part d'Orange, assure-t-il, et je n'imagine pas que cela puisse être le cas des autres experts" également interrogés dans le même supplément. • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU
18.04.03 |
Droits de reproduction
et de diffusion
réservés © Le Monde 2003 Usage strictement personnel. L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la licence de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions. Politique de confidentialité du site. Besoin d'aide ? faq.lemonde.fr |