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Le «oui, mais..» du CSA au porno gay
de Pink TV
Le Conseil a finalement conventionné la chaîne.
Par Raphaël
GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
mercredi 09 avril 2003
Selon le conseiller Joseph Daniel, en charge des chaînes et du câble et du
satellite, «le débat a été long et complexe». Plus prosaïque, un témoin
de la réunion au CSA raconte que «les sages se sont empaillés pendant près
d'une heure trente». La raison ? Après s'être lancé l'été dernier dans une croisade contre le
porno à la télé, Dominique Baudis, président du CSA, n'entendait pas autoriser
si facilement une chaîne souhaitant diffuser des films X. Baudis a commencé par
s'appuyer sur la pratique en vigueur dans le PAF : seules les chaînes cinéma
(comme Canal +, TPS Star et XXL qui est considérée comme une chaîne cinéma)
diffusent des films porno. Or, Pink TV se présente comme une chaîne généraliste.
Analyse du CSA : Pascal Houzelot doit choisir : soit il abandonne le porno, soit
il fait une croix sur sa chaîne. Mais il refuse de transiger : «Le porno fait
partie de la culture gay», plaide-t-il. Solution. De peur, après avoir revêtu des habits de rétrograde, de
passer en plus pour homophobe, le CSA réfléchit et finit par trouver une
solution. «La condition pour diffuser des films pornographiques et tout autre
programme de catégorie 5 (1), explique Joseph Daniel, c'est une forte
contribution à la production audiovisuelle et cinématographique, nous demandons
donc un "sureffort" à Pink TV.» En guise de pénitence, la chaîne devra, en effet, à terme, consacrer 23,5 %
de son chiffre d'affaires à des investissements dans la production
cinématographique et audiovisuelle française et européenne. Une contribution
plus importante que les chaînes cinéma du câble et du satellite (21 %), mais un
peu moins forte que Canal + (26 %). C'est là le prix du porno pour Pink TV. Astreintes. Mais, comme si ça ne suffisait pas, jusqu'au bout,
certains au CSA ont tenté de faire de la résistance. Quatre conseillers, dont
Baudis, ont essayé de limiter à 150 par an (soit 3 par semaine), le nombre de
diffusions de films X. A l'issue d'un vote, c'est 208 pornos par an (4 par
semaine) auxquels Pink TV aura droit, soit autant qu'une chaîne comme Ciné
Frisson. Et comme les autres chaînes programmant du porno, Pink TV devra se
conformer à une série d'astreintes : diffusion entre minuit et 5 heures, double
cryptage, pas d'offre promotionnelle de découverte de la chaîne. Et afin, selon
Jo-seph Daniel, que l'abonné puisse «faire un choix explicite et
éclairé», Pink TV devra être commercialisée en deux options : avec ou sans
porno. Mais pour le fondateur de Pink TV, le porno ne fait pas toute sa grille :
«Le porno représentera environ six heures par semaine, c'est marginal.»
Pour le reste, Pascal Houzelot entend proposer des émissions culturelles,
musicales, des films, soit «l'offre la plus trendy qui soit», mais se
refuse pour l'instant à dévoiler plus sa chaîne qui devrait être disponible sur
le câble et le satellite à la rentrée prochaine. Il lâche tout de même, histoire de mettre l'eau à la bouche du téléspectateur
: «Pink TV aura l'esprit du Canal + d'il y a dix-huit ans.» Et d'ajouter,
sibyllin: «Il n'y aura pas d'émission pour les coiffeuses de province.»
Bref, pour cet ancien conseiller d'Etienne Mougeotte à TF1, «ce sera une télé
gay tous publics, pas une chaîne communautaire, une chaîne loin des ghettos qui
s'adressera aux gays, aux lesbiennes, mais aussi aux gays friendly». Capital. Et des gays friendly, Houzelot affirme en avoir trouvé
un certain nombre prêts à entrer au capital de Pink TV : Canal + (qu'on
n'imaginait pas si prodigue, par les temps qui courent), TF1, M6 et peut-être
Lagardère avec qui il est en discussion. C'est qu'à tort ou à raison, le public
visé par Pink TV a la réputation d'avoir le portefeuille bien garni. Malgré un
prix d'abonnement élevé (9 euros par mois), Houzelot compte séduire 200 000
clients d'ici à 2007.
P>(1) A savoir, les programmes interdits aux moins de 18 ans.n a déjà vu sur XXL des messieurs
tout nus faire des cochoncetés avec d'autres messieurs tout nus. Mais ce n'était
qu'une fois par mois. Sur Pink TV, ce ne sont pas moins de quatre pornos qui
seront diffusés chaque semaine. Gays mais aussi lesbiens et bisexuels, promet
Pascal Houzelot, fondateur de la première chaîne homosexuelle française. Hier,
le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a conventionnée après avoir
longtemps réfléchi puisque le dossier était à l'étude depuis novembre 2002.