Le mardi 6 mai 2003.
Technologies / Etats-Unis / France / Informatique / Sécurité

Un internaute français plongé dans une étrange affaire, pour avoir critiqué un anti-virus

Un site disparaît, un mystère s'éveille
  

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Tegam, l'éditeur français du logiciel anti-virus Viguard, se dit victime d'une campagne de désinformation. Sa contre-attaque semble avoir fait un dommage collatéral : un internaute français a vu son site retiré du Net parce qu'il présentait une analyse défavorable du produit. Pourquoi ? Comment ? L'affaire est trouble.

Il s'appelle Guillaume. Mais sur Internet, il est plus connu sous le pseudonyme "Guillermito". Il travaille dans un laboratoire de recherche de l'université américaine de Harvard, mais il est français. Depuis 1995, il a un passe-temps occasionnel : étudier le monde des virus informatiques et publier des pages d'information sur ce sujet sur son site.

Circonspection
En 1997, Guillermito répond dans un forum de discussion à un internaute qui demande un avis sur un anti-virus : Viguard, édité par la société française Tegam. Il évoque avec circonspection la démarche marketing de Tegam, consistant à dire que Viguard protège à 100% des virus passés et à venir. Il est d'ailleurs moins agressif que certains autres intervenants dans cette discussion.

Dès lors, partisans et sceptiques s'affrontent autour de Viguard dans le forum spécialisé fr.comp.securite.virus. Interpellé à plusieurs reprises par des internautes ou des journalistes sur le newsgroup, Guillermito se sent obligé de démontrer preuves techniques à l'appui que Viguard ne peut, comme le prétend Tegam dans sa communication commerciale, protéger à 100 % contre les virus passés, existants ou à venir. Pas plus que les autres anti-virus qui ont le même genre de démarche marketing.

Dans un de ses messages sur le forum, Guillermito explique : "Le gros problème avec les anti-virus, c'est leur équipe commerciale". Ou encore, à propos des affirmations de Tegam : "'Détecte 100% des virus connus et inconnus (à venir) par famille.' En anglais, on dit : bullshit. En français, on dit que ces propos sont totalement exagérés. Mais, et je l'ai dit dans mon premier post, ce ne sont pas les seuls producteurs d'anti-virus a les tenir". Enfin, pour être précis, Guillermito explique "qu'aucun anti-virus n'est infaillible" et "qu'il ne faut pas croire les communiqués de presse des éditeurs d'antivirus".

Il expose le fruit de ses recherches dans Usenet au sein de discussions animées. Ses interventions reposent sur des faits techniques et ne font généralement pas l'objet d'un débat contradictoire sur ce plan. Ses mails envoyés à Tegam pour les prévenir des lacunes du logiciel restent, selon lui, sans réponse, toujours sur un plan technique. Guillermito finit par publier une page récapitulative de ses recherches sur le sujet sur son site en mars 2002.

"Terrorisme"
Quelques mois plus tard, Guillermito abandonne ce sujet qui devient lassant. Entre temps, toujours rétif à un débat technique, Tegam écrit que Guillermito est un "terroriste informatique français (connu de la DST et du FBI)". Le patron de Tegam indique à Silicon.fr que Guillermito est "un pirate informatique connu".

Dans les derniers jours d'avril, des policiers ont demandé à l'hébergeur français (Waw.com) des pages de Guillermito de pouvoir en faire une copie dans le cadre d'une commission rogatoire. Depuis, les pages ne sont plus en ligne. Elles restent bien entendu accessibles sur Google.

Depuis les Etats-Unis, Guillermito a du mal à comprendre ce qui s'est passé et pourquoi son site, pipo.com, a disparu : "Personne ne m'a contacté avant. Je ne sais même pas de quoi on m'accuse, en fait, écrit-il dans un email du 1er mai, intitulé "Publier des failles dans des logiciels de sécurité est-il illégal ?". Il semble aussi que mes redirections (guillermito.net, avec laquelle je signais mes messages sur Usenet) ont été bloquées au niveau du registrar, pour éviter sans doute que je transfère mon site ailleurs."

Silence
Aujourd'hui, Guillermito explique qu'il entend deux versions des faits : son hébergeur lui explique que le serveur a été saisi par la police à Marseille. Selon une autre version, le serveur serait intact et les policiers n'auraient fait qu'une copie de son contenu.

Un épais mystère entoure cette affaire. Un policier de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, joint par Transfert, ne semble au courant de rien (ou ne veut rien dire, ce qui se comprend puisque l'affaire est en cours).

La juge d'instruction qui serait à l'origine de la commission rogatoire n'a pas répondu à notre appel téléphonique. Chez l'hébergeur, personne ne pouvait nous parler ce mardi. Quant au patron de Tegam, Marc Dotan, il semble incapable de confirmer ou d'infirmer que Tegam a saisi la justice et reste dans un flou artistique. Il nous propose de le contacter à nouveau dans trois ou quatre mois. Lorsque la justice aura avancé...

Le site de Viguard (Tegam):
http://www.viguard.org/fr/intro_fr.html

Présentation des services de lutte contre la cybercriminalité de la police:
http://www.interieur.gouv.fr/rubriques/c/c3_police_nationale/c33_organisation/Cybercriminalite_-_Presentation



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