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Trois questions à... Caroline Sinz
LE MONDE | 20.05.03 | 13h02

Vous êtes reporter à France 3 ; dans quelles circonstances avez-vous filmé les images des tirs américains contre l'Hôtel Palestine, QG des journalistes étrangers à Bagdad, le 8 avril ?

Ce jour-là, les combats commencent à 6 heures du matin. Dès le début, on enclenche nos deux caméras installées sur les balcons de deux chambres au 14e étage de l'hôtel. A 11 h 20, il y a eu une pause dans les tirs de part et d'autre des rives du Tigre et puis, à midi, le tir du char Abrams est parti. Il a effleuré l'angle du bâtiment aux 14e, 15e et 16e étages. Il a touché trois chambres qui disposaient d'une vue panoramique sur les combats. Au 15e, il y avait le journaliste ukrainien de Reuters qui est mort sur le coup. Au 14e, à deux chambres de la mienne, il y avait José Couso, le cameraman espagnol de Telecinco. A 11 h 59, j'étais au téléphone pour un direct, la chambre a tremblé. Des gens ont crié : "Il est mort, ils sont morts !" Nous les avons transportés dans des voitures de presse jusqu'à l'hôpital chrétien Saint-Raphaël. Un de nos cameramen a filmé l'opération de José. Nous sommes les seuls à avoir filmé dans les deux chambres après le tir.

Que sont devenues ces images ?

Personne ne nous les a réclamées. On a toute la matinée en images filmées par notre caméra fixe de la chambre 1435. On a regardé chaque image plan par plan. On voit les trois chars sur le pont. En milieu de matinée, déjà, un char nous vise, il tourne sa tourelle vers l'hôtel, avant de la remettre ensuite à sa place. Et puis, à midi, de nouveau la tourelle nous a visés, mais cette fois on voit le tir vers nous, et l'impact. Ces images dorment dans les archives de France 3.

Estimez-vous que le tir contre le QG des journalistes a été un acte délibéré des Américains ?

Je ne suis pas une spécialiste des guerres, mais je fais aujourd'hui exactement la même analyse que sur le moment. C'était un tir froid. A 10 heures du matin, on bute notre confrère d'Al-Jazira, à midi, c'est notre tour. Ce tir devait flanquer la trouille aux journalistes. D'ailleurs vous n'avez pas vu d'images de la bataille de Bagdad.

Propos recueillis par Florence Amalou

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 21.05.03

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