Economie

L'UFC porte plainte contre le verrouillage des disques
L'association estime les droits des consommateurs floués.

Par Florent LATRIVE
mercredi 28 mai 2003

force de lutter contre la piraterie, les maisons de disques finissent-elles par restreindre les droits des consommateurs ? C'est l'avis de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, qui a annoncé hier qu'elle réclamait en justice le retrait des bacs de CD et DVD rendus illisibles par les systèmes anticopie de certains producteurs. Des pratiques «illégitimes et illégales», selon l'association, car elles «bafouent les droits du public et des acheteurs de CD». En ligne de mire, le dernier Alain Souchon, illisible sur un autoradio ; le Phil Collins, incopiable sur un ordinateur Macintosh ; et le DVD du film de David Lynch Mulholland Drive dont la duplication est tout aussi impossible. Trois plaintes ont été déposées, contre EMI Music France (Souchon), Warner Music France (Collins), et les films Alain Sarde, Studio Canal et Universal Pictures Video (Lynch). Des producteurs et éditeurs auxquels ont été joints les distributeurs Auchan et la Fnac.

Incompatibilité. Les dispositifs limitant la copie se sont multipliés ces derniers mois sur les disques (voir Libération du 5 avril 2003), et ils sont présents sur les DVD depuis leur mise sur le marché. L'objectif avoué des majors est bien d'endiguer la piraterie, accusée d'avoir provoqué la baisse mondiale des ventes de disques de 10 % en 2002. Premier problème : comme ces technologies sont loin d'être mûres, les galettes ainsi verrouillées sont souvent «incompatibles avec un grand nombre de lecteurs courants, d'auto-radios ou de baladeurs», indique le président de l'UFC Alain Bazot. Second problème : ils limitent la possibilité pour le propriétaire de dupliquer son disque afin de l'écouter dans sa voiture, par exemple, ou d'extraire une chanson pour la transférer sur un baladeur numérique. Or cette «copie privée» est légale en France. Chacun peut copier un disque pour son usage domestique et, en contrepartie, une dîme est prélevée sur les supports vierges. Cette «rémunération pour copie privée» a généré en France plus de 130 millions d'euros en 2002, répartie entre les ayants droit (auteurs, interprètes, producteurs...).

Pour le président de l'UFC, Alain Bazot ce dispositif permet d'affirmer que «le combat pour la copie privée est sous-tendu par un modèle culturel». Aujourd'hui, 25 % des 130 millions d'euros doivent être affectés à l'aide à la création ou à la diffusion du spectacle vivant. Autrement dit : en écornant la copie privée, c'est toute la manne de la rémunération qui devient illégitime, et donc la source d'un soutien aux artistes qui risque de disparaître.

Copie privée. Ce discours est repris par Jean-Claude Walter, le directeur général de l'Adami, qui collecte les droits des artistes-interprètes et dont près de 60 % des revenus proviennent de la copie privée. Présent hier lors de l'annonce de la plainte, il y fustigeait la «décision unilatérale de certains producteurs de verrouiller leurs CD sans que les auteurs aient été consultés».

Au passage, la plainte de l'UFC tombe au moment où se déroule un (violent) débat sur la transposition en France d'une directive européenne sur les droits d'auteur, qui comporte un volet sur la copie privée. Une loi pour laquelle le gouvernement est censé concilier les exigences des industries culturelles désireuses de barder leurs productions de cadenas et la liberté d'usage des consommateurs. Jusque-là, les débats opposaient producteurs, artistes et consommateurs, principalement autour de la musique. En portant le cas des DVD devant les tribunaux au même titre que celui des CD, l'UFC force aussi le cinéma à rentrer dans les discussions. Les décisions de justice, dont les premières sont prévues pour fin juin, seront donc attendues par pas mal de monde.F

 

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