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Halliburton, principal bénéficiaire de la
reconstruction de l'Irak
LE MONDE | 20.06.03 | 13h39
• MIS A JOUR LE 20.06.03 | 13h43
La production de pétrole irakien doit reprendre le
dimanche 22 juin. La reconstruction de l'Irak constitue une véritable
mannepour de nombreuses entreprises américaines, en particulier
Halliburton et Bechtel. Halliburton est spécialisée dans l'ingénierie
pétrolière mais une de ses filiales, KBR est chargée de la
logistiqueapportée aux troupes américaines en mission à l'étranger. Au
total, Halliburton a obtenu plus de 600 millions de dollars de contrats
alors que la somme totale votée par le Congrès pour la reconstruction du
pays et l'aide humanitaire se monte à 2,4 milliards de dollars. Cette
reconstruction sous l'égide américaine a contraint les Nations unies à
mettre fin au programme "pétrole contre nourriture"dont bénéficiaient de
nombreuses sociétés, en particulier russes, françaises, et
chinoises.
New york, de notre correspondant Le 8 mars, le corps du génie de l'armée de terre américaine a attribué à Kellogg Brown & Root (KBR), filiale d'Halliburton, un contrat de 71,3 millions de dollars (61 millions d'euros) pour la remise en état des installations pétrolières irakiennes. La décision a alors provoqué un tollé. Non seulement les clauses exactes du contrat n'étaient pas publiques, mais, en raison "de l'urgence et de la nécessité de respecter le secret militaire", la procédure suivie par le Pentagone était discrétionnaire, sans appel d'offres ni mise en concurrence. L'administration Bush a alors été accusée, notamment par les parlementaires démocrates, de "favoritisme" envers une entreprise dont le PDG d'octobre 1995 à août 2000 était Dick Cheney, aujourd'hui vice-président des Etats-Unis. Au fil du temps, les critiques se sont estompées. Pourtant, il semble que le contrat d'Halliburton est bien plus important qu'annoncé il y a trois mois : le groupe a aussi l'exclusivité de l'approvisionnement des 150 000 soldats américains aujourd'hui dans le Golfe. Première surprise, le coût de la réparation des installations pétrolières a déjà presque triplé. Il représentait, de source parlementaire, 213,7 millions de dollars la semaine dernière et devrait encore gonfler. Les champs de Kirkouk, dans le Nord, et ceux autour de Bassora, dans le Sud, considérés à une époque comme étant parmi les mieux équipés au monde, sont aujourd'hui en piteux état, selon les spécialistes. Le manque d'entretien depuis 1991, les vols et sabotages récents ont rendu la reprise de la production plus difficile que prévu, même si elle aura bien lieu dimanche 22 juin. Autre découverte, la mission confiée à KBR va bien au-delà de l'extinction des puits en feu et des réparations d'urgence. Dans une lettre du 2 mai, le général Robert Flowers, commandant du corps de génie, indique que le contrat consiste aussi à assurer "la marche des installations et la distribution des produits". Le général ajoutait alors, comme l'avait exigé le Congrès, que ce contrat arriverait à échéance fin août et que l'armée lancerait alors un véritable appel d'offres pour la poursuite de la remise en état des infrastructures pétrolières. Il n'en est apparemment plus question. Gary Loew, responsable pour le génie du pétrole irakien, a déclaré que le temps était trop court pour suivre la procédure, attribuer un nouveau contrat et respecter les délais prévus de reprise de la production. Le corps précise qu'il ne s'agit pas d'un délai supplémentaire mais qu'il n'y aura sans doute pas du tout de nouvel appel d'offres, notamment si les Irakiens décident eux-mêmes de nouveaux arrangements. Des déclarations qui ont provoqué la fureur de parlementaires démocrates. "Il s'agit d'un affront direct à la volonté du Sénat des Etats-Unis", a déclaré le sénateur Barbara Boxer. "MONTANTS SANS LIMITES" Mais Halliburton ne s'occupe pas seulement du pétrole irakien. Le groupe assure depuis quatorze mois l'approvisionnement des troupes américaines dans le Golfe. KBR, toujours la même filiale, a engrangé 425 millions de dollars en assurant la fourniture de nourriture, de vêtements et d'équipements à l'armée au Koweït, au Qatar, en Arabie saoudite et en Irak. La filiale d'Halliburton a remporté un contrat auprès du Pentagone en décembre 2001 dans l'indifférence générale, trois mois après les attentats du 11 septembre, et ce au moment où l'armée américaine se préparait à mener plusieurs campagnes. Cet accord est valide dix ans. Il stipule que l'entreprise doit assurer "une présence en 72 heures sur un théâtre d'opérations après notification et la fourniture de service et support logistique à 25 000 hommes partout dans le monde dans les quinze jours", selon un document officiel fourni par Halliburton à l'autorité américaine des marchés, la Sec. Plutôt que de lancer une nouvelle procédure pour subvenir aux besoins des troupes en Irak, le gouvernement a utilisé ce contrat. "Les montants qu'Halliburton peut recevoir à ce titre dans l'avenir sont virtuellement sans limites", s'insurge le représentant démocrate Henry Waxman. "Il apparaît en outre que la plupart des accords de sous-traitance ont été passés sans compétition", écrit-il dans une lettre adressée à Lee Bronwlee, le secrétaire aux armées. "Ce type d'arrangement présente de grands risques pour le contribuable", ajoute-t-il. ENQUÊTES SUR LES DÉPENSES KBR était en compétition avec deux autres sociétés pour devenir le fournisseur exclusif pendant une décennie de l'armée américaine partout dans le monde. "Les contrats du gouvernement des Etats-Unis ne sont pas attribués par des politiques mais par des fonctionnaires en fonction de critères objectifs et précis, explique Wendy Hall, porte-parole d'Halliburton. Privatiser ce type de services logistiques permet aux militaires de se concentrer sur leurs missions. Toute allégation que ce contrat est fait pour faciliter des dépenses sans contrôle est fausse et sans fondement. Le vice-président n'a rien à voir avec l'obtention par Halliburton de ce marché." KBR avait obtenu un contrat similaire entre 1992 et 1999 pour assurer le support des troupes américaines dans les Balkans. Il lui a rapporté 1,2 milliard de dollars et a été étendu jusqu'en 2004. Il devrait, au total, représenter 1,8 milliard. Les opérations en Irak sont d'une tout autre ampleur puisque, depuis, mars 2002, l'armée a passé 24 commandes à KBR pour un total de 425 millions de dollars et que le total des commandes à Halliburton dépasse donc les 600 millions de dollars, sur un total consacré à la reconstruction de l'Irak et à l'aide humanitaire de 2,4 milliards de dollars. En Afghanistan, KBR avait déjà obtenu un contrat de 103 millions de dollars. En janvier, une commande de 60 millions de dollars avait même été passée pour subvenir aux besoins éventuels des troupes en Turquie. Mais le contrat n'a pas été conclu. Aujourd'hui, KBR et ses sous-traitants affrètent des convois de camions qui transportent du Koweït en Irak diverses fournitures et des centaines de tonnes de nourriture et d'eau en bouteille. Halliburton entretient une armée de 150 000 hommes. Le représentant Waxman a demandé à Lee Brownlee de détailler les procédures mises en place pour s'assurer que les sommes dépensées sont justifiées. Une enquête du service d'investigation du Congrès a montré que Kellogg Brown & Root a multiplié les surfacturations en Bosnie. Eric Leser • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU
21.06.03 |
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