Le vendredi 20 juin 2003.
Société / France / Santé / Vie privée

Un rapport approuve la diffusion de données médicales aux assureurs

Mais craint les entorses à la vie privée
  

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Un rapport, remis le 5 juin au ministre de la Santé, estime qu'il est possible de transmettre aux assureurs complémentaires les informations contenues dans les feuilles de soins électroniques. Des deux solutions envisagées, le document soutient celle protégeant l'anonymat des assurés.

Les données informatiques concernant les patients ne sont aujourd'hui transmises qu'aux seuls assureurs obligatoires, principalement les caisses d'assurance maladie. Mais depuis quelques années, les mutuelles comme les sociétés d'assurance réclament de pouvoir elles aussi accéder à ces informations.

En février dernier, le ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, Jean-François Mattéi, avait commandé à Christian Babusiaux, conseiller maître à la Cour des Comptes, un rapport sur la question.

Dans son texte, le magistrat juge possible une diffusion élargie de ces informations. Et, "sous réserve que les garanties nécessaires soient réunies", avance deux solutions.

L'anonymat en question
La première prévoit le transfert des données de santé de manière anonyme. En clair, les infos seraient transmises aux organismes complémentaires, mais elles passeraient par l'intermédiaire d'un tiers pour effacer les identités des assurés. Ce qui permettrait aux assurances de mieux connaître les remboursements effectués - nombre de consultations chez le dermatologue, de radios du thorax ou de boîtes d'aspirines - mais pas de fliquer leurs clients.

C'est, selon les conclusions du rapport, "la plus simple, la plus protectrice des droits, la plus rapide à mettre en place et la moins entachée d'incertitudes". C'est aussi la solution préférée du ministre et du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), qui regroupe 24 associations d'usagers.

La Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) n'est pas du même avis. Selon un de ses dirigeants, elle juge l'anonymisation compliquée, coûteuse et bien moins efficace que la seconde solution proposée dans le rapport Babusiaux : transmettre la feuille de soin directement par le médecin, avec l'accord de l'assuré. Si ce système devait être choisi, les sociétés d'assurance promettent des formules plus intelligentes et mieux adaptées aux besoins des clients : ces derniers signeraient un contrat précisant dans quels cas les données seraient communiquées. Lors de la réalisation de l'acte médical, le patient aurait cependant la possibilité de refuser la transmission de ces informations... mais, toujours selon ce dirigeant de la FFSA, le remboursement pourrait alors être moindre.

"Un tel système suppose un texte législatif organisant les garanties appropriées", précise le rapport Babusiaux. Les députés sont justement en train de plancher sur la question en transposant une directive européenne de 1995. Pour l'instant, le texte voté en première lecture dit tout et son contraire. Il interdit "de collecter ou de traiter des données à caractère personnel [...] qui sont relatives à la santé ou à l'orientation sexuelle". Sauf "consentement exprès de la personne concernée". La nuance est de taille. Et le rapport est très clair : les garanties avancées en l'état par le projet de loi sont insuffisantes. Sous cette forme, le texte pourrait même être jugé non conforme à la Constitution.

Le consentement, un leurre
En mai dernier, les associations d'usagers réunies au sein du Ciss avaient déjà réagi au projet de loi : "Nous affirmons qu'un tel 'consentement exprès' est un leurre dans la mesure où il existe une relation dominant/dominé, ce qui est notoirement le cas dans une relation assureur/assuré dans le champ de la santé."

Les conclusions du rapport Babusiaux n'ont pas rassuré les représentants des usagers, puisqu'il est proposé de laisser le choix aux assureurs entre l'anonymisation et la transmission par consentement. "Dans cette dernière solution, rien ne nous garantit l'étanchéité des informations recueillies. Tout simplement, nous ne voulons pas qu'une société qui fait commerce de contrats d'assurance en tout genre ait des infos sur les médicaments consommés par ses clients", dénonce Jean-Luc Bernard, vice-président de l'Association de lutte, d'information et d'étude sur les infections nosocomiales (LIEN) et porte-parole du Ciss sur cette question.

Dès 2004, des expérimentations vont commencer afin de vérifier la viabilité des deux propositions. Seule note d'optimisme : le ministre de la Santé a affiché sa nette préférence pour la solution la plus protectrice de la vie privée.



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