Les attaques contre la protection anticopie des CD
relancent le débat sur la réforme du droit d'auteur
LE MONDE | 30.05.03 | 13h35
Les actions en justice de l'UFC-Que choisir contre
deux maisons de disques interviennent alors que la directive européenne
réformant le droit à la copie privée doit être transposée.
Le syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) a réagi vivement, mercredi 28 mai, aux attaques de l'Union fédérale des consommateurs UFC-Que choisir (Le Monde du 29 mai). Le SNEP oppose notamment, dans un communiqué, "un démenti formel et catégorique aux affirmations des organisations de consommateurs selon lesquelles l'industrie du disque aurait pour intention de ne pas respecter l'exception pour copie privée". L'UFC-Que choisir a en effet annoncé, le 27 mai, sa décision de poursuivre en justice Warner Music France et EMI Music France, au motif du déploiement, jugé illicite, de technologies de protection des CD et des DVD. L'association se fonde sur l'incompatibilité des disques protégés avec certains lecteurs (autoradios, lecteurs de DVD, baladeurs, etc.) mais aussi sur l'impossibilité de copier leur contenu via tous les matériels ad hoc. Selon Alain Bazot, président de l'UFC-Que choisir, "ces mesures de verrouillage sont de plus en plus couramment utilisées par certaines maisons de disques". "Elles concernent désormais, poursuit-il,les œuvres d'artistes très connus, comme des titres beaucoup plus confidentiels." Environ 400 titres ainsi protégés ont été répertoriés par l'association. Les utilisateurs sont, pourtant, légalement autorisés à copier - pour un usage strictement privé - les œuvres dont ils se sont portés acquéreurs. Les supports numériques vierges (CD-R, DVD-R, disques durs, etc.) sont en effet taxés pour que ce droit à la copie privée ne spolie pas les auteurs. Cette redevance a rapporté à ces derniers, en 2002, environ 135 millions d'euros. Les maisons de disques redoutent cependant que les copies effectuées par ordinateur ne soient mises en libre circulation sur Internet. Hervé Rony, directeur général du SNEP, fait toutefois valoir que "les protections actuelles autorisent la copie à partir d'un graveur de salon". Quant aux incompatibilités, assure-t-il, elles sont "rares" et "concernent plus les fabricants que l'industrie du disque". Si la protection des disques se pratique depuis plus d'un an et demi, les actions en justice de l'UFC-Que choisir n'en arrivent pas moins à un moment important du débat. La directive sur le droit d'auteur doit en effet être transposée avant la fin de 2003 dans le droit français. Et le projet de loi du ministère de la culture - qui vaut transposition du texte européen - alimente, depuis six mois environ, une intense polémique qui oppose des organisations de consommateurs et certaines sociétés d'auteurs à l'industrie du disque. Les arguments de celle-ci ne convainquent guère les associations. "Le -verrouillage'' technique des CD s'apparente à une interdiction de facto de la copie privée et il révèle une volonté de contrôler la manière dont les utilisateurs vont profiter d'un bien légalement acquis", juge Frédéric Couchet, un des responsables d'EUCD-Info, une fédération d'associations européennes opposées à la réforme du droit d'auteur prévue par la directive. "Par exemple, illustre M. Couchet, il deviendra impossible aux consommateurs de transférer de la musique d'un CD vers un baladeur numérique MP3." Selon les associations, la transposition du texte européen va légaliser les mesures de protection aujourd'hui au centre du litige. "Le texte va rendre illicite le seul fait de contourner ces protections techniques, précise M. Couchet. Et ce même si ce contournement a pour but une copie privée licite : dans ce cas, toute copie sera considérée, a priori, comme délictuelle."Une façon détournée, disent les associations, de remettre en cause le droit à la copie privée. Le débat, loin d'être circonscrit au monde de l'édition et de la production musicale, concerne également l'industrie de l'informatique. Les majors de la musique attendent en effet de cette dernière qu'elle trouve de nouvelles techniques, plus souples, de "limitation" de la copie sur des supports numériques. Hervé Rony reconnaît que des mesures aussi radicales que l'incompatibilité des disques protégés avec les ordinateurs personnels doivent être amendées pour "permettre la lecture sur ordinateur tout en empêchant le piratage". "Ce sont les maisons de disques qui seront finalement flouées dans cette affaire, analyse, pour sa part, M. Couchet. Ces initiatives sont poussées par les géants de l'informatique qui veulent profiter de la situation pour imposer leurs standards." EUCD-Info remarque ainsi que les industriels de l'informatique n'envisagent pas, à court terme, d'appliquer à leurs logiciels - pourtant également soumis à un "piratage" massif - les mêmes systèmes de protection. "Voilà quelques années, certains éditeurs utilisaient des -dongles'' -verrouillages physiques sur l'unité centrale- pour contrôler l'usage de leurs produits, rappelle M. Couchet. Cela s'est avéré totalement contre-productif et ces techniques ont été abandonnées." Stéphane Foucart • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU
31.05.03 |
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