Le vendredi 30 mai 2003.
Économie / France / Génétique / Multinationales / Marketing

OGM : le cyberlobbying des industriels décrypté

Petit précis de manipulations sémantiques par des spécialistes de la guerre de l'information
  

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Intitulée "Le cyberlobbying ou les nouvelles logiques d'influence - Etude de cas : le débat sur les OGM", une étude cherche à décrypter les "manipulations" du site ogm-debats.com, émanation d'un groupement d'industriels de l'agro-alimentaire en faveur des Organismes génétiquement modifiés.

A l'origine de l'étude, la société de conseil en intelligence économique C4iFR a été créée en 2001 par cinq anciens élèves de l'Ecole de guerre économique (EGE), associés à l'un de ses fondateurs, Christian Harbulot.

Spécialisés dans la "communication d'influence", les "consultants infoguerre" de C4iFR se sont intéressés à ogm-debats.com en tant que cas d'école de ces sites "pots de miel" dont "l'objectif n'est plus de désinformer mais de convaincre, de persuader ou d'influencer l'opinion publique". Sans prendre parti en faveur ou contre les OGM, l'étude décrypte les mécanismes mis en oeuvre pour faire passer le message des industriels.

La grille d'analyse de l'étude est fortement influencée par les notions de "guerre cognitive" et de "Perception management" (PM). Le PM recouvre "toutes les actions consistant à fournir ou, au contraire, à camoufler une information à des audiences étrangères de façon à influencer leurs émotions, leurs motivations et leurs raisonnements objectifs".

Doctrine définie par le département de la Défense américain, le PM "commence par présenter les faits à l'état brut, puis modifie la perception de la population cible de façon à la rendre elle-même émettrice du message", explique l'étude de C4iFR.

Après avoir longtemps été "le fait d'acteurs contestataires issus de la société civile se réclamant d'une ingérence citoyenne", le "cyberlobbying" fait aujourd'hui partie intégrante des "stratégies d'influence" des grands acteurs politiques et économiques sur l'internet.

C4iFR, qui ne roule pas particulièrement pour les anti-OGM et ne cherche pas à prendre parti dans le débat, ne fait pas mystère de son "coeur de cible ". L'étude, vendue 300 euros hors taxe, s'adresse "en priorité aux départements marketing et communication des entreprises qui peuvent être aujourd'hui déstabilisées par des démarches informationnelles portant atteinte à leurs intérêts vitaux", et donc susceptibles d'avoir recours aux services proposés par C4iFR.

Neutraliser les critiques, discréditer et diaboliser
Illustration issue d'ogm-debats.com (c) GNIS - 8.6 ko
Illustration issue d'ogm-debats.com (c) GNIS
Le rapport détaille les stratégies déployées pour "mettre en confiance" et influencer les internautes, notamment les prescripteurs et "sources d'influence" que représentent les professionnels de la santé, les enseignants et les "jeunes". Objectif : désamorcer leurs critiques sur un sujet des plus polémiques.

Lancé durant l'été 2002, le site ogm-debats.com reprend le même type de charte graphique que celle des sites écologistes, avec des dominantes vertes et jaunes et des images bucoliques (épis de maïs sur fond de ciel bleu, etc.)

S'il ne le met pas clairement en avant, le site précise bien être une émanation de l'association Débats et échanges sur les biotechnologies en agriculture (DEBA) créée par "des sociétés actives dans le domaine des biotechnologies végétales" : Monsanto, Basf, Bayer CropScience, Dow AgroSciences, DuPont-Pioneer Semences et Syngenta.

Avancer masqué risquerait d'être contre-productif. Or, pour les industriels des OGM, il s'agit de "désamorcer les offensives adverses visant les failles de leur propre discours, (...) neutraliser les critiques en les anticipant (et) contrôler le terrain de la connaissance en le délimitant à leur avantage, tout en en simplifiant les problématiques".

L'utilisation poussée du terme "débat", répété à l'envi sur le site, présent jusque dans le nom de domaine et dans celui de l'association, vise à faire baisser la garde des critiques tout en "véhiculant l'idée de la neutralité", alors que les commanditaires du site sont pour le moins de parti pris.

Selon C4iFR, ogm-debats.com présente les principaux éléments de la polémique sous un jour "simplifié", voire "caricatural et parcellaire" de façon à endormir la méfiance du lecteur non-spécialiste. "Flattés dans son ego, (le lecteur) accepte beaucoup plus facilement les éléments nouveaux qui lui sont présentés", analyse l'étude.

Ogm-debats.com expose les arguments des anti-ogm, tout en prenant soin d'y répondre point par point. Encore une manière de désamorcer les critiques, en jouant sur une vraie-fausse neutralité.

"Guerre sémantique" et "dynamique d'infiltration perceptive"
Une des images du quizz destiné aux
Une des images du quizz destiné aux "jeunes" (c) GNIS
A coup de statistiques économiques et agricoles, de propos de scientifiques, de professionnels de la santé et autres "experts en développement durable", le site soutient l'un des combats principaux des multinationales de génie biotechnologique, en dénonçant le moratoire européen sur la libre utilisation des semences et des produits génétiquement modifiés, et tout particulièrement l'attitude de la France.

Selon ogm-debats.com, les OGM permettraient de lutter contre la famine, de limiter le recours aux pesticides, d'améliorer la qualité de l'alimentation, d'enrayer la pollution et, in fine, de contribuer au progrès alimentaire, sanitaire, écologique, social et économique. Du coup, le site fait apparaître les anti-OGM comme des ennemis du progrès.

Les espaces dédiés aux médecins, enseignants et aux "jeunes" sont particulièrement révélateurs de ce que C4iFR définit comme une "guerre sémantique", ou encore d'une "dynamique d'infiltration perceptive de la société". Le quizz à l'intention des enfants est un modèle du genre, mêlant questions neutres et réponses nettement orientées. Autre exemple : un dessin montre un asiatique éternuant après avoir mangé du riz "toubêt", tandis qu'à ses côté, son ami sourit en dégustant un riz "hypoallergénique".

L'étude précise que "le site internet n'est qu'un des relais possibles dans une opération de PM", mais ne s'étend pas sur les autres armes des campagnes d'opinion virtuelles que sont la campagne de communication accompagnant le lancement du site web, son référencement ou encore les éventuelles intrusions sur les forums et listes de discussion.

Le cyberlobbying ou les nouvelles logiques d'influence
http://www.c4ifr.com/mod.php?mod=userpage&menu=8&page_id=9

ogm-debats.com
http://www.ogm-debats.com/

infoguerre.com
http://www.infoguerre.com/

Ecole de Guerre Economique
http://www.ege.eslsca.fr/



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