La télévision sur ADSL bientôt concurrente du câble en ville ? par Sue Landau et Cyril Altmeyer PARIS, 8 juillet (Reuters) - La télévision sur ADSL, si elle est viable économiquement et techniquement, permettra aux bouquets satellites de s'attaquer aux villes où le câble règne pour l'instant en maître. Tant chez TF1 que chez Canal+ , on s'active pour développer par le réseau téléphonique classique et la technologie internet un "TPS des villes" et un "Canal Satellite des villes". TF1 paraît actuellement le plus avancé : le projet DreamTV est actuellement expérimenté auprès de 200 foyers à Boulogne-Billancourt et à Paris. Canal+ mène des tests et, selon des sources du secteur, M6 serait elle aussi en train d'effectuer des expérimentations. Le groupe Lagardère , qui mise plutôt sur la télévision numérique terrestre (TNT) se montre bien plus tiède. Lors de l'assemblée générale annuelle des actionnaires, le 13 mai, Arnaud Lagardère avait déclaré qu'il faudrait attendre trois à cinq ans pour que la technologie soit au point. Alors que la TNT commence à peine à éclore, l'enjeu est de taille : les villes offrent en effet un énorme réservoir de télespectateurs. "Ça revient à ouvrir la concurrence au câble", résume une source industrielle. Menacés sur leurs fiefs, les câblo-opérateurs sont montés au créneau la semaine dernière dans un communiqué commun pour rappeler qu'au total 170.000 abonnés à leurs services recevaient des chaînes par IP (protocole internet) sur leur ordinateur. Les abonnés de Noos ont déjà accès depuis plus de deux ans à deux chaînes d'information (i-télévision et CNBC) sur le site noos.fr et NC Numéricâble, filiale de Canal+, teste jusqu'à la mi-septembre une offre de cinq chaînes accessibles par internet sur ordinateur auprès de 15.000 abonnés. A QUEL COÛT ? Pour lancer la télévision sur ADSL, les chaînes de télévision devront négocier avec des opérateurs télécoms pour l'adaptation des réseaux à leurs besoins au meilleur prix. Olivier Defoort, directeur adjoint des réseaux de NC Numéricâble, souligne qu'un câblo-opérateur dispose seul de la maîtrise technique complète de son réseau. Le nerf de la guerre sera le coût des DSLAM (Digital Subscriber Line Access Multiplexer) : ces matériels installés dans les centraux téléphoniques reçoivent le signal d'une chaîne en technologie multicast et le démultiplient sur chaque ligne téléphonique sur les deux ou trois derniers kilomètres d'un millier de foyers à chaque fois. Pour recevoir la télévision sur ADSL, il suffit de se munir d'un décodeur branché sur sa prise téléphonique. Il apparaît que la télévision sur ADSL offrira une qualité d'image comparable à la télévision par satellite. Reste à savoir si techniquement, cela pourra fonctionner. "Aujourd'hui les opérateurs téléphoniques ne sont pas sûrs d'avoir l'architecture et les capacités réseau qui conviennent au déploiement de la télévision multichaînes sur ADSL", explique Rodolphe Belmer, responsable stratégie et marketing chez Canal+. Le système de compression numérique utilisé par la télévision sur ADSL permet de ne se concentrer que sur les éléments de l'image qui ont changé, ce qui peut toutefois poser des problèmes dans la retransmission de matches de football par exemple, où l'image évolue rapidement. "La télévision sur ADSL est plus un effet d'annonce médiatique qu'autre chose", lâche Daniel Courcol, chef de projet de gestion de programmes chez NC Numéricâble. "Il est nécessaire de poser encore de multiples questions. Quelle est la limite du réseau ? Est-ce qu'ils vont pouvoir lancer 100 chaînes ?" Une fois réglés les problèmes techniques éventuels, il faudra savoir à quel coût par abonné pourrait se faire un lancement. Les acteurs du secteur évaluent actuellement à environ dix euros le coût de la télévision par ADSL, contre deux euros pour le satellite. La viabilité économique de la télévision par ADSL paraît en général située au milieu de cette fourchette, mais les chaînes interrogées se refusent à fournir de chiffres. "Il n'est pas exclu qu'on puisse dans nos modèles intégrer des baisses de prix des DSLAM qui nous montreraient qu'on pourrait atteindre un prix de bande passante plus raisonnable. Auquel cas on pourrait envisager un lancement dans les 12-18 mois", explique Rodolphe Belmer de Canal +. Eric Cremer, directeur marketing du Studio Multimédia de TF1, chef du projet Dream TV, souligne que le risque de base est bien moindre que celui du satellite, qui nécessitait un investissement fixe immédiat alors que TF1 pourrait positionner ses décodeurs DSLAM progressivement. "Il n'y aura pas de problème de rythme de déploiement", assure-t-il. Alors que le CSA a attribué début juin les fréquences des six multiplexes de six chaînes de la TNT, les grands groupes de télévision semblent hâter les préparatifs à leur alternative par l'ADSL. TF1 ne cache pas son opposition pour la TNT, jugée déjà obsolète, mais pour Canal+, l'une n'exclut pas l'autre. "Nous pensons que cela peut coexister", déclare Rodolphe Belmer. "Dans un cas, le vecteur sera internet, dans l'autre la télé gratuite. On ne va pas s'adresser à la même cible de clientèle".