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W O R K   A C A D E M Y

Un feuilleton warholien pour les quotidiens jurassiens
Les adolescents ont leur photo dans le journal mais ne trouvent pas de travail. Sur les terrasses, on commence à accuser Pascal Couchepin. Un vrai feuilleton.

PAR LARGEUR.COM

 


U
n feuilleton situé dans le monde du travail tient en haleine les lecteurs des quotidiens jurassiens. Une sorte de «reality work» avec Paméla, Ophélie ou Célia dans le rôle des starlettes; Nico, Yann ou Johann dans celui des forts à bras; et Pascal Couchepin incarnant l'axe du mal.

Dans le train régional Moutier-Bienne, une jeune fille s'adresse à son amie: «T'as vu, t'es en photo dans le journal!». «Je suis en photo, mais je n'ai toujours pas trouvé de boulot», réplique l'amie dépitée.

Les mois de juillet et août ont toujours représenté une traversée du désert pour les médias. Avec «Les Nouveaux Diplômés», les quotidiens jurassiens ont lancé ce qui allait devenir le feuilleton de l'été. Et les lecteurs, toutes générations confondues, se sont mis à rechercher leurs proches qui «sont dans leur journal». Opération réussie.

C'est avec les cérémonies de remise des diplômes de toutes les écoles et institutions de la région que débute ce feuilleton. Durant une bonne semaine, les photos des diverses volées d'apprentis et d'étudiants accompagnées des listes alphabétiques de leurs noms remplissent de pleines pages.

Dans le second épisode, les photos de groupes ont laissé place à des portraits. A nouveau, des pages entières. On y découvre Paméla, Ophélie, Célia, Jonas, Nico, Joël ou Yann. Ils y apparaissent tout sourire, dans des encarts publicitaires achetés par l'entreprise qui les a formés, par des parents ou par des proches.

Le grand magasin Manor exprime ses plus vives félicitations à Tiziana, Valérie et Charline. La boucherie Paupe félicite chaleureusement son apprenti Julien. La menuiserie Luder se réjouit de la naissance d'un nouveau charpentier, Johann. Publicitas adresse un grand bravo à Jelena dont le joli visage ne passe pas inaperçu. Les entreprises sont presque toutes là. Et les publicitaires se frottent les mains.

Mais à ce petit quart d'heure de célébrité warholien, David, Camille, Joëlle, Mathilde -- et bien d'autres jeunes gens passés sans transition du statut d'apprentis à celui de chômeurs -- préféreraient un retour à l'époque bénie de leurs parents. Ceux-ci «n'étaient pas dans le journal» mais ils y trouvaient des offres d'emploi.

«La crise laisse deux cents apprentis sur le carreau», titre le Quotidien jurassien en première page le 11 juillet. Ce nouvel épisode, plus dramatique, nous fait quitter les sourires des deux premiers. Ici, il n'y a plus photo...

Les six districts jurassiens traversent une période extrêmement pénible pour la formation professionnelle. La recherche d'une place d'apprentissage ressemble à un véritable parcours du combattant.

La mauvaise conjoncture économique ne touche pas seulement les professionnels. Pour Jean-Luc Portmann, chef du Service jurassien de la formation professionnelle, «la situation est catastrophique». Le canton du Jura a d'ailleurs engagé un démarcheur de places d'apprentissage.

De nombreux jeunes ont dû renoncer à leur projet professionnel initial. D'autres -- près d'un sur cinq -- ont opté pour une dixième année scolaire alors qu'ils n'en avaient pas besoin, reportant le problème à l'an prochain. Quant aux étudiants, ils ne se font guère d'illusion quant à la possibilité de trouver un emploi au pays une fois leur formation terminée.

A qui la faute? La manchette du 12 juillet nous met la puce à l'oreille. «Couchepin invité à Moutier». Soulagé d'avoir affronté le courroux de Vladimir Poutine, le président se coltine maintenant celui des Prévôtois.

Durant le premier semestre 2003, la ville a passé de 7700 à 7500 habitants. Ses autorités sont en colère et dénoncent la politique «incompréhensible, incohérente et discriminatoire» du Conseil fédéral. «Le confort des Zurichois passe avant le développement de l'Arc jurassien», estime le maire, Maxime Zuber dans Le Temps du 12 juillet.

Retards annoncés sur les chantiers de l'A16, Rail 2000 qui ignore toujours les Jurassiens, appréciation du franc suisse pénalisant les régions industrielles, mesures de rationalisation envisagées par La Poste: autant de sujets qui fâchent. Le président de la Confédération osera-t-il s'en expliquer dans le cadre d'un débat public organisé à Moutier?

Sur les terrasses, les paris vont bon train. Le feuilleton continue.


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