Irak -Retour à la maison pour le soldat Lynch, héroïne médiatique par Deanna Wren PALESTINE, Virginie-Occidentale, 22 juillet (Reuters) - Jessica Lynch, la militaire américaine blessée en Irak et dont le calvaire avait été monté en épingle comme une fiction médiatique sur l'héroïsme américain, doit rentrer mardi chez elle dans son petit village de Virginie-Occidentale, où l'attendent drapeaux, rubans jaunes et camions de télévisions. Et pour certains critiques des médias, lorsque la jeune fille de 20 ans arrivera à bord d'un hélicoptère Blackhawk et sera accueillie par sa famille et ses amis, ce n'est pas tant le retour d'une militaire blessée que filmeront les caméras de télévision, mais plutôt une émission de télé-réalité co-produite à des fins de propagande par le gouvernement américain et des journalistes crédules. "Ca n'a plus d'importance aux Etats-Unis de savoir si quelque chose est vrai ou faux. La population a été conditionnée pour tout accepter: les mélos, les mensonges, les menaces de bombes atomiques", déclare ainsi John MacArthur, éditeur du magazine Harper's. Lynch circulait au sein d'un convoi de la 507e compagnie de maintenance le 23 mars, quand son unité est tombée dans une embuscade près de la ville de Nassiriah. Onze soldats ont été tués et neuf autres blessés lors d'affrontements qui ont duré une heure et demie. MISE EN SCENE DE L'OPERATION DE SAUVETAGE Lynch est devenue une héroïne nationale quand les médias, citant des responsables américains anonymes, ont rapporté qu'elle s'était battue farouchement avant d'être capturée, continuant à tirer sur les forces irakiennes malgré de nombreuses blessures par balles et à l'arme blanche. Au bout du compte, les enquêteurs militaires ont conclu qu'elle avait été blessée quand la jeep Humvee qu'elle conduisait a été atteinte par une grenade RPG et a percuté le camion roulant devant elle. L'armée a également révélé que de nombreuses armes des membres de l'unité de Lynch avaient mal fonctionné ce jour-là et que si le convoi était tombé dans cette embuscade, c'est parce qu'il s'était perdu. L'enquête n'évoque pas l'opération de sauvetage de Lynch qui allait suivre et que beaucoup soupçonnent d'avoir été largement mise en scène par le Pentagone qui a diffusé une vidéo montrant l'assaut mené par des forces spéciales américaines sur l'hôpital irakien où elle était soignée. Les médecins irakiens de l'hôpital ont ensuite déclaré que les forces américaines n'avaient pas rencontré la moindre résistance et que l'opération avait été dramatisée à l'excès. Lynch elle-même a été citée affirmant qu'elle n'avait aucun souvenir ni de l'embuscade ni de l'opération de sauvetage. "Le raté dans cette affaire, c'est que les médias ont été amenés à penser que l'on pouvait faire confiance au gouvernement pour ce qui est de refléter la réalité", explique Carolyn Marvin, professeur dans une école de communication de l'université de Pennsylvanie. Un porte-parole du commandement central américain en Floride n'a pas souhaité faire de commentaire quand on l'a interrogé sur les affirmations selon lesquelles ce récit héroïque n'était en fait que de la propagande gouvernementale. CBS ET LE WASHINGTON POST CRITIQUES Le Washington Post, qui a été le premier à raconter la version héroïque de la capture de Lynch, a été sévèrement critiqué par son propre médiateur, Michael Getler, pour son traitement de cette affaire. "Pourquoi les informations contenues dans cette histoire, dont les aspects les plus attirants étaient faux, sont-elles restées incontestées pendant si longtemps", s'est-il interrogé. "Quelles étaient les motivations (et même les identités) de ceux qui ont révélé et entretenu ce mythe, et pourquoi les journalistes ne l'ont-ils pas creusé plus profondemment et plus vite? L'histoire sentait mauvais presque depuis le début", a-t-il ajouté. CBS News a également été critiquée pour avoir proposé à Lynch un projet de film sur son histoire alors que la chaîne essayait de la convaincre de lui accorder une interview sur son expérience. Dimanche, le président de CBS a reconnu que sa chaîne avait probablement commis une erreur en faisant cette offre. Reste que pour les habitants du village de Palestine, Lynch est bien une héroïne. Ils ont d'ailleurs l'intention de la protéger des dizaines de journalistes qui sont arrivés dans le village pour suivre son retour. "C'est une héroïne dans sa ville natale, aucun doute là-dessus", affirme J.T. O'Rock, le gérant d'un magasin sur la devanture duquel il a installé un drapeau et un ruban jaune. "Cette pauvre gamine va devoir se cacher pour simplement trouver un peu de tranquillité." /ST