Le jeudi 21 août 2003.
Société / Etats-Unis / Vie privée / Multinationales

Gillette renonce à fliquer les acheteurs de rasoirs

Les défenseurs de la vie privée en ont encore le poil hérissé
  

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Le fabricant américain de rasoirs Gillette affirme renoncer à la traçabilité et à la surveillance de ses produits pour une dizaine d'années. Un boycott de la marque avait été lancé par les défenseurs de la vie privée après la découverte d'un procédé de puces électroniques permettant de photographier chaque acheteur en magasin. Les opposants à ce système exigent une déclaration officielle de Gillette avant de cesser le boycott.

Le 21 juillet dernier, l'ONG Consumers Against Supermarket Privacy Invasion And Numbering (CASPIAN) révélait dans un communiqué que la marque Gillette testait dans un supermarché anglais un nouveau procédé permettant de photographier chaque client prenant dans un rayon un paquet de lames de rasoir Gillette Mach 3.

Mis en place dans un supermarché de la chaîne Tesco situé à Cambridge, le système repose sur l'utilisation de la technologie RFID (Radio Frequency Identification), ces puces à identifiant unique qui émettent des ondes radio et pourraient remplacer les codes-barres sur les produits de consommation (Lire notre dossier).

Lutte contre le vol
Poussé par des industriels enthousiastes à l'idée de pouvoir tracer presque instantanément chaque produit, le développement de ces "étiquettes intelligentes" ("Smart Tags", en VO) inquiète les défenseurs de la vie privée, qui critiquent ce puissant moyen de surveillance des citoyens et des consommateurs (Lire notre article).

Mais le test de Cambridge va bien au-delà de la traçabilité des articles à des fins commerciales. C'est avant tout une mesure anti-vol. Déclenché par les puces RFID, un appareil photo intégré au présentoir prend un cliché de chaque personne décrochant un paquet de lames de rasoir. Ensuite, comme le raconte un article du quotidien britannique The Guardian, une seconde image est prise à la sortie, ce qui permet alors aux vigiles de vérifier que le client a bien payé ses lames.

La lutte contre le vol est l'une des préoccupations majeures de Gillette. Onéreux et néanmoins de nécessité courante, ses paquets de lames figurent en effet parmi les articles les plus souvent dérobés en magasin. Ceci explique l'intérêt de la marque pour la technologie RFID. Selon The Guardian, Gillette aurait commandé 500 millions d'étiquettes intelligentes. L'un des vice-présidents de Gillette, Dick Cantwell, préside par ailleurs le conseil de surveillance de l'Auto-Id Center, un laboratoire du Massachussetts Institute of Technology chargé de développer la traçabilité des étiquettes intelligentes via internet (Lire notre article).

Boycott maintenu
Ces développements laissent CASPIAN de marbre. "Photographier et tracer les consommateurs sans leur consentement est inacceptable, estimait en juillet sa directrice, Katherine Albrecht. Nous voulons adresser un message clair à Gillette et aux autres entreprises : les consommateurs ne toléreront pas d'être espionnés par les produits qu'ils achètent."

Dans la foulée, CASPIAN lançait un appel au boycott de la marque à travers le site Boycott Gillette.

La réaction de Gillette est intervenue le 14 août dans un article du Financial Times. Un porte-parole y indiquait que la marque renonçait pour au moins dix ans à tout procédé permettant de tracer individuellement chacun de ses produits.

Jusqu'en 2013, Gillette dit vouloir se contenter d'implanter des puces électroniques dans ses palettes et ses cartons de lames de rasoir pour en suivre l'acheminement, depuis l'usine jusqu'au magasin.

Cette marche arrière ne convainc pas totalement CASPIAN. Dans un nouveau communiqué, l'ONG indique qu'elle ne suspendra l'appel au boycott que lorsque Gillette aura publié une annonce officielle en bonne et due forme.

"Nous voulons être sûrs que [les déclarations faites au Financial Times] ne sont pas un moyen commode d'apaiser le nombre écrasant de consommateurs qui ont écrit ou téléphoné à Gillette pour leur dire qu'ils étaient furieux et qu'ils changeaient de marque de rasoirs", explique Katherine Albrecht.

Le site de CASPIAN:
http://www.nocards.org/

L'appel au boycott de Gillette:
http://www.boycottgillette.com/

The card up their sleeve (The Guardian):
http://www.guardian.co.uk/weekend/story/0,3605,999866,00.html

Gillette axes chip plan to monitor its customers (Financial Times, sur abonnement):
http://search.ft.com/search/article.html?id=030814001072

Dossier: les étiquettes intelligentes (Transfert.net)
http://www.transfert.net/d54



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