Un rapport décrit l'avancée du système 
            d'écoute des télécommunications français
Les interceptions ont progressé de 400% en 
            5 ans. Mais il y a un déficit d'image...
            
            Bernard Carayon a rendu le 22 octobre son rapport 
            parlementaire sur le volet renseignement du budget de la Défense 
            nationale, adopté le 4 novembre. Il révèle que les interceptions, en 
            matière de télécommunications, ont progressé de 400 % en 5 ans, 
            confirmant ainsi l'importance prise par le système français d'écoute 
            "Frenchelon". Les services de renseignement manqueraient cela dit 
            d'effectifs, selon le député UMP. Auteur d'un récent rapport sur 
            l'intelligence économique française, il plaide pour une amélioration 
            l'image de marque de l'espionnage, notamment auprès des grandes 
            écoles. 
            Moins connu que son grand frère Echelon, le programme 
            français de surveillance des télécommunications, ironiquement 
            surnommé "Frenchelon" 
            par les anglo-saxons, constitue l'un des principaux axes du 
            renseignement "made in France". 
            Parent pauvre du renseignement 
            international
Signe de l'importance prise par le recueil 
            et l'exploitation du renseignement d'origine technique et 
            électromagnétique, Bernard Carayon révèle ainsi que les 
            interceptions ont progressé de 400 % en 5 ans. 
            Malgré cette hausse d'activité, le rapport déplore le 
            manque de moyens alloués à la Direction générale de la sécurité 
            extérieure (DGSE). Alors que ses besoins augmentent et qu'Allemands, 
            Britanniques et Américains dotent leurs services respectifs de 
            moyens en progression de 30 % à 40 %, son budget enregistre une 
            baisse de 5% : "En 2004, c'est un total cumulé de 
            50 millions d'euros de crédits de paiement qui manqueront à la 
            DGSE". Si la situation est jugée "inquiétante", le budget prévoit néanmoins d'aménager 
            et rénover les centres d'interception existants, mais aussi de 
            poursuivre la construction, entamée en 2002, d'un centre en 
            partenariat avec la Direction du renseignement militaire (DRM). 
            La DRM, créée en 1992 suite à la Guerre du Golfe pour 
            des missions purement militaires (alors que la DGSE oeuvre notamment 
            dans le domaine économique et politique, Ndlr), voit quant à elle 
            son budget augmenter de façon notable : "les 
            dotations de la DRM augmenteront de 20,8 % (à 16,82 millions 
            d'euros), afin de poursuivre la modernisation des équipements qui 
            contribuent au renseignement d'origine électromagnétique 
            stratégique", ainsi que le note Yves 
            Fromion, député UMP du Cher, vice-président de la Commission de 
            la défense et auteur du rapport 
            sur les crédits de l'espace, des communications et du renseignement. 
            Cette activité dispose d'une enveloppe globale estimée à 1,3 
            milliard d'euros, telle que définie par la loi de programmation 
            militaire, qui court jusqu'en 2008. 
            Les beaux jours de l'espace 
            militaire
L'automatisation de l'interception devrait ainsi 
            être développée en 2004, notamment celle visant les "flux générés par l'utilisation d'Internet" et "la capacité à intercepter de nouveaux systèmes de 
            télécommunications utilisant des codages propriétaires". 
            Dans le domaine de l'écoute, la France disposait 
            jusqu'ici, outre d'une dizaine de stations d'interception au sol, de 
            deux micro-satellites, baptisés Cerise et Clémentine, mis en orbite 
            en 1995 et 1999. En 2004, un nouveau programme, intitulé Essaim, 
            prévoit le lancement de quatre satellites supplémentaires "d'écoute des communications en constellation rapprochée 
            et en bande basse". Mis en orbite dans l'année, ils doivent être 
            exploités jusqu'en 2009. 
            Les nouveaux satellites français visent à servir d'"indice d'alerte dans la gestion des crises, tout en 
            favorisant l'évaluation des dommages", leur coût total étant 
            évalué à 79,3 millions d'euros. 
            De plus, un nouveau "démonstrateur" 
            (nom des "programmes" en matière d'écoute, Ndlr) 
            national est à l'étude, avec une mise en orbite prévue en 2008 et un 
            coût proche de 100 millions d'euros. 
            "Plus que jamais, l'espace, les 
            communications et le renseignement sont au coeur de la défense de 
            pays développés", estime le rapporteur Yves Fromion, qui 
            souligne un renforcement de cette tendance depuis les attentats du 
            11 septembre 2001. 
            Le député rappelle ainsi que la ministre de la Défense 
            s'est dit "convaincue que l'espace représente le même 
            enjeu aujourd'hui que la dissuasion nucléaire dans les années 
            soixante". 
            Ainsi, l'année 2004 verra aussi le lancement du 
            premier satellite Hélios II A qui, en termes de renseignement par 
            l'image, améliorera les capacités françaises, le nombre et la 
            qualité des prises de vue. 
            La France peine à embaucher ses 
            espions
Timidement mais sûrement, la France tente ainsi de 
            suivre les traces, en matière de renseignement technique, des 
            États-Unis. Ses capacités en matière de renseignement humain sont 
            par ailleurs reconnues dans le monde entier. Mais, paradoxalement, 
            elle manque encore de personnel. 
            Selon Bernard Carayon, la DGSE, qui emploie un total 
            de 4698 personnes (civiles et militaires confondus), pâtirait ainsi 
            d'un déficit de 50 à 100 postes par an. Les effectifs réels de la 
            Direction du renseignement militaire (DRM) seraient quant à eux "inférieurs de 13% aux droits budgétaires ouverts", 
            selon Yves Fromion. 
            Du fait des problèmes d'avancement au sein des armées, 
            de nombreux militaires hésitent en effet à entrer à la DGSE. Les 
            effectifs civils ont quant à eux augmenté de 15,9% depuis 1994, 
            notamment dans les domaines de l'informatique, de l'électronique et 
            des télécommunications, et le nombre d'ingénieurs de haut niveau est 
            passé de 10 en 1994, à 131 en 2003. Pourtant, Yves Fromion déplore 
            le fait que, pour ce qui est de la DRM, "le niveau des 
            rémunérations proposées ne permet guère de rivaliser sur le marché 
            des entreprises ni même avec certains services de l'État". 
            Le problème ne s'arrête pas là, selon Bernard Carayon. 
            Le député estime que "les services de renseignement 
            n'ont ni la place dans l'État ni l'image dans l'opinion publique 
            qu'ils méritent". Pour rémédier à ce déficit, le rapporteur juge 
            "indispensable que la politique de communication 
            auprès des grandes écoles soit significativement renforcée" et 
            propose de créer un poste de porte-parole de la DGSE. Bernard 
            Carayon s'étonne au passage du fait que le fleuron du renseignement 
            français "ne dispose pas d'un site Internet propre, à 
            l'instar de ses homologues étrangers, comme la CIA".