Spécial photo numérique
Stockage des photos : attention, danger !

La menace est très sérieuse : toutes nos photos numériques risquent un jour de disparaître, car aucun support de stockage n'est étudié pour traverser les années...

Olivier Bruzek

Le sujet est hautement tabou. Peut-être parce que, dans la folie numérique qui s'est emparée de la photographie, personne ne s'est posé la question. De fait, aujourd'hui, personne ne sait véritablement comment sauvegarder les milliards de clichés électroniques pris chaque année sur la planète. Entendons-nous bien, des solutions de sauvegarde existent. Mais elles sont provisoires. Une fois qu'elle est enregistrée, une photo peut être facilement conservée sur un disque dur ou sur un CD que l'on grave. Le problème, c'est qu'aucune de ces deux technologies n'a été conçue pour résister au temps.

Prenons le CD-ROM. Avec l'apparition des graveurs bon marché, une grande majorité des utilisateurs de photographie numérique l'ont adopté pour y enregistrer leurs précieux clichés. Mais, après quelques années, les plastiques sont irrémédiablement érodés. Résultat, les informations stockées sur ces disques sont illisibles. Certes, les fabricants ont bien imaginé de commercialiser des disques spéciaux plus robustes (voir encadré) et promettent plusieurs dizaines d'années de durée de vie, sous réserve que ces disques soient stockés à l'abri de la lumière, dans une pièce à hygrométrie constante, qu'ils ne subissent aucune rayure... Mais ce n'est qu'une promesse, car les techniques de fabrication qu'ils utilisent sont bien trop récentes pour que l'on soit certain qu'elles résisteront effectivement à plus d'une décennie.

Les disques durs qui équipent nos ordinateurs ne sont guère mieux lotis, même si ce moyen de stockage est celui qui, pour les consommateurs, a la réputation la plus flatteuse dans le domaine. Si leurs fabricants, là encore, promettent plusieurs années de fonctionnement pour ces lecteurs, aucun ne peut s'engager à garantir un nombre précis d'années de service. Après avoir fonctionné entre cinq ans et dix ans de façon intensive, un disque dur présente un risque très élevé de rendre l'âme, la plupart du temps pour des raisons électroniques. Et quand bien même on enregistrerait ses photos sur un disque dur qu'on enfermerait à double tour dans un tiroir afin de ne pas l'user, ce ne serait pas l'idéal. A l'instar d'une voiture, un disque dur a besoin de fonctionner un minimum de temps pour entretenir ses parties mécaniques...

Le plus paradoxal, c'est que le problème de la conservation du patrimoine photographique ne s'était jamais véritablement posé. En effet, avec nos bonnes vieilles pellicules, on sait que les négatifs et surtout les diapositives, à condition qu'ils soient stockés à l'abri de la chaleur et de la lumière, ont une durée de vie de plusieurs dizaines d'années. Faut-il donc abandonner la technologie prometteuse du numérique et revenir à la bonne vieille pellicule ? Aujourd'hui, personne n'a la réponse. Le problème du stockage de la photo numérique est, en fait, général. Il concerne tous les types de documents électroniques. Les entreprises et les organisations officielles qui, aujourd'hui, génèrent toujours plus de documents électroniques sont les premières touchées par le phénomène. Or, la seule solution que ces grandes structures aient trouvée passe par la multiplication à intervalles réguliers des copies de leurs précieuses informations.

Les particuliers soucieux de protéger leurs informations ne doivent pas s'y prendre autrement. Recopier en plusieurs exemplaires tous les cinq ans l'ensemble de ses archivages électroniques permet d'avoir une garantie. L'opération est, certes, lente et fastidieuse, mais elle demeure la plus fiable du moment, surtout lorsque l'on connaît les risques qu'il peut y avoir à confier la gestion de ses informations électroniques à des tiers.

Ces coffres-forts de données sont généralement accessibles depuis l'Internet. Leur principe de fonctionnement est simple. Vous envoyez votre photo électronique sur un site qui la conserve pour vous. Ce business, imaginé outre-Atlantique, a été baptisé « data warehousing », littéralement entreposage de données. Initialement réservée aux professionnels, cette activité s'ouvre de plus en plus au grand public, à l'image d'Apple Computer, qui a ouvert un service de stockage de données extrêmement performant mais qui facture 100 dollars par an la location d'un espace de 100 Mo. Pour le prix, on a accès, il est vrai, à une multitude de services annexes, comme un antivirus, un système de synchronisation de ses données, un autre pour mettre ses photos en ligne, etc. Mais cela reste cher.

Il existe également des sites qui assurent la gratuité du stockage de vos photos. Avec eux, deux problèmes se posent. Le premier est que l'accès à vos photos dépend de la survie économique du site. Si celui-ci met la clé sous la porte, vous avez toutes les chances de perdre vos photos. L'autre problème, c'est que ces sites ne vous garantissent pas qu'ils garderont vos photos, un accident étant toujours possible. C'est ce qui est arrivé à Photoways, l'actuel numéro un du tirage à distance de photos numériques, qui, il y a quelques années, a perdu 10 % des photos de ses clients...

Pour éviter ce sérieux désagrément, la solution consiste à disposer avec soi du plus grand nombre possible de photos sur papier. En cas de perte du fichier original, rien n'est plus facile que de numériser une photo. Cette approche très pragmatique du stockage séduit de plus en plus de professionnels et d'amateurs. Pour cette opération, une imprimante photo ou un tirage effectué chez un professionnel font parfaitement l'affaire. L'idéal est d'effectuer un tirage de grand format afin de faire ressortir le plus de détails possible. A charge pour vous de protéger ces épreuves afin d'être certains que, même après de nombreuses années, l'émotion d'un cliché restera intacte

Comment choisir son CD à graver

Le CD « Gold » ! La Rolls-Royce des CD-R

Le « dye » (la couche sur laquelle sont écrites les informations) est fait d'une fine couche d'or le rendant très résistant. Il est généralement admis que dans les conditions « normales » d'utilisation (pas de rayures graves, rangé dans son boîtier dans un endroit tempéré et à l'abri d'une exposition directe au soleil), il pourrait garder les données qu'il conserve pendant vingt ans. Il est particulièrement conseillé pour la conservation d'images numériques. C'est ce type de CD qu'utilisent les photographes, les industriels et les radiologistes pour leurs archives. On le trouve de plus en plus, y compris dans certaines grandes surfaces spécialisées -

Le CD « Carbone » : Le CD-R du baroudeur

Il contient du carbone, qui le rend moins sensible aux ravages des UV. Sa durée de vie serait comparable à celle des CD « Gold ». Il est facilement reconnaissable car il est entièrement noir. Attention à ne pas le confondre avec les CD-R « Black », qui ne contiennent pas de carbone mais sont noirs pour des raisons de marketing. Une astuce pour les différencier : lorsqu'on les expose à la lumière d'une ampoule, le CD « Carbone » est en fait violet, tandis que le « Black » est... noir -

Le CD « Metal » : Le CD-R bon marché

Son « dye » est composé de métal. C'est le CD normal, plus fragile que les précédents, mais beaucoup moins cher. Il peut conserver des documents au moins cinq ans. Attention ! les CD-R vendus à bas prix en paquets de 25, 50 ou 100 (sans emballage) ne sont pas faits pour durer et les données qu'ils contiennent peuvent devenir peu lisibles au bout de quelques années. En fait, il faut se servir de tels CD un peu comme d'une disquette, c'est-à-dire comme moyen de stockage temporaire... Marc Mitrani

© le point 25/04/03 - N°1597 - Page 96 - 1244 mots

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