XXIe siècle/Environnement
Un froid solaire
Se 
rafraîchir avec le soleil? Ce n'est pas de la science-fiction mais une technique 
fiable et propre. Utilisée depuis un an dans des bureaux, elle pourrait bientôt 
arriver chez vous.
Par Matthieu ECOIFFIER
samedi 22 mai 2004 
Naturelle et gratuite Faire du froid grâce au soleil ? Le «rafraîchissement solaire» n'est 
pas de la science-fiction, ni un oxymore écolo-utopique, mais une technique 
fiable, déjà mise en oeuvre. En France, les bureaux du CSTB ont été les premiers 
à s'en équiper, il y a un an. Alors qu'avec les beaux jours revient la peur 
d'une nouvelle vague de chaleur meurtrière et que les particuliers se ruent sans 
discernement sur les climatiseurs mobiles (lire page 45), le rafraîchissement 
solaire est une solution de rechange qui semble promise à un bel avenir. «90 
% du marché du solaire thermique reste la production d'eau chaude sanitaire, 
rappelle Dominique Caccavelli, directeur du laboratoire des énergies 
renouvelables au CSTB. Mais deux autres applications ont un fort potentiel : 
le chauffage des piscines et surtout la climatisation solaire. C'est la plus 
logique : on a besoin de se rafraîchir lorsqu'il fait chaud et il se trouve que 
c'est le moment où il y a le plus de soleil.» Mieux, l'été, les épisodes de 
canicule s'accompagnent de fortes pollutions de l'air, couplées à des baisses de 
la capacité de production d'électricité. Autant de problèmes résolus par le 
solaire qui utilise localement une énergie naturelle propre. Et gratuite. Le solaire thermique ne doit pas être confondu avec le photovoltaïque, dont 
les cellules convertissent le rayonnement en électricité, qui peut alimenter 
ensuite un climatiseur classique. Cet autre procédé, moins vertueux sur le plan 
de l'environnement, n'est pas encore au point. «On a eu des clients de 
Bahreïn qui voulaient installer des cellules photovoltaïques sur leurs tentes au 
milieu du désert ! On leur a d'abord conseillé d'améliorer l'isolation de leur 
habitat», raconte Caccavelli. Avec le thermique, il s'agit au contraire de 
se servir du rayonnement lumineux pour chauffer de l'eau. Puis fabriquer du 
froid avec cette chaleur. Comment ? Déposez une goutte d'éther sur votre paume : 
lorsqu'elle s'évapore, elle procure instantanément une sensation de fraîcheur. 
La «machine à absorption thermochimique» utilise un principe analogue. 
«L'énergie des capteurs solaires permet de faire évaporer l'eau, qui est 
mélangée avec un sel (bromure de lithium), comme c'est le cas de l'alcool dans 
un alambic. Ensuite, cette solution saline agit comme une éponge : elle attire à 
nouveau l'eau qui entre-temps a été condensée et l'absorbe en la faisant 
repasser sous forme de vapeur d'eau. C'est à ce moment-là que le froid est 
produit, explique André Joffre, PDG de Tecsol, le bureau d'études qui a 
réalisé l'installation. Dans un réfrigérateur, le gaz réfrigérant, compressé 
par un moteur, produit du froid lorsqu'il se détend. Dans ce cas, c'est l'eau 
chaude qui se détend. L'avantage, c'est que l'eau est neutre sur le plan 
environnemental. Alors que dans une climatisation ordinaire, le fluide 
frigorigène contribue lourdement à l'effet de serre lors des fuites.» Seul 
accroc énergétique du procédé : une petite tour de réfrigération est nécessaire 
pour le faire tourner. Elle consomme une très faible quantité 
d'électricité... Ça marche et c'est fiable Question confort, la climatisation solaire permet d'éviter le bourdonnement 
permanent du compresseur classique. «Hormis quelques cliquetis, la machine 
est silencieuse. Par ailleurs, lorsqu'il fait 30 °C dehors, les gens ont 
tendance à régler leur climatisation à 22 °C. Avec le solaire, on évite cette 
claque du chaud-froid. La transition est hyperagréable, souligne Rodolphe 
Merlot, ingénieur au CSTB. Et pour ne pas être à la merci des passages 
nuageux, on peut imaginer d'avoir un appoint électrique.» «La clim 
solaire, ça marche et c'est fiable», résume André Joffre. La preuve ? Une 
installation similaire fonctionne depuis douze ans à la cave de Banyuls, près de 
Perpignan : 130 mètres carrés de capteurs solaires permettent d'y maintenir 2 
millions de bouteilles de vin de Collioure à la température constante de 17 °C. 
Le bâtiment de la direction de l'environnement (Diren) de la Guadeloupe a, lui 
aussi, la clim solaire. Au CSTB de Sophia-Antipolis, 63 mètres carrés de 
capteurs rafraîchissent 1 000 mètres carrés et les 70 salariés. Un peu plus loin 
sur la même colline, une filiale de L'Oréal est en train de passer au 
rafraîchissement solaire : plus de 500 mètres carrés de tubes solaires sont 
intégrés à des pergolas en bois et vont bientôt produire plus de 500 kW de 
froid. Mais c'est à l'étranger que la climatisation solaire se développe le plus 
rapidement. «En Allemagne, une trentaine de bâtiments en sont déjà équipés et 
de nombreux programmes sont en cours», indique André Joffre. Tous sont des 
bâtiments tertiaires de grande taille.  Pour l'heure, les dispositifs disponibles sont encore trop gros et trop chers 
pour le marché de la maison individuelle. «Il faut 1 mètre carré de capteurs 
pour rafraîchir 5 mètres carrés. Si vous n'avez pas un toit-terrasse de 300 
mètres carrés, vous êtes coincé», explique Pierre Richard. Autre talon 
d'Achille, le coût du procédé. «La climatisation solaire est trois fois plus 
chère que la classique : 2 500 euros le kW de froid, contre 800 euros. Le retour 
sur investissement est de huit ans», reconnaît-on chez Tecsol. Il y a certes 
les aides publiques (Ademe, conseils régionaux) qui font baisser, un peu, le 
coût. Sans oublier une facture d'électricité amputée de moitié. A terme, 
l'industrialisation fera baisser les coûts. L'installation pilote du CSTB (96 
000 euros) a coûté 40 % moins cher que celle de Banyuls. Idem pour le matériel. 
Les Chinois produisent déjà des tubes sous vide à tour de bras. Les Allemands 
ont converti leurs chauffagistes en industriels du génie climatique éolien et 
solaire. En France, deux fabricants, Giordano et Clipsol, ont survécu aux aléas 
du marché du solaire, qui avait été subventionné après le second choc pétrolier, 
avant d'être délaissé quand le prix du pétrole a baissé. «Avec le solaire, on 
n'est plus dans l'artisanat baba cool. Mais tant que l'électricité restera si 
peu chère, ce système n'aura aucun intérêt sur le plan économique», 
reconnaît Dominique Caccavelli. La maison du futur Le gain en termes d'image n'est pourtant pas négligeable. «Faire son siège 
social au solaire, c'est aussi marquer sa volonté de participer au développement 
durable», note-t-on chez Tecsol. La clim solaire reste un bon vecteur pour 
promouvoir... le chauffage solaire. Trois chiffres résument le retard français : 
en 2003, la Chine a installé 4 millions de mètres carrés de capteurs, 
l'Allemagne 1,5 million, la France, 40 000 mètres carrés à peine. Les promoteurs 
des énergies de rechange restent pourtant rétifs. «L'Ademe (Agence de 
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) est opposée à la 
climatisation solaire. Pour eux, un bâtiment bien conçu, orienté et ventilé, 
n'en a pas besoin», explique-t-on au CSTB (lire page suivante). «Nous 
avons quand même financé une partie de ces installations de démonstration, 
se défend Jean-Louis Bal, le directeur des énergies renouvelables à l'Ademe. 
On ne veut pas faire la promotion de la climatisation solaire tant qu'elle 
coûtera cher et qu'il n'y aura pas de machines pour les maisons individuelles.» 
Ce qui ne tardera peut-être pas à changer. Des prototypes de petites 
machines sont dans les cartons de fabricants au Japon, en Espagne et outre-Rhin. 
«La maison du futur sera bioclimatique, peu consommatrice d'énergie et 
équipée d'au moins 15 mètres carrés de capteurs solaires thermiques», prédit 
André Joffre. Eau chaude toute l'année et un peu de frais en été...
Sophia-Antipolis 
envoyé spécial
endant la canicule de 
l'été dernier, ils ont rafraîchi leurs bureaux. Mais pas avec une climatisation 
traditionnelle, ce réfrigérateur pollueur et dispendieux. «En moyenne, on 
avait 5 °C de moins qu'à l'extérieur. Seul problème, ça marchait moins bien au 
passage des nuages et les jours gris d'orage», raconte Pierre Richard, 
ingénieur au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) de 
Sophia-Antipolis. Pas étonnant lorsqu'on a une «clim solaire». A première vue, 
rien ne distingue ces bâtiments du début des années 80, avec leurs pare-soleil 
ondulés en béton. N'étaient, posées sur l'une des terrasses surplombant les pins 
et la garrigue des collines de l'arrière-pays antibois, deux impressionnantes 
rangées de panneaux solaires. Une succession magnifique de tubes de verre qui 
rappellent de grandes orgues. Dans chaque tube, placé sous vide pour une 
isolation optimale, une feuille de cuivre sous laquelle court un petit tuyau 
rempli d'eau absorbe la chaleur des UV. «J'ai un logiciel pour orienter les 
panneaux à 60 ° du rayonnement», explique Pierre Richard.
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