A France 3, sept ans de
piges et puis s'en va
Remercié du jour au
lendemain, un journaliste est en procès à Nancy contre la chaîne.
Par Thomas CALINON
jeudi 27 mai 2004
Olivier Aubry, 32 ans, souhaite «dénoncer en public l'injustice qui [lui]
est faite», révéler «un cas d'école» sur les pratiques de
l'audiovisuel public et espère que son action fera boule de neige parmi les
journalistes précaires. Le 2 juin, le tribunal des prud'hommes de Nancy décidera
si la cessation brutale de son activité pour la chaîne, en 2001, doit être
requalifiée en licenciement abusif. Sans revenus. Aubry a commencé à travailler pour France 3 Reims en
décembre 1993. Journaliste pigiste, il couvre l'actualité des Ardennes, cumulant
les fonctions de rédacteur et de journaliste reporter d'images (JRI). «Je
travaillais quasi quotidiennement, j'étais hypermalléable. C'était le bonheur
pour eux», raconte-t-il. Mais lorsqu'il demande à être embauché en CDD,
étape indispensable pour espérer une titularisation, c'est niet. Et cela
dure jusqu'en février 2001. Après sept ans de collaboration et 1 015 jours de
travail, les piges cessent avec l'arrivée d'un nouveau rédacteur en chef. Du
jour au lendemain, Aubry et trois de ses collègues se retrouvent sans
revenus. Il contacte la direction de France 3 Lorraine-Champagne-Ardenne, soutient
qu'elle est dans l'obligation de l'intégrer ou de lui fournir la même quantité
de travail. En réponse, la direction des ressources humaines (qui n'a pas donné
suite aux sollicitations de Libération) lui fait parvenir un dossier
d'inscription au fichier national Antarès, une base de données qui recense les
journalistes occasionnels de France 3 et dans laquelle peuvent piocher les
locales de la chaîne pour recruter des CDD. «On me demandait de repartir à
zéro, de refaire mes preuves alors que je travaillais pour eux depuis sept
ans», résume-t-il. Selon Bruno Gaudouly, journaliste de France 3 à Metz et
membre du SNJ-CGT, «la direction lui a demandé d'aller jouer les précaires
ailleurs». A l'automne 2002, après avoir pris l'avis d'un contrôleur du travail qui lui
indique qu'il est «un collaborateur régulier auquel l'entreprise est tenue de
fournir du travail», Aubry entame une procédure prud'homale. Il la suspend
six mois plus tard à la demande de l'avocat de France 3, qui lui assure que la
chaîne va lui faire des propositions. Mais si 137 précaires de France 3 sont
«permanentisés» (titularisés) à l'échelle nationale en novembre 2003, lui
ne fait pas partie du lot. Pire, sa candidature à un poste de journaliste pour
France 3 Rhône-Alpes-Auvergne est arbitrairement écartée : «La direction
régionale précise que c'est à la demande de la DRH Paris que [sa] candidature a
été retirée», indique le procès-verbal de la réunion de concertation
régionale du 13 novembre 2003. «A partir du moment où il a été aux
prud'hommes, la direction a considéré qu'il ne faisait plus partie des
effectifs», explique Bruno Gaudouly, qui dénonce une gestion des ressources
humaines basée sur la «négation de la personne humaine et l'incapacité à
reconnaître ses torts». Avec un credo : «Tant qu'il n'y a pas de bruit,
pas de problème.» «Peur». Olivier Aubry, justement, compte faire du bruit. «Pleins de
mecs sont dans le même cas que moi, mais ils ne vont pas au conflit par peur
d'être grillés dans tout le secteur public. Mais j'ai des droits à France 3, il
n'y a aucune raison que j'aille chercher du travail ailleurs.» Pour le
moment, il est RMiste.
Strasbourg
correspondance
'est une nouvelle épine
dans le pied de France 3 Lorraine-Champagne-Ardenne. Un journaliste pigiste,
remercié après sept ans de collaboration, organise aujourd'hui un
happening de protestation devant le siège de la station régionale à
Nancy. Embêtant, deux semaines après la révélation d'un rapport de l'inspection
du travail de Meurthe-et-Moselle selon lequel, au niveau national, 259 précaires
sont en situation de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée (CDI) au sein
de la chaîne publique (Libération du 10 mai).
http://www.liberation.fr/page.php?Article=209484