Selon une étude menée par le centre de 
            recherche Pew, 51  % des professionnels de l'information 
            pensent que leur activité évolue dans la mauvaise direction. 
            Principaux fautifs  : la pression économique et le manque de 
            temps.
            
            New York de notre correspondant
            Les scandales après la découverte des falsifications de deux 
            journalistes du New York Times et de USA Today, et la 
            difficulté pour les médias de critiquer l'administration Bush après 
            les attaques du 11 septembre 2001 ont créé un malaise parmi les 
            journalistes américains.
            
             Selon une étude réalisée par le centre 
            de recherche Pew sur l'opinion et la presse et par le Project for 
            Excellence in Journalism (Projet pour l'excellence dans le 
            journalisme), 51 % des professionnels de l'information travaillant 
            pour des médias nationaux et 46 % pour des médias locaux pensent que 
            leur métier évolue dans une mauvaise direction.
            "En cette année électorale et à un moment où le public et les 
            politiques sont de plus en plus critiques sur la presse, nous 
            pensons qu'il était particulièrement important de voir ce que les 
            journalistes pensaient d'eux-mêmes, de leur profession et de leurs 
            performances", explique Tom Rosenstiel, directeur du Project for 
            Excellence in Journalism. En tout, 547 personnes ont été interrogées 
            entre le 10 mars et le 20 avril, des rédacteurs en chef, des 
            reporters et des dirigeants de quotidiens, de magazines, de services 
            d'information en ligne et de télévisions nationales et locales.
            Le malaise est notamment lié aux contraintes économiques plus 
            durement ressenties. Pour 66 % des journalistes d'organes nationaux, 
            les pressions financières "affectent sérieusement" la qualité 
            de la couverture de l'actualité. Ils n'étaient que 49 % à penser 
            ainsi en 1999 et 41 % en 1995. Le constat est le même dans les 
            médias locaux, le poids des impératifs économiques inquiète 57 % des 
            personnes interrogées, contre 46 % en 1999 et 33 % en 1995.
            "La plupart des secteurs de l'information, en dehors de 
            l'Internet, perdent de l'audience tant la concurrence est devenue 
            sévère", souligne M. Rosenstiel. D'où des restrictions 
            budgétaires. Les experts de Pew précisent que 4 % des emplois (2 000 
            postes) ont été supprimés dans la presse écrite entre 2000 et 2004. 
            Dans les réseaux nationaux des chaînes de télévision, le nombre de 
            correspondants a diminué de 35 % et les sujets traités par 
            journaliste ont augmenté de 30 %.
            Du coup, un nombre croissant de professionnels, 45 % cette année 
            contre 35 % en 1995, estiment que les erreurs factuelles sont de 
            plus en plus fréquentes. Ils sont encore plus nombreux, près de 80 
            %, à considérer ne pas consacrer assez de temps et ne pas avoir les 
            moyens d'approfondir les questions politiques et économique 
            complexes. Ils s'inquiètent aussi du fait que la pression économique 
            pourrait rendre la presse "timide" dans son travail.
            Interrogés sur ce que leur métier apporte de positif, les 
            journalistes ont des points de vue différents selon le média pour 
            lequel ils travaillent. Ceux de radio ou de télévision mettent en 
            avant la réactivité face à l'événement, tandis que ceux qui 
            travaillent pour la presse écrite citent d'abord la qualité de leur 
            investigation et leur rôle de dénonciation des dérives 
            ("watchdog").
            TROP PEU CRITIQUES
            Les remarques des journalistes sur la pratique de leur métier 
            touchent aussi leur traitement du conflit irakien. Ils sont 55 % 
            dans les médias nationaux à estimer avoir été trop peu critiques 
            vis-à-vis de l'administration Bush. Les journalistes locaux sont 
            moins sévères puisque seuls 37 % estiment que les médias ont été 
            trop complaisants avec le président.
            L'étude indique qu'une majorité de journalistes (54 % de la 
            presse nationale) se considèrent comme politiquement "modérés" et 34 
            % se présentent comme de gauche. En 1995, ils n'étaient que 22 % à 
            se considérer comme des libéraux au sens américain. Seuls 7 % des 
            journalistes des médias nationaux déclarent être 
"conservateurs".
            Seul véritable signe encourageant dans l'étude, le cynisme semble 
            reculer. Seulement 37 % des journalistes nationaux jugent que les 
            médias sont trop cyniques. Ils étaient respectivement 53 % et 51 % à 
            avoir cette opinion en 1999. Mais, depuis cinq ans, l'actualité aux 
            Etats-Unis a beaucoup changé de nature entre le 11 Septembre et les 
            guerres en Afghanistan et en Irak.
            Eric Leser