Indignation contre une pub menaçant de prison les 
adeptes du «peer-to-peer».
Musique sur le Net: 
artistes et public unis contre la répression
Par Florent LATRIVE
lundi 24 mai 2004 
Avertissement. C'est bien la campagne du Snep, inaugurée le 4 mai sous forme 
de pleines pages de pub dans la presse, qui a déclenché la bronca : on y voit 
une main stylisée le majeur dressé (symbolisant avec élégance l'internaute qui 
fait un doigt d'honneur aux maisons de disques), puis la même main en prison. 
Cet avertissement se veut le dernier avant l'offensive judiciaire : affirmant 
que le téléchargement gratuit de musique via le Net est la principale cause de 
la crise du disque (- 15 % des ventes de gros en 2003), le Snep rappelle que 
«la musique gratuite a un prix» et que le piratage est puni de peines 
allant jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende. Les premières 
vagues de plaintes sont annoncées pour les semaines à venir, sur le modèle 
américain : le cousin du Snep outre-Atlantique, la Recording Industry 
Association of America (RIAA), a poursuivi plus de 2 500 personnes depuis 
septembre. Et les Américains ont pris l'habitude de voir des retraités et des 
adolescents envoyés devant les tribunaux. «L'industrie du disque va trop loin, c'est indécent, excessif et 
vulgaire», dénonce Xavier Blanc, le directeur des relations juridiques de la 
Spedidam, qui gère les droits d'une partie des artistes-interprètes. Le 
communiqué critique «une vision archaïque de l'Internet qui prétend éradiquer 
les échanges de fichiers (peer-to-peer) alors que ce mode de diffusion en 
plein développement peut être une source de progrès et de diversité pour le 
public mais aussi pour les artistes». Il fustige aussi «une logique 
purement répressive qui ne peut que détériorer durablement les relations entre 
les artistes et leur public». Les organisations signataires ne sont pas pour autant pour la «gratuité 
des échanges», mais plaident pour des «solutions innovantes, acceptables 
par tous, pour favoriser l'émergence de nouveaux modèles économiques». Sans 
pour l'instant s'engager sur des pistes concrètes, même si l'idée d'une forme de 
taxe prélevée sur les abonnements à l'Internet pour rémunérer les auteurs, 
artistes et producteurs suscite un intérêt grandissant (lire ci-dessous). «Fléau». Cette alliance entre les artistes-interprètes et le public risque 
aussi de mettre le gouvernement en difficulté. Les signataires exigent que leur 
voix «soit entendue [...] alors que n'est actuellement écoutée que celle des 
industriels». Une allusion directe à la politique menée par l'ex-ministre de 
la Culture Jean-Jacques Aillagon et son successeur Renaud Donnedieu de Vabres, 
qui cèdent à toutes les demandes des maisons de disques. A leur demande, le 
gouvernement pousse une refonte de la loi informatique et libertés qui autorise 
des organismes privés à établir des fichiers de fraudeurs présumés, prérogative 
jusque-là réservée à la puissance publique. Et un projet de loi sur le droit 
d'auteur entérinant la mise en place de dispositifs anticopie sur les CD et 
restreignant la copie privée (la possibilité de dupliquer de la musique pour son 
usage personnel) doit être présenté à l'Assemblée nationale mi-juin. La semaine 
dernière, Jacques Chirac a évoqué le «fléau» de la piraterie, critiquant 
de la même façon les ateliers sauvages de gravage d'Asie du Sud-Est et les 
échanges de fichiers sur le Net. Face à ce discours martial, les signataires demandent «l'arrêt immédiat 
des pressions et menaces fondées sur des poursuites judiciaires à l'encontre des 
internautes tant qu'un vrai débat n'aura pas eu lieu et que des solutions 
innovantes n'auront pas été proposées».  (1) Côté «artistes-interprètes» : Adami (Société civile pour l'administration 
des droits des artistes et musiciens interprètes), Spedidam (Société de 
perception et de répartition des droits des artistes interprètes de la musique 
et de la danse), Syndicat français CGT des artistes-interprètes, Snam (Syndicat 
national des artistes musiciens). Côté «public» : UFC-Que Choisir, CLCV 
(Consommation, logement et cadre de vie), Ligue de l'enseignement, Unaf (Union 
nationale des associations familiales).
ir de barrage sur la 
croisade des producteurs de disques contre l'échange gratuit de musique via 
l'Internet. A peine trois semaines après le lancement de leur campagne de 
publicité menaçant les millions d'utilisateurs français de peer-to-peer 
de poursuites judiciaires (Libération du 5 mai), un collectif 
d'organisations d'artistes et d'associations dénonce la «campagne indécente 
et irresponsable du Syndicat national de l'édition phonographique (Snep) qui 
insulte et menace 20 millions d'internautes». Selon nos informations, un 
communiqué commun  signé tout à la fois par des sociétés de gestion des 
droits des artistes-interprètes, des associations de consommateurs et familiales 
(1)  doit être rendu public aujourd'hui ou demain. Sous le titre «Artistes 
et public disent non au tout-répressif», cette déclaration place désormais les 
producteurs en porte-à-faux avec certaines des plus importantes associations 
françaises (la Ligue de l'enseignement compte 1,8 million d'adhérents) et une 
partie des acteurs de la filière musicale.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=208343